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Guyane

Les sans-papiers du centre de rétention dorment sur le béton

Un centre de rétention en Guyane.   Avec la directive, la durée de la rétention sera de six mois maximum mais  peut être prolongée de douze mois si le retour est compliqué par un manque de coopération de l'intéressé ou de son pays d'origine.
 

		(Photo: Frédéric Farine/RFI)
Un centre de rétention en Guyane. Avec la directive, la durée de la rétention sera de six mois maximum mais peut être prolongée de douze mois si le retour est compliqué par un manque de coopération de l'intéressé ou de son pays d'origine.
(Photo: Frédéric Farine/RFI)
En France, dix-huit des vingt-cinq centres de rétention administrative ne répondent pas aux critères d’équipements obligatoires, selon un rapport de l’Inspection générale de l’administration (Iga) et des affaires sociales (Igas). Le centre de rétention de Guyane compte parmi les plus mauvais élèves.
Un centre de rétention en Guyane.   Avec la directive, la durée de la rétention sera de six mois maximum mais  peut être prolongée de douze mois si le retour est compliqué par un manque de coopération de l'intéressé ou de son pays d'origine.
 

		(Photo: Frédéric Farine/RFI)
Un centre de rétention en Guyane. Avec la directive, la durée de la rétention sera de six mois maximum mais peut être prolongée de douze mois si le retour est compliqué par un manque de coopération de l'intéressé ou de son pays d'origine.
(Photo: Frédéric Farine/RFI)
De notre correspondant à Cayenne

Autour, il reste un peu de forêt et de savane. L’aéroport de Rochambeau est à un kilomètre. Engoncé derrière ses grilles, le centre de rétention guyanais transpire l’exiguïté. Les personnes retenues, en attente d’une éventuelle reconduite à la frontière, y «dorment à même la paillasse en béton sans matelas», souligne le rapport des inspecteurs Iga-Igas dévoilé par le quotidien La Croix au mois d’août. A l’aéroport, Pierre Campa, directeur départemental de la Police de l’air et des frontières (Paf), justifie ce régime spartiate: «On ne trouve pas ça gênant puisqu’il y a deux ans nous avions acheté 60 matelas coûteux et il n’en reste aucun. Ils ont tous été déchirés: par les femmes retenues pour faire certains nettoyages que je ne détaillerai pas, par les hommes pour boucher les waters voire tout bonnement emmerder l’administration».

Une argumentation «irrecevable» pour monseigneur Emmanuel Lafont, évêque de Guyane: «Ces conditions sont inacceptables. Quand les  écoliers abîment leurs chaises et leurs bureaux, on en met des neufs. Je crois que les chrétiens des administrations ont un rôle éminent à jouer pour que l’administration reste toujours humaine». A la Paf, Pierre Campa assure qu’«une solution est à l’étude. Vous connaissez la résistance des tapis de judo ? On est à la recherche, depuis plusieurs mois, d’une entreprise qui ferait des tapis de judos aux dimensions des lits actuels pour régler ce petit problème».

«Repas sur les genoux et WC sans paravent»

L’absence de matelas n’est pas le seul «petit problème». Numéro deux de la Cimade, l’association chargée du suivi juridique des personnes maintenues dans les centres, Luis Retamal a visité le centre de rétention administrative (CRA) de Guyane en avril dernier: «Les lits sont des tablettes en béton collées au mur à 70 cm du sol, sans draps, ni couvertures. Faute de réfectoire, les repas sont servis dans les cellules -je n’appelle pas ça des chambres- dans des assiettes en carton que les retenus posent sur leurs genoux puisqu’ il n’y a pas de table. Enfin, au milieu des cellules, où les gens sont tenus de rester en permanence, il y a des WC turcs sans paravent ni portes. Chacun y fait ses besoins au vu des autres».

Projets d’architectes à l’appui, Pierre Campa assure que la situation du camp va s’améliorer: «Sur les 1,5 hectare de l’Etat, en partie occupé par le centre, nous allons le rénover et l’étendre. Ce futur centre, parfaitement aux normes, passera d’une capacité de 38 à 65 places. Il reste à boucler le financement afin d’espérer débuter, avant 2005, des travaux d’une durée de 18 mois». Pour l’heure, au CRA de Guyane, nombre d’obligations légales font toujours défaut: il n’y a pas de locaux séparés pour hommes, femmes et familles, ni espace de promenade. Les inspecteurs Iga-Igas y déplorent en plus «l’absence de climatisation et une chaleur difficile à supporter».

Sans papiers et sans aide

«Il n’y a pas non plus de locaux pour la Cimade et pour l’OMI» a, de son côté, constaté Luis Retamal. L’Omi, l’Office des migrations internationales, est l’établissement public chargé depuis 2001 d’une mission sociale dans les CRA: effectuer, pour le compte des personnes retenues, les ultimes démarches à l’extérieur, notamment la récupération de bagages et la clôture de comptes bancaires.

«Nous n’avons jamais eu d’agent au centre de rétention», confie-t-on à l’Omi de Cayenne, «ce n’est pas un problème de local, aucun candidat ne s’est manifesté pour le poste: une vacation de deux heures par jour, sans doute insuffisamment alléchante». De son côté, la Cimade qui travaille depuis 20 ans dans les CRA (officiellement depuis 2001) n’est pas «missionnée» par l’Etat en Guyane: «La Direction des populations et des migrations nous alloue le budget, mais d’une manière ciblée en attribuant un demi-poste pour le CRA de Strasbourg ou de Lyon. La Cimade ne décide pas du lieu d’affectation. Nous demandons régulièrement la Guyane mais, pour l’instant, la réponse c’est niet !», déplore Luis Retamal. Difficile, selon lui, d’évaluer si les conditions se sont améliorées ces dernières années au CRA de Guyane: «Lors d’une précédente mission, en 1998, ma visite des lieux avait été soigneusement guidée par les autorités», se souvient-il.

Pierre Campa répond pour lui: «Quand je suis arrivé, il y a 4 ans, les conditions étaient lamentables, les murs décrépis… On a tout fait carreler du sol au plafond, les peintures sont refaites chaque année, il y a une infirmière, les retenus peuvent voir un médecin quand ils le réclament...». Bien que médiatisées localement, les conditions de vie au centre de rétention laissent de marbre la classe politique guyanaise. La loi Sarkozy du 26 novembre 2003 a étendu le maintien en rétention de 12 à 32 jours. En Guyane, les nuits sont longues sur le béton.


par Frédéric  Farine

Article publié le 09/10/2004 Dernière mise à jour le 09/10/2004 à 08:43 TU