Irak
Des militaires britanniques en pays sunnite
(Photo : AFP)
Ignorant l’hostilité pourtant ouvertement affichée par les Britanniques –84% d’entre eux sont opposés à l’idée «d’aider les Américains en déplaçant des troupes sur le terrain»– le ministre de la Défense, Geoff Hoon, a confirmé jeudi devant la chambre des Communes que 500 soldats du bataillon écossais des Black Watch et 350 hommes affectés au soutien logistique allaient dans les jours qui viennent se positionner dans la région de Bagdad. «Ce déploiement est un élément vital du processus qui doit permettre de créer les conditions propices à la tenue des élections irakiennes en janvier prochain», a-t-il justifié. Le ministre a également précisé que ce redéploiement ne durerait que quelques semaines, le temps de permettre à une unité américaine de se consacrer à d’autres tâches, comme par exemple celle de mater l’insurrection en pays sunnite. Les troupes irakiennes soutenues par l’armée américaine s’apprêtent en effet à lancer une vaste offensive contre Falloujah, devenue le bastion de la rébellion.
Soucieux de relativiser les dangers que devront affronter les soldats britanniques –les troupes de Sa Majesté étaient jusqu’à présent concentrées dans une zone relativement calme du sud de l’Irak, en pays chiite– Geoff Hoon a estimé que le niveau de risque était «militairement acceptable». Il a également fait valoir que les militaires transférés au nord du pays resteront sous commandement britannique. Il a précisé qu’ils devront répondre aux ordres du général Bill Rollo, l’officier britannique le plus gradé en Irak, et que leurs règles d’engagement seront «très strictes» à l’image de celles déjà appliquées dans la zone de Bassorah sous contrôle britannique.
Mais cette indépendance des troupes britanniques vis-à-vis du commandement américain, pourtant claironnée par le ministre britannique, a toutefois été relativisée par le chef d’état-major de l’armée de terre. Le général Michael Walker a en effet reconnu que les 850 soldats britanniques seraient placés sous «le contrôle tactique du commandant de la 24ème unité de marines américains». Il a également convenu que ce transfert de forces d’un secteur à l’autre n’était pas un phénomène courant, chaque contingent opérant avec ses propres règles et dans le cadre d’une mission bien spécifique. Dans le cas présent, a-t-il laissé entendre, les soldats britanniques devront participer à des opérations déterminées au jour le jour par le commandement américain.
Discrète satisfaction de WashingtonLes Etats-Unis ont, comme il fallait s’y attendre, salué la décision du gouvernement de Tony Blair mais en se gardant toutefois d’afficher un enthousiasme trop visible qui aurait pu nuire à leur principal allié, déjà fortement malmené par son opinion publique. «Les Britanniques, comme les 30 autres pays qui fournissent des troupes, font d'énormes sacrifices pour aider le peuple irakien à construire un avenir libre et pacifique», s’est ainsi félicité le porte-parole de la Maison Blanche. Justifiant la demande américaine par la seule perspective des élections générales de janvier prochain, Scott McClellan a également tenu à rappeler que les forces de la coalition étaient sur place «pour faire équipe avec le gouvernement intérimaire et faire face aux défis lancés à la sécurité de l’Irak».
Le profil bas adopté par Washington n’est sans doute pas étranger à la polémique actuellement en cours en Grande-Bretagne. De nombreux responsables politiques, y compris au sein du parti travailliste de Tony Blair, ainsi que la presse britannique se sont en effet ouvertement opposés à l’initiative du gouvernement considérée comme un cadeau politique du Premier ministre à George Bush à moins de deux semaines de l’élection présidentielle. «Il s’agit d’une requête militaire, des militaires américains aux militaires britanniques, basée sur des raisons opérationnelles», a tenté de justifier Tony Blair. «Nous allons entrer dans une période d'activités accrues en Irak mais cela n'a rien à voir avec l'élection présidentielle américaine et tout à voir avec les élections irakiennes», a-t-il également martelé devant la chambre des Communes.
Le Premier ministre travailliste n’en pas moins pris une décision qui pourrait avoir à terme des conséquences politiques non négligeables dans la mesure où, quoiqu’en dise son ministre de la Défense, elle met la vie des soldats britanniques en danger. Depuis le début de la guerre en effet, 68 militaires ont trouvé la mort en Irak contre plus de mille côté américain. Or en cas de pertes humaines importantes, Tony Blair pourrait bien avoir à payer le prix fort lors des élections législatives prévues en mai prochain.
par Mounia Daoudi
Article publié le 22/10/2004 Dernière mise à jour le 22/10/2004 à 14:24 TU