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Constitution européenne

Jospin rejoint le camp du «oui»

Dans une tribune publiée par le <i>Nouvel Observateur</i>, Lionel Jospin dit «<i>oui</i>» au traité constitutionnel européen. 

		(Photo: AFP)
Dans une tribune publiée par le Nouvel Observateur, Lionel Jospin dit «oui» au traité constitutionnel européen.
(Photo: AFP)
En pré-retraite politique depuis son cuisant échec aux présidentielles de 2002, l’ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin a décidé de revenir dans la lumière médiatique pour prendre position sur le projet de constitution européenne. Alors que le débat est vif au Parti socialiste entre les défenseurs du «non» et ceux du «oui», il a annoncé dans une tribune diffusée par le Nouvel Observateur, les raisons pour lesquelles, selon lui, le vote en faveur du traité élaboré par la convention européenne est indispensable pour préserver l’avenir de l’Europe, du pays, mais aussi de la gauche française.

Si le débat est un signe de vitalité politique, les socialistes sont en pleine forme. Depuis quelques semaines, en effet, les affrontements sur le projet de constitution européenne sont incessants. Et les points de vue pour le moins divergents. A tel point que le vote des militants lors de la consultation interne, qui doit être organisée d’ici la fin de l’année 2004 pour déterminer la consigne du Parti socialiste lors du référendum sur la constitution européenne, est loin d’être acquis.

Dans ce contexte, Lionel Jospin est une nouvelle fois sorti de son silence politique pour venir conforter les partisans du «oui» au traité européen, ralliés derrière le premier secrétaire François Hollande. Il a choisi de détailler ses arguments dans un message écrit publié par le Nouvel Observateur. Une manière d’entrer dans le débat prudemment en gardant, encore quelque temps, ses distances avec la polémique. Il paraît néanmoins peu probable que l’ancien Premier ministre en reste là. Cette première intervention publique sur un sujet politique aussi important en appelle forcément d’autres.

«Ceux qui prennent le risque de la crise ne savent pas comment la dénouer»

En attendant, Lionel Jospin a expliqué son choix de voter en faveur du projet préparé par la convention européenne, présidée par Valéry Giscard d’Estaing, à la fois par l’attachement traditionnel et historique des socialistes à «l’idée européenne» qui fait partie de leur «identité» et par la nécessité de ne pas confondre les débats de politique intérieure avec les enjeux de la construction européenne. L’ancien Premier ministre admet que le texte proposé ne correspond pas à «l’idéal socialiste» mais il explique néanmoins qu’il s’agit d’un texte de «compromis acceptable» entre 25 Etats qui «reprend les valeurs et les principes de liberté, de solidarité et de progrès des grandes démocraties». Rien ne justifie donc, selon lui, que les socialistes hexagonaux prennent le contre-pied de leurs homologues européens qui appellent tous à voter oui. Etre la formation politique qui porterait la responsabilité d’un blocage européen ne pourrait qu’isoler le Parti socialiste français.

Quant à l’idée selon laquelle le «non» est destiné à provoquer un électrochoc et à initier une renégociation du traité pour obtenir plus de garanties sociales, Lionel Jospin la dénonce purement et simplement. De cette manière, il répond à Laurent Fabius qui a affirmé son opposition à un texte qui ne répond pas aux attentes sociales des Français et s’est positionné comme le chef de file socialiste du camp du «non» à la constitution. Pour Jospin, c’est en restant dans le processus européen, et non en le paralysant, que la France pourra influer sur son évolution et les socialistes avancer leurs arguments lorsqu’ils reviendront au pouvoir. «Ceux qui prennent le risque de la crise ne savent pas comment la dénouer».

Des enjeux français pour un référendum européen

Reste le problème du jeu de politique intérieure entre le gouvernement et l’opposition, qui pourrait inciter les socialistes à refuser de voter en faveur d’un projet de traité trop «libéral» défendu par un président de droite, Jacques Chirac, dans l’espoir de participer à déstabiliser un peu plus une majorité parlementaire déjà ébranlée par la débâcle des élections régionales de mars 2004. Mais, pour Lionel Jospin, même cette fin, ne justifie pas d’appeler à voter «non». Le référendum sur l’Europe ne doit pas être pris en otage de la lutte politique intérieure. Ce calcul est trop risqué pour la France, d’autant qu’une victoire du non ne porterait pas directement préjudice à Jacques Chirac et ne l’inciterait même pas, estime Lionel Jospin, à quitter ses fonctions à l’Elysée. La mobilisation contre la droite ne doit pas se faire sur le dos de l’Europe mais autour des problèmes des Français : retraites, sécurité sociale, chômage…

Cet argumentaire, qui se veut celui d’un socialiste mais aussi d’un homme d’Etat responsable faisant valoir un point de vue dégagé des intérêts partisans, n’a pas convaincu tout le monde chez les socialistes. Loin s’en faut. Les adversaires du «oui» n’ont pas manqué d’attaquer le manque d’exigence de Lionel Jospin, ses arguments usés et sa description «catastrophiste» d’une victoire du «non». Henri Emmanuelli, animateur du courant du Nouveau monde au PS, a ainsi déclaré : «Je suis européen, cela ne veut pas dire qu’on accepte n’importe quelle Europe». Arnaud Montebourg, du courant du Nouveau Parti socialiste (NPS), va même jusqu’à rappeler à Lionel Jospin qu’il est hors jeu. Il a ainsi déclaré en guise de commentaire sur la prise de position de l’ancien Premier ministre : «Jospin fait partie de ces dirigeants qui nous ont expliqué depuis quinze ans que si nous n’avions pas obtenu de contreparties sociales aux concessions faites aux droites européennes, cela viendrait la fois suivante… A force, sa parole s’use et perd de son crédit».

Décidément, le thème de l’Europe a tendance, ces derniers temps en France, à brouiller les repères politiques traditionnels. En matière de référendum sur la constitution européenne, le clivage droite/gauche n’existe plus et les convergences d’idées sont parfois surprenantes. Quand Philippe de Villiers voit en Laurent Fabius un «voisin de palier» et quand Nicolas Sarkozy salue «l’homme d’expérience» en Lionel Jospin, les Français n’ont plus qu’à se faire une opinion par eux-mêmes.

par Valérie  Gas

Article publié le 23/09/2004 Dernière mise à jour le 23/09/2004 à 15:21 TU