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Pétrole

Ioukos perturbe le marché

Cette nouvelle affaire Ioukos est symbolique de la fragilité des approvisionnements.
 

		(Photo : AFP)
Cette nouvelle affaire Ioukos est symbolique de la fragilité des approvisionnements.
(Photo : AFP)
En annonçant la suspension de ses livraisons ferroviaires vers la Chine, le pétrolier russe Ioukos provoque des remous sur un marché déjà passablement agité et inquiet et révèle la fragilité des approvisionnements.

Tout a commencé en fin de semaine dernière avec l’annonce par le géant pétrolier russe Ioukos qu’il suspendait la plupart de ses exportations ferroviaires à destination de la Chine en raison du gel de ses comptes bancaires. Ioukos est l’un des principaux fournisseurs de Pékin et livre quelque 400 000 tonnes de brut par mois, soit 100 000 barils par jour, au raffineur chinois CNPC (China National Petroleum Company). Ce marché ne concerne que 10% des exportations totales de l’entreprise mais, dans ce secteur hyper-sensible, l’affaire est prise très au sérieux et provoque déjà des conséquences sur le marché.

Le gel des comptes bancaires de Ioukos a pour objectif le recouvrement par l’Etat russe d’un solde de plusieurs milliards d’arriérés d’impôts au titre des années 2000 et 2001. Mais le problème n’est pas d’ordre simplement fiscale. Ioukos était en effet dirigé par l’un de ces « oligarques » dont le Kremlin, sous la conduite de Vladimir Poutine, a décidé de museler les ambitions. Le fondateur du groupe, Mikhaïl Khodorkovski, est actuellement incarcéré et en cours de jugement pour « fraude fiscale » et « évasion fiscale ». En conséquence, nombre d’observateurs de la vie politique russe estiment que les démêlés judiciaires de l’entreprise sont orchestrés par le Kremlin et considèrent que la décision de Ioukos ne constituent qu’une riposte destinée à embarrasser la direction russe face à la communauté internationale, soucieuse avant tout de sa liberté d’approvisionnement. Les analystes notent également que la décision de Ioukos survient à quelques jours de la rencontre entre les Premiers ministres russe et chinois, à partir du 23 septembre à Moscou. Selon eux, la question sera examinée et « nous pensons que le gouvernement (russe) exhortera Ioukos à reprendre ses livraisons », déclare un spécialiste cité par l’agence Reuters.

Les prix à la hausse

L’hypothèse est d’autant plus vraisemblable que le président Poutine s’est engagé à ce que son pays ne provoque aucune perturbation sur le marché des exportations. Car, dans un contexte international dominé par les tensions sur le marché de l’énergie, les spécialistes considèrent qu’il sera difficile de compenser le pétrole que Ioukos ne fournit plus par des livraisons en provenance d’autres sociétés. Actuellement, le marché fonctionne à flux tendu et « aucune compagnie pétrolière n’a actuellement de volumes en réserve, ce qui signifie que le remplacement des volumes exportés par Ioukos se traduirait par une pénurie des livraisons aux raffineries ».

Pour l’instant, toutefois, rien n’a changé et aucune évolution ne sera constatée avant plusieurs semaines. En effet, si les positions restent les mêmes, ne seront affectés que les volumes de commande passés à dater de cette semaine. Dimanche, les convois ferroviaires de pétrole affrétés par Ioukos continuait de se déverser vers la Chine au même rythme que par le passé. D’autre part, sans être marginal, la production affectée ne touche qu’un segment du marché, tandis que l’oléoduc demeure le principal moyen d’exportation pour Ioukos. L’entreprise expédie par pipe-lines quelque 600 000 barils/jour sur les marchés occidentaux, sur un total d’exportation russe de 4 millions de barils/jour. Vers la Chine, l’exportation par oléoduc n’est pas affectée.

D’ores et déjà, cette situation n’est pas sans conséquence sur les prix du pétrole en dépit de la faiblesse des volumes en jeu. D’une part elle relance la fièvre des approvisionnements sur un marché déjà soumis à de fortes tensions concurrentielles, entre les Etats-Unis, l’Europe et la Chine. D’autre part cette crise, qui surgit juste avant l’hiver dans l’hémisphère nord, aggrave les inquiétudes aux Etats-Unis, où les stocks sont au plus bas, notamment après le passage d’une série de cyclone sur la côte est du pays. Lundi, cette mini-crise avait tiré les prix à la hausse. Jusqu’à 46,16 dollars à New York, pour livraison en octobre.



par Georges  Abou

Article publié le 20/09/2004 Dernière mise à jour le 20/09/2004 à 15:51 TU