Cameroun
Une campagne électorale déséquilibrée
(Photo: AFP)
De notre correspondant à Yaoundé
Le séjour à Maroua, ce mercredi, du président Biya, comme deuxième étape de son safari électoral est entouré de plus d’un sous-entendu. La capitale provinciale de la province de l’Extrême-Nord, symbolise l’importance que revêt cette partie du pays, considérée comme le vivier électoral du Cameroun, une zone décisive pour les victoires électorales, passage obligé de tous les candidats. Cette étape, vient en outre prolonger plus d’une polémique autour des privilèges du candidat sortant. Mardi déjà, Paul Biya a inauguré ce qui s’annonce comme son périple à travers le pays, avec les attributs de chef de l’État : il s’est rendu à Monatélé, petite localité à une heure de route de Yaoundé, dans un département, parmi les plus peuplés et les plus fidèles au régime- avec son hélicoptère de fonction, sous une forte escorte des éléments de sécurité, accueilli par une forte délégation d’élites administratives avec véhicules de fonctions, ayant abandonné bureaux et cabinets ministériels dans la capitale. Signes, parmi d’autres, que le RDPC, use à fond de sa position dominante sur l’échiquier administratif.
En face, l’opposition est acculée à la débrouillardise. Sans moyens consistants, elle gère son désespoir. Le Social democratic front de John Fru Ndi, principal parti d’opposition dit s’appuyer sur les contributions de ses militants, notamment celles de ses 23 députés, qui reversent une partie de leurs indemnités mensuelles dans les caisses de cette formation politique. Même s’il s’efforce de ne pas faire piètre figure et de ne pas laisser le terrain aux autres, Adamou Ndam Njoya, président national de l’Union démocratique du Cameroun (UDC), et porte-étendard de la Coalition pour la reconstruction et la réconciliation nationales ( CRRN) – un regroupement des forces d’opposition au régime – ne roule pas sur l’or. Ses partisans et lui ont d’ailleurs, depuis la semaine dernière, lancé un « appel à contribution » en direction de toutes les bonnes volontés. Les premières inquiétudes ne sont plus tues : cette coalition redoute de ne pouvoir réussir le pari de déployer ses représentants dans les 23 000 bureaux de vote officiellement recensés à travers le pays ; une opération qui nécessite à elle seule quelques vingt-cinq millions FCFA, selon des prévisions.
Jusqu'à mardi soir, les financements publics en faveur des partis politiques, dont le montant global reste nébuleux, n’étaient toujours pas disponibles. Un communiqué des services du Premier ministre annonçait la semaine dernière que lesdits financements seraient effectivement mis à la disposition des candidats, dès la fin de l’examen par le Conseil constitutionnel, des recours introduits par les candidats non agréés par le ministère de l’Administration territoriale. Or, le contentieux a été vidé depuis vendredi dernier...
Ce sentiment de déséquilibre entre le RDPC au pouvoir et les autres partis politiques qui présentent des candidats à l’élection du 11 octobre prochain, est aussi perceptible au niveau de la radio et de la télévision d’État : la direction de radio télévision de service public a beau affecter une équipe de télévision à chaque candidat, le ministère de la communication a beau octroyer le même temps d’antenne aux candidats lors des tranches de propagande dans les médias de service publics, il reste que le RDPC, du fait de ses multiples démembrements demeure la formation politique qui y est la plus couverte, comme le montrent le nombre de reportages consacrés à ce parti, dans le journal de campagne de la télévision.
Palabre électorale
Pendant ce temps, les membres du gouvernements en fonction, ne loupent aucune occasion pour faire des annonces adossées sur des promesses. Le Premier ministre Peter Mafany Musongé, représentant personnel du candidat du RDPC, aussi bien au sein de la commission nationale campagne de Paul Biya, que sur le terrain- a ainsi a promis le bitumage prochain de l’axe routier Obala/Nanga –Eboko, dans la province du Centre. Le ministre des Travaux publics a annoncé lundi dans le Cameroon Tribune, le quotidien gouvernemental, que 13,5 milliards FCFA, devraient servir à l’entretien et à la réhabilitation des routes rurales, « en application des hautes directives du chef de l’État ». Quant au ministre de la Santé, il a choisi les colonnes de L’Action, le journal du RDPC, pour annoncer en fin de semaine dernière, que le coût du traitement du VIH/sida a été ramené à 3 000 FCFA, par mois et par malade, dès le 1er octobre. Le président Biya lui-même devrait faire des annonces fortes au long de son périple.
Ces pratiques, l’Observatoire national des élections (l’Onel, qui est censé jouer le rôle de gendarme électoral), n’avait pas souhaité qu’elles aient lieu. Un « Code de conduite à l’intention des acteurs politiques du Cameroun » avait été élaboré, suggérant que le parti au pouvoir évite « de créer un déséquilibre, du fait de l’utilisation de sa position dominante à des fins de campagne électorale ». Selon nos informations, ce document avait apparemment été acheminé en haut lieu, et on espérait à l’Onel qu’il ferait par la suite l’objet d’une réunion de concertation avec les candidats à l’élection présidentielle. Il ne circule plus que sous le manteau, sans explications.
Alors que le RDPC exploite sa position de parti au pouvoir, les premières querelles sur le déroulement du scrutin se font déjà jour. Des électeurs se sont vu attribuer plus d’une carte pour certains d’entre eux. L’opposition soupçonne déjà le RDPC de faciliter les votes multiples – une pratique bien connue au Cameroun – pour ses partisans. Au moins, sur ce point, la palabre électorale a commencé.
par Valentin Zinga
Article publié le 07/10/2004 Dernière mise à jour le 07/10/2004 à 12:34 TU