Prix Nobel
Wangari Maathai : des arbres pour la paix
(Photo: AFP)
Une terre sans arbre est une terre morte. La Kenyane Wangari Maathai en a été convaincue toute sa vie. Et c’est pour récompenser à la fois cette conviction écologique salutaire et le combat politique en faveur des droits de l’homme qu’elle mène depuis trente ans que le comité Nobel a choisi de lui attribuer, cette année, sa plus prestigieuse récompense : le prix Nobel de la paix.
En se battant pour l’écologie, Wangari Maathai a travaillé au développement de son pays avec l’objectif ultime d’améliorer les conditions de vie de ses compatriotes et notamment d’aider les femmes à sortir de la pauvreté. Des milliers d’entre elles ont d’ailleurs rejoint le «Mouvement de la ceinture verte» que Wangari Maathai a fondé en 1977. Elles ont planté des arbres et leur ont apporté des soins pour éviter la déforestation, la désertification, l’érosion des sols, facteurs d’appauvrissement des populations rurales au Kenya et en Afrique en général. Un travail pour l’avenir que Wangari Maathai résume en expliquant : «Nous plantons les graines de la paix maintenant et pour le futur», ajoutant que l’écologie est un aspect important de la paix «car lorsque les ressources se raréfient, nous nous battons pour nous les approprier».
En se lançant dans la lutte en faveur de la préservation de l’environnement, Wangari Maathai ne s’est pas fait que des amis. Elle s’est opposée à de nombreuses reprises à des projets immobiliers qui nécessitaient la destruction d’espaces verts ou de forêts, comme celui du parc Uhuru à Nairobi. En militant contre l’abattage des arbres, Wangari Maathai a donc aussi participé à la dénonciation des pratiques de corruption dans un pays où les intérêts particuliers des représentants du régime autoritaire de l’ancien président kenyan Daniel Arap Moi, primaient sur la préservation des ressources naturelles essentielles pour assurer l’avenir de la population. Son engagement lui a d’ailleurs valu de nombreux déboires. Elle a été victime de toutes sortes de harcèlements et de pressions. Mais des coupures d’électricité ou de téléphone aux brutalités ou aux séjours en prison, rien n’a réussi à l’arrêter. Elle a continué à dénoncer «les gouvernements qui oppressent les populations» et sont les mêmes que ceux «qui ne sont pas sensibles aux conditions de vie des gens et à l’environnement».
Une femme hors du communIl est vrai que Wangari Maathai est un personnage hors du commun au caractère bien trempé et à la volonté de fer, à la fois intelligente, instruite et engagée. Autant de caractéristiques qui lui ont servi à mener sa lutte mais ont ruiné son mariage avec un homme politique dont elle a eu trois enfants. Wangari Maathai a, en effet, réussi un parcours exceptionnel. Elle été la première femme d’Afrique de l’Est et du Centre à obtenir un doctorat (biologie) puis la première Kenyane à occuper une chaire universitaire (anatomie vétérinaire). Elle est aussi rapidement entrée au Conseil national des femmes dans les années 70. Et c’est à cette époque qu’elle a commencé à s’engager en faveur de la défense de l’environnement. Son «Mouvement de la ceinture verte» est devenu une initiative exemplaire qui a rencontré un grand succès au Kenya et a ensuite essaimé dans d’autres pays de la région (Tanzanie, Ouganda, Malawi, Lesotho, Ethiopie, Zimbabwe). Le message de Wangari Maathai en faveur du reboisement comme facteur de sécurité alimentaire et de développement durable a donc été largement entendu. Et son action a été de nombreuses fois récompensée par des institutions internationales, des universités, ou des fondations.
Militante et, par la force des choses, opposante du temps du régime autoritaire d’Arap Moi, Wangari Maathai continue sa lutte, aujourd’hui qu’un nouveau président a été élu, en tant que parlementaire et ministre-adjoint à l’Environnement, aux Ressources naturelles et à la Faune sauvage. Déjà très populaire dans son pays, elle va le devenir sur toute la planète grâce à la distinction que le comité Nobel vient de lui attribuer. Un honneur auquel elle ne s’attendait pas mais qu’elle reçoit comme une bénédiction : «Je suis ravie et je remercie Dieu pour tout. Je continuerai ma campagne et je demande aux Kenyans de me rejoindre».par Valérie Gas
Article publié le 08/10/2004 Dernière mise à jour le 08/10/2004 à 14:34 TU