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Prix Nobel

Shirine Ebadi, Iranienne, musulmane, Nobel de la paix

Shirine Ebadi est la première musulmane récompensée par le prestigieux prix Nobel de la paix. Cette avocate iranienne de 56 ans milite depuis de nombreuses années pour les droits de l’homme dans son pays. Malgré les pressions et les intimidations dont elle a été victime de la part des conservateurs du régime iranien, Shirine Ebadi a continué à mener son combat pour la démocratie. Dans la course au Nobel, elle faisait figure d’outsider face à des candidats comme Vaclav Havel ou Jean-Paul II. Mais les membres du comité ont voulu, semble-t-il cette année, encourager une femme engagée à poursuivre sa lutte plutôt que récompenser l’œuvre d’une vie.
«Toute personne oeuvrant pour les droits de l’homme en Iran doit vivre avec la peur de sa naissance à sa mort mais j’ai appris à surmonter ma peur». Cette phrase résume la détermination de Shirine Ebadi, une militante iranienne qui se bat pour faire progresser la démocratie dans son pays et notamment pour faire respecter les droits des femmes et des enfants. C’est cet engagement courageux que les cinq membres du comité Nobel, parmi lesquels figurent trois femmes, ont voulu saluer et aider en la choisissant.

Lorsqu’elle a appris qu’elle avait obtenu le prix Nobel de la paix, Shirine Ebadi s’est dite «abasourdie». Il est vrai que son combat n’est pas parmi les plus médiatiques et que sa nomination n’avait pas été la plus remarquée cette année. En tout, 165 candidats étaient en lice mais deux sortaient du lot: Vaclav Havel, l’ancien président tchèque, et le Pape Jean-Paul II. D’ailleurs certaines personnalités ont fait part de leur immense surprise de voir ce dernier devancé par Shirine Ebadi. Le Polonais Lech Walesa, prix Nobel de la paix en 1983, a même été jusqu’à déclarer que ce choix était «une grande erreur… incroyable, invraisemblable» puisque «s’il y a parmi les vivants au monde quelqu’un qui mérite cette distinction c’est certainement le Saint-Père».

«Vous pouvez être musulmane et soutenir la démocratie»

Et pourtant, dans un contexte marqué depuis les attentats du 11 septembre 2001 et les interventions militaires en Afghanistan et en Irak, par le risque de choc des civilisations entre catholiques et musulmans mais aussi par les dangers des dérives intégristes, le choix d’une Iranienne, musulmane, avocate qui revendique, et sa nationalité, et sa religion, est au contraire particulièrement symbolique et porteur de sens. Shirine Ebadi a ainsi toujours affirmé qu’elle ne reniait rien de ses racines: «Je suis Iranienne, fière d’être Iranienne et je vivrai dans mon pays aussi longtemps que je le pourrai», ni de sa foi: «Je suis musulmane, donc vous pouvez être musulmane et soutenir la démocratie». Elle montre à elle seule qu’il faut éviter les amalgames et que le combat pour la démocratie n’a ni frontière ni religion. En tout cas, pour Shirine Ebadi, il n’y a «aucune contradiction entre l’islam et les droits fondamentaux de l’homme».

Shirine Ebadi, qui a été la première femme juge d’Iran en 1974, mais a été contrainte de quitter son poste après la révolution islamique car les femmes étaient, du point de vue des imams, trop «émotives» pour occuper de telles fonctions, a déclaré: «Ce prix est très bon pour moi, très bon pour les droits de l’homme, très bon pour la démocratie en Iran». De la même manière, l’une des treize parlementaires réformatrices iraniennes Sharbanou Amani a voulu envisager ce choix comme un signe d’espoir: «J’espère que ceux qui s’opposent à elle vont reconsidérer leurs positions».

Shirine Ebadi, qui a joué un rôle important dans l’élection du président réformateur Mohammad Khatami en 1997 en mobilisant l’électorat féminin, est en effet en but à des attaques permanentes de la part des ultra-conservateurs du régime iranien car elle défend en tant qu’avocate les causes les plus difficiles: liberté d’expression et d’opinion politique, égalité des droits entre hommes et femmes. Elle prône aussi une interprétation du coran en harmonie avec les droits de l’homme et condamne des pratiques comme la lapidation qui «n’ont pas de fondement dans le Coran». Selon elle, l’Iran souffre avant tout d’une «culture patriarcale» qu’elle considère comme «le plus grand adversaire des droits des femmes dans les pays orientaux».

En Iran, l’annonce du choix des membres de comité Nobel n’a pas fait l’objet de réactions immédiates. Le porte-parole du gouvernement, Abdollah Ramezanzadeh, qui avait déclaré: «Nous sommes heureux qu’une femme iranienne musulmane ait su se faire distinguer par la communauté internationale pour ses activités en faveur de la paix», a dû très vite préciser qu’il s’était exprimé à titre personnel uniquement.

Le prix Nobel de la paix confère au combat de Shirine Ebadi une reconnaissance sur la scène internationale d’autant plus importante qu’elle est la première musulmane, et seulement la onzième femme pour 79 hommes, à obtenir cette prestigieuse distinction. L’organisation Amnesty International a ainsi estimé que «cette récompense, qui intervient à un moment où les principes des droits humains sont de plus en plus menacés, va apporter de nouveaux espoirs à tous ceux qui sont impliqués dans la défense quotidienne des droits de l’homme». D’ailleurs, Shirine Ebadi n’a pas tardé à continuer son combat en profitant de son nouveau poids médiatique pour demander «la libération le plus tôt possible des prisonniers iraniens luttant pour la démocratie».

Pour tenter de mieux connaître la personnalité et l'histoire de Shirine Ebadi, Addala Benraad a interrogé l'un de ses proches, Kazem Kardavani, membre de l'association des écrivains iraniens:
Ecoutez l’Invité mi-journée (10 octobre 2003, 3'06").



par Valérie  Gas

Article publié le 10/10/2003 Dernière mise à jour le 08/10/2004 à 15:00 TU