Proche-Orient
Israël poursuit son offensive meurtrière à Gaza
(Photo : AFP)
La journée de jeudi a été considérée comme l’une des plus meurtrières depuis le début de l’Intifada. Trente-deux Palestiniens, ainsi que deux soldats israéliens et une femme colon, ont en effet été tués dans le nord de la bande de Gaza au cours de cette seule journée qualifiée de «jeudi noir» par les Palestiniens. Cette explosion de violence est intervenue au lendemain de la mort de deux enfants israéliens, une fillette de deux ans et un garçon de quatre ans, fauchés par une roquette artisanale palestinienne tirée sur la ville frontalière de Sdérot. Ces décès ont aussitôt entraîné une riposte de l’armée israélienne qui a tiré un obus de char tuant sept Palestiniens près d’une école. Les victimes, ont affirmé des témoins, étaient tous des adolescents qui n’avaient pas participé aux affrontements qui avaient opposé un peu plus tôt les soldats de Tsahal à des activistes palestiniens. Déplorant la mort de civils, un militaire israélien a d’ailleurs confirmé que des chars avaient tiré à au moins de reprises des obus sur le camp de réfugiés surpeuplé de Jabaliya. L’un de ces obus, a-t-il précisé, est tombé sur «un marché densément peuplé près d’une école» après que deux attaques aient été menées depuis ce secteur.
Les violences qui se sont poursuivies toute la journée de jeudi n’ont pas connu de trêve le lendemain. Huit personnes ont en effet été tuées vendredi dans ce secteur portant à quarante-six le nombre de Palestiniens morts depuis le début de l’opération Jours de pénitence, officiellement lancée pour mettre fin aux tirs de roquettes palestiniennes sur le territoire israélien. «Ce que nous avons vu aujourd’hui va continuer. Nous n’avons pas de limitation de temps», avait prévenu jeudi le porte-parole d’Ariel Sharon, Avi Pazner, peu avant une réunion du cabinet de sécurité israélien. C’est au cours de cette réunion que le Premier ministre a autorisé l’armée israélienne à faire preuve d’«agressivité continue» au cours de ses opérations. Ce faisant, Ariel Sharon a suivi les recommandations de l’état-major israélien qui a décidé de réoccuper une partie du nord de la bande de Gaza. «Il ne s’agira pas d’une occupation permanente», a cependant relativisé un responsable israélien cité par la radio. «Nous avons l’intention de faire payer aux Palestiniens un prix élevé pour qu’ils comprennent que cela ne paie de continuer à tirer des Qassam», a-t-il ajouté faisant référence aux roquettes artisanales fabriquées par le mouvement radical Hamas. Capables de transporter une charge de cinq kilos d’explosif, elles ont une portée imprécise qui n’excède pas les dix kilomètres.
Bras de fer entre Sharon et le Hamas
Cette recrudescence de la violence dans les Territoires palestiniens menace sérieusement de compromettre l’application du plan très controversé de retrait de la bande de Gaza que le Premier ministre israélien espère mettre en œuvre dès le printemps prochain. Les détracteurs de ce projet, parmi lesquels de nombreux membres du Likoud –le parti d’Ariel Sharon– n’ont d’ailleurs pas manqué l’occasion pour affirmer que ce plan était à l’origine de la récente dégradation de la situation dans la mesure où il a encouragé les radicaux palestiniens déterminés à donner l’impression d’avoir chassé l’armée israélienne de ce territoire. Dans ce contexte, ces nouvelles violences prennent, aux yeux des observateurs de la scène régionale, des allures de bras de fer entre le chef du gouvernement israélien et les radicaux du Hamas marqué par la détermination du premier à se retirer de la bande de Gaza et la volonté des seconds à montrer qu'Israël bat en retraite face à leurs actions armées.
Le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, qui a réaffirmé vendredi que la vaste offensive militaire lancée mercredi dans la bande de Gaza «prendra du temps», a d’ailleurs confirmé que cette opération avait aussi pour objectif de signifier aux groupes armés palestiniens que l'armée israélienne ne sera pas contrainte à quitter la bande de Gaza sous leurs tirs. «Nous voulons leur montrer que nous ne leur permettrons pas de poursuivre leurs activités» pendant la mise en oeuvre du plan de séparation, a-t-il précisé.
Ces déclarations du ministre israélien semblent en tous cas conforter l’idée que le retrait de la bande de Gaza défendu par le Premier ministre israélien est toujours à l’ordre du jour. Un haut-fonctionnaire de la présidence du Conseil a fait valoir à ce propos, sous couvert de l'anonymat, que les évènements en cours dans les Territoires palestiniens «ne changeaient rien à la détermination d’Ariel Sharon de procéder à son plan de redéploiement».
De nombreux observateurs s’inquiètent toutefois de la nouvelle stratégie adoptée par l’armée israélienne dans la bande de Gaza qui depuis le début de l’Intifada s’était pourtant toujours gardée de réoccuper trop longtemps ce territoire. La densité de population très importante dans ce secteur transforme en en effet toute opération menée par Israël en combats de rues qui peuvent s’avérer très meurtriers pour les deux parties.
par Mounia Daoudi
Article publié le 01/10/2004 Dernière mise à jour le 01/10/2004 à 16:01 TU