Chine
La déception des démocrates de Hong-Kong
(Photo : AFP)
De notre correspondante à Pékin
Alors qu’ils annonçaient, quelques semaines avant les élections, un véritable ras de marée électoral, les démocrates hong-kongais ont eu du mal à cacher leur déception à l’annonce des résultats. Ils remportent pourtant 25 des 30 sièges ouverts à l’élection au suffrage universel direct dans les circonscriptions géographiques, un score qui démontre le soutien d’une large majorité de la population aux revendications démocratiques défendues par les partis d’opposition. Mais le Parti démocratique et Frontiers comptaient rafler jusqu’à 28 sièges. Encore plus décevant, ils ne s’emparent que de deux des six nouveau sièges ouverts au suffrage direct. Le précédent Conseil législatif (Legco) ne comptait en effet que 24 candidats élus dans les circonscriptions géographiques, contre 30 cette fois-ci. Le mouvement démocrate n’a donc pas réussi à s’imposer comme il l’entendait, puisque deux de ces six nouveaux sièges ont été remportés par le Parti Libéral, et deux autres par le DAB, proches de Pékin.
Les démocrates déçus accusent aujourd’hui la stratégie de la carotte et du bâton, consciencieusement appliquée par Pékin avant le scrutin, et dénoncée la semaine dernière par Human Rights Watch. Alex Ho, l’un des candidats démocrates, avait été arrêté sur le continent et condamné à six mois de rééducation par le travail pour avoir loué les services d’une prostituée. James To, un membre éminent du Parti démocratique, avait pour sa part été accusé d’irrégularités financières. Pékin avait également entrepris une vaste offensive de charme, destinée à raviver la flamme nationaliste des Hong-Kongais, et le gouvernement central n’avait pas hésité à mobiliser Yang Liwei, le premier astronaute chinois, l’armée populaire de libération et les médaillés d’or olympique pour faire la promotion de la Chine dans l’ancienne colonie britannique.
Les limites du système électoral
Mais les démocrates accusent avant tout le système électoral, qui démontre en effet toutes ses limites aujourd’hui, puisque les partis largement majoritaires dans le choix des Hong-Kongais, resteront minoritaires au Legco. La moitié des sièges du parlement est en effet choisie par une minorité de 200 000 votants, répartis en circonscriptions fonctionnelles, et traditionnellement favorables au régime de Pékin qui tend à protéger leurs intérêts économiques. Le Parti libéral et le DAB étaient donc assurés de maintenir leur position dominante au Legco, quels que soient les résultats de ces élections législatives.
Le Parti libéral peut néanmoins se féliciter d’avoir progressé dans les circonscriptions géographiques : alors qu’il n’avait aucun élu direct dans la législature précédente, ce parti proche du gouvernement central a obtenu deux sièges dans les circonscriptions géographiques. La démarche est intéressante, puisqu’il s’agit de la première tentative de la part de ce parti de recueillir les suffrages populaires. Il s’agit là d’un « indice de la maturation démocratique » des partis proches de Pékin, selon Gilles Guiheux, le directeur du Centre d’études français sur la Chine contemporaine.
Les partis pro-Chinois se sont pourtant gardés de célébrer trop ostensiblement leur victoire, car ils savent que les débats parlementaires seront désormais des plus agités. Deux démocrates radicaux viennent en effet d’être élus au Legco, ce qui constitue une autre grande première de ces élections : Albert Cheng, l’animateur radio qui avait démissionné au printemps dernier sous la pression et les menaces de Pékin, et Leung Kwok-hung, le radical aux cheveux longs (surnommé Longhair) le plus virulent du territoire, viennent tous deux de faire leur entrée dans le Parlement.
Ceci explique peut-être l’embarras de Pékin devant le résultat de ces élections. La très officielle agence de presse Chine Nouvelle vient en effet de diffuser une dépêche qui détaille le nombre de votants par circonscription et les procédures électorales, mais passe totalement sous silence la répartition politique du nouveau Legco !
Un véritable exploit de langue de bois de la part de Pékin, qui sait que même si les démocrates n’ont pas réussi à s’imposer, ils bénéficient malgré tout du large soutien de la population hongkongaise. Ils disposent surtout d’une capacité de mobilisation populaire, qui a déjà conduit un demi million de personnes dans les rues du territoire le 1er juillet dernier, et pourrait se manifester à nouveau, puisque la voie électorale n’est pas, à Hong-Kong, la meilleure façon de se faire entendre.
par Séverine Bardon
Article publié le 13/09/2004 Dernière mise à jour le 13/09/2004 à 13:06 TU