UE-Turquie
Le feu vert de la Commission
(Photo: AFP)
Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne devront confirmer le 17 décembre prochain la recommandation de la Commission européenne de lancer les négociations en vue de l’adhésion de la Turquie à la communauté. Le conseil européen devra également fixer la date du début de ces pourparlers, probablement pas avant la fin 2005.
La Commission européenne présidée par Romano Prodi qui doit céder la place le 1er novembre à l’équipe constituée par le nouveau président José Manuel Durão Barroso achève donc son mandat par une décision lourde de conséquences. L’entrée de la Turquie au côté des Vingt-cinq fait l’objet d’une rude controverse en Europe, tant dans la classe politique que parmi les opinions publiques des pays membres. Pays le plus peuplé de l’Union européenne la Turquie serait aussi le seul membre de culture musulmane. Or la Turquie frappe à la porte depuis 1999, date à laquelle elle a obtenu le statut de candidat à l’adhésion. Il n’était plus possible de la faire attendre davantage alors que l’Union européenne s’est élargie le 1er mai dernier à dix nouveaux membres, que la Roumanie et la Bulgarie vont les suivre en 2007 et que la Croatie est sur les rangs.
Après bien des retards, hésitations et tergiversations, la longue discussion de quatre heures qui a eu lieu entre les commissaires en est la preuve, la Commission européenne a considéré que la Turquie avait suffisamment progressé sur le chemin des réformes politiques économique et sociales pour envisager l’ouverture de négociations officielles d’adhésion avec l’Union européenne. Toutefois la Commission a bien souligné que négociation ne veut pas dire accord et que le résultat de ces pourparlers ne peut être garanti par avance. De plus les discussions pourront être suspendues en cas de dérapage de la Turquie dans les domaines de la liberté, de la démocratie et des droits de l’homme, et, en cas d’adhésion à l’issue du processus, des clauses de sauvegarde permanente pourront venir limiter la libre circulation des travailleurs turcs dans l’Union.
Des progrès, peut mieux faireLe spectre d’une vague d’immigration est-ouest est à l’origine des vives réticences enregistrées dans certains pays membres. Mais, sur ce point, le ministre turc de l’Economie a tenu à rassurer par un argument qui n’apaisera certainement pas les craintes dans le contexte européen actuel: la Turquie, a dit Kemal Unakitan, « représente une alternative particulièrement séduisante pour les candidats à la délocalisation et les Turcs préféreront rester et produire chez eux plutôt qu’immigrer ».
Le verdict favorable de la Commission européenne en faveur de l’ouverture des négociations est la reconnaissance des efforts mis en oeuvre et des progrès réalisés par la Turquie depuis l’arrivée au pouvoir en 2002 du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, issu de la mouvance islamiste. Celui-ci a rappelé devant le conseil de l’Europe l’abolition de la peine de mort et des cours de sécurité d’Etat, l’adoption de réglementations en faveur de l’égalité des femmes et l’interdiction de la torture et des traitements inhumains. La Commission européenne attend cependant des avancées supplémentaires en matière de liberté d’expression, de liberté religieuse, de droits des femmes, des syndicats et des minorités.
Le commissaire finlandais Olli Rehn chargé dans la prochaine Commission du dossier de l’élargissement et qui, à ce titre, mènera les discussions avec la Turquie, a dès à présent souligné la nécessité d’un mécanisme de contrôle plus strict de l’application effective des engagements pris par la Turquie.
En tout état de cause, l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne n’est pas envisageable avant 2015, voire 2019. Les négociations seront, de l’avis même de la Commission, longues et complexes et des périodes transitoires durables pourraient être exigées. Mais le président de la Commission Romano Prodi a mis en évidence «l’aspiration historique marquée par le personnage d’Atatürk à partager pleinement le destin et les valeurs de l’Europe» dont la Turquie fait preuve.
par Francine Quentin
Article publié le 06/10/2004 Dernière mise à jour le 06/10/2004 à 13:58 TU