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Des propositions contre le racisme et l’antisémitisme

Tombes profanées dans un cimetière de Lyon. 

		(Photo: AFP)
Tombes profanées dans un cimetière de Lyon.
(Photo: AFP)
Le ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin, a présenté le 19 octobre les conclusions du dernier rapport sur le racisme et l’antisémitisme. Ce texte rédigé par le directeur de l’association Action contre le faim, Jean-Christophe Rufin, souligne la gravité «incontestable» des actes violents commis contre les juifs et les dangers de la discrimination raciste. Il préconise plusieurs mesures pour endiguer ces phénomènes, comme la judiciarisation de la lutte contre l’antisémitisme en milieu scolaire ou l’ouverture d’une filière officielle d’immigration économique.
Jean-Christophe Rufin. 

		(Photo: MV/RFI)
Jean-Christophe Rufin.
(Photo: MV/RFI)

«Les menaces et les violences exercées contre des Français juifs constituent un fait social évident, nouveau et extrêmement préoccupant», estime Jean-Christophe Rufin qui vient de rendre un rapport sur le racisme et l’antisémitisme au ministre français de l’Intérieur, Dominique de Villepin.  Il en déduit que toute «tentative pour (le) relativiser est totalement irrecevable» et que ce phénomène constitue une menace «contre la survie du système démocratique». Les chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur montrent, en effet, que les violences antisémites ont connu une forte augmentation depuis l’année 2000 et sont devenues majoritaires au sein de l’ensemble des actes racistes. Même si Dominique de Villepin s’est félicité de la «décrue significative» de ces actes enregistrée lors des trois derniers mois, le phénomène reste inquiétant. Jean-Christophe Rufin propose d’ailleurs d’améliorer le dénombrement des actes antisémites et de publier «des chiffres plus clairs et plus transparents», prenant notamment en compte le «taux d’élucidation» des affaires, de manière à pouvoir réaliser des comparaisons avec les autres pays afin de se rendre compte de la «gravité spécifique de la situation en France».

L’auteur du rapport propose aussi une analyse qui met en avant le lien existant entre l’antisémitisme en France et le conflit au Proche-Orient. De ce point de vue, il affirme que l’existence d’un «courant antisioniste radical» qui justifie les actions violentes commises en France par le soutien à la lutte armée des Palestiniens et remet en cause l’existence d’Israël, joue le rôle d’un «antisémitisme par procuration». Il propose d’ailleurs de limiter l’expression de telles opinions en faisant passer une loi qui interdise toute comparaison entre Israël et le régime nazi ou celui de l’apartheid.

Pour autant, Jean-Christophe Rufin refuse les clichés selon lesquels les auteurs d’actes antisémites appartiennent forcément à la communauté musulmane ou aux groupes néo-nazis. Pour lui, le principal trait commun de ces délinquants est plutôt l’exclusion sociale. L’acte antisémite est donc souvent l’exutoire d’une frustration qui peut trouver sa justification dans un rattachement, parfois de circonstance, à idéologie religieuse ou ethnique. L’antisémitisme est ainsi décrit comme une phénomène plus hétérogène qu’il n’y paraît.

«Cette lutte fait partie intégrante de la responsabilité de l’Etat»

Le président d’Action contre la faim souligne aussi dans son rapport la nécessité d’éviter dans ce genre d’affaires les réactions guidées par «la précipitation et l’escalade de l’indignation». Un certain nombre de fausses agressions antisémites ont, il est vrai, fait l’objet d’une couverture médiatique vraisemblablement trop hâtive qui les a monté, à tort, en épingle. Cet empressement a, d’autre part, été amplifié par les condamnations tout aussi immédiates des politiques qui ont donné un écho disproportionné à ces agressions qui n’avaient finalement rien d’antisémite. Dans un contexte tendu, Jean-Christophe Rufin estime donc nécessaire de fixer des garde-fous pour éviter dans la presse les dérapages susceptibles de faire «à de petits délinquants le cadeau d’une médiatisation qu’ils recherchent par-dessus tout», tout en respectant le droit à une information libre. L’auteur du rapport suggère aussi de fixer une procédure d’authentification des faits, confiée au préfet et au procureur, comme préalable à toute démarche gouvernementale de communication qui doit être systématiquement guidée par la «sobriété».

Jean-Christophe Rufin fait de l’école l’un des principaux terrains d’action de la lutte contre l’antisémitisme. Il préconise, par exemple, d’améliorer l’éducation des enfants sur les lois et les règlements qui concernent le racisme et l’antisémitisme. Il propose aussi de mettre en place une procédure pour que les chefs d’établissement informent systématiquement les autorités judiciaires de chaque incident à caractère antisémite qui se déroule dans l’enceinte de l’école, du collège ou du lycée.

Concernant le racisme, Jean-Christophe Rufin met en évidence «la variété de ses expressions» et insiste sur le fait, qu’au-delà de la violence qui est souvent le fait «de groupes minoritaires idéologisés», il se traduit souvent aussi par des discriminations et des stigmatisations des étrangers. Pour lutter contre cette tendance, il propose d’essayer de changer l’image des travailleurs immigrés et d’éviter les ghettos raciaux, en créant une filière officielle d’immigration économique.

Dominique de Villepin a voulu prendre immédiatement acte des propositions de Jean-Christophe Rufin pour lutter contre l’antisémitisme et le racisme qui fait partie des «six grands chantiers» sur lesquels le ministre a demandé des rapports et entend travailler en priorité avec le terrorisme, le trafic de drogue, le cybercriminalité, la sécurité des mineurs et l’égalité des chances. Il a ainsi déclaré : «Cette lutte fait partie intégrante, dans mon esprit, de la responsabilité de l’Etat. Pour la première fois, j’entends bien que ce soit un axe directeur de notre politique de sécurité intérieure».

Concrètement, le ministre de l’Intérieur a annoncé sa décision d’engager une amélioration de l’outil statistique et de l’enregistrement des plaintes, demandée par Jean-Christophe Rufin. Il a promis la mise en place d’un référent pour la lutte contre le racisme et l’antisémitisme dans chaque direction départementale de la sécurité publique. Il a aussi décidé de renforcer la coopération avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour assurer un meilleur contrôle des émissions de télévision et a affirmé son désir de rendre plus efficace la surveillance des réseaux internet. Il a, d’autre part, affirmé la nécessité d’engager «une réflexion commune approfondie» entre médias, responsables politiques et associations sur le traitement des affaires raciste et antisémite. Ces premières mesures devraient être mises en place au plus vite et le ministre a demandé que lui soit remis un rapport d’étape avant la fin de l’année 2004.

par Valérie  Gas

Article publié le 19/10/2004 Dernière mise à jour le 19/10/2004 à 16:02 TU

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Stéphane Lilti

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