Irak
La bataille des villes a commencé
(Photo: AFP)
Attaquée de toutes parts sur le dossier irakien pour sa mauvaise gestion de l’après-guerre, l’administration Bush –de plus en plus empêtrée dans une campagne qui tourne à son désavantage– a plus que jamais besoin de marquer des points sur le terrain. L’offensive en cours contre les bastions de la résistance sunnite semble répondre à cet impératif et cela d’autant plus qu’Américains et Irakiens affirment encore vouloir maintenir le calendrier électoral qui prévoit des législatives au plus tard à la fin du mois de janvier prochain. Dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, tandis que l'Irak était au centre du premier débat télévisé entre George Bush et John Kerry, l'armée américaine a ainsi déclenché des bombardements aériens contre la ville de Samarra, un bastion sunnite situé à environ 125 kilomètres au nord de Bagdad. Aux premières heures de la journée, des éléments de la Première division d'infanterie renforcés par des soldats des forces irakiennes sont entrés en mouvement, appuyés par des blindés. Pas moins de 5 000 militaires, parmi lesquels 2 000 Irakiens de la nouvelle Garde nationale, ont participé à cette opération qui s’est conclue samedi avec le contrôle de cette agglomération de 100 000 habitants par les forces américaines et irakiennes.
L’offensive, qui a duré moins de quarante-huit heures, a coûté la vie à 125 insurgés selon l’armée américaine. Quelque 90 rebelles auraient également été faits prisonniers. Ce bilan a été confirmé par le ministre irakien de l’Intérieur, qui en visite à Samarra, a provoqué la colère des habitants en affirmant qu’il n’y avait eu aucune perte civile. «La ville a été nettoyée des mauvais éléments et des terroristes», a par ailleurs affirmé Falah al-Nakib, ajoutant qu’avec l’offensive de Samarra «les Irakiens commençaient ainsi à contrôler leur pays». Insistant sur la présence importante d’étrangers parmi les insurgés, le ministre irakien a précisé que la rébellion dans cette ville du nord de Bagdad comprenait «des Iraniens, des Syriens, des Yéménites ainsi que des Fedayine –ancien miliciens de Saddam Hussein– des criminels libérés par l’ancien régime peu avant le déclenchement de la guerre et des membres de Tawhid Wal Jihad» le groupe du Jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui. Visiblement satisfait de la victoire remportée par les forces irakiennes et américaines à Samarra, Falah al-Nakib a également souligné que cette offensive constituait «la première des opérations destinées à reprendre le contrôle de zones hors-la-loi», confortant l’idée d’une intensification des attaques contre les bastions sunnites qui échappent depuis des semaines au pouvoir de Bagdad.
Colère des oulémas sunnitesSamarra tombée, la rébellion de Falloujah est rapidement devenue la nouvelle cible à abattre pour l’armée américaine dont l’aviation a multiplié les raids contre des positions de la résistance. En quarante-huit heures, une quinzaine de personnes, parmi lesquelles trois femmes et deux enfants, ont été tuées et plusieurs bâtiments soupçonnés d’abriter des insurgés détruits. Confiantes, les forces américaines et irakiennes ont affirmé que les opérations allaient se poursuivre dans le but d’assurer des élections libres dans tout le pays. Elles devraient cependant avoir beaucoup plus de difficultés à soumettre une ville comme Falloujah, peuplée de plus de 250 000 habitants et qui en avril dernier a gagné son titre de symbole de la résistance irakienne pour avoir tenu un siège de plus de trois semaines, qu’elles n’ont eu à le faire pour Samarra.
La situation risque en outre de se compliquer depuis l’intervention du Comité des oulémas irakien qui se veut le porte-parole de la communauté sunnite et qui a violemment condamné les attaques contre ces deux villes en les qualifiant de «massacres» et d’«actes criminels commis par la nation la plus terroriste du monde, les Etats-Unis». Les religieux sunnites s’en sont également durement pris au gouvernement d’Iyad Allaoui qu’ils ont accusé d’être complice des Américains. Selon eux, la volonté de reprendre le contrôle du pays avant les élections de janvier ne peut justifier un tel déchaînement de violences. «Qui va respecter un scrutin dont la route sera trempée de sang ?», s’est indigné le Comité qui a averti le gouvernement irakien qu’il ne pouvait rester insensible au sort des victimes de ces opérations qui devraient concerner d’autres villes comme Ramadi ou encore dans le quartier chiite de Sadr City toujours aux mains de l’Armée du Mehdi, la milice du chef radical Moqtada al-Sadr. «S’il nous semble que l’ensemble du peuple irakien, sa religion et son honneur sont visés, nous n’aurons pas d’autre chois que de déclarer le jihad», ont prévenu les religieux sunnites, volontairement menaçants.
Article publié le 04/10/2004 Dernière mise à jour le 04/10/2004 à 16:02 TU