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Irak

La Conférence internationale soulève des interrogations

Michel Barnier, le chef de la diplomatie française, a posé des conditions pour la participation de la France à une conférence internationale sur l'Irak. 

		(Photo : AFP)
Michel Barnier, le chef de la diplomatie française, a posé des conditions pour la participation de la France à une conférence internationale sur l'Irak.
(Photo : AFP)
Manœuvre électorale à l’approche de la présidentielle de novembre ou volonté réelle de sortir du bourbier irakien ? La proposition américaine de réunir au mois d’octobre dans une capitale arabe une conférence internationale chargée de se pencher sur l’avenir de l’Irak a été accueillie avec beaucoup de scepticisme par plusieurs pays occidentaux dont la France qui a notamment mis en garde contre toute précipitation dans ce dossier. L’Egypte a pour sa part annoncé qu’elle était prête à accueillir dès la mi-octobre une conférence dont l’unique sujet de discussion tournera autour de la possibilité de tenir des élections générales en Irak en janvier prochain.

La prudence est plus que de mise concernant la Conférence internationale que l’administration Bush souhaite organiser d’ici le mois d’octobre –à quelques jours de l’élection présidentielle de novembre– dans une capitale arabe. Evoquée pour la première fois le week-end dernier par le secrétaire d’Etat américain, cette rencontre est officiellement destinée à «discuter de la situation en Irak et de comment ses voisins pourraient être plus efficaces» pour aider à la pacification et à la reconstruction de ce pays à l’approche des élections de janvier prochain. Avant même qu’une date et un lieu de rencontre ne soient fixés, Colin Powell invitait déjà à cette conférence les pays industrialisés du G8, les voisins de l’Irak –«y compris la Syrie et l’Iran» – et la Chine en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Ce brusque retournement dans la politique jusque-là très «unilatéraliste» de l’équipe Bush a laissé sceptique plus d’un pays, attentif à ne pas jouer le jeu de la Maison Blanche dans une période plus que cruciale de la vie politique des Etats-Unis.

La France qui avec la Russie avait, il y a près d’un an déjà, proposé que soit mise en place une conférence internationale du type de celle qui s’était réunie quelques mois auparavant pour parler de l’avenir de l’Afghanistan, a réagi avec un enthousiasme modéré à la proposition de Colin Powell, posant d’entrée de jeu des conditions à sa participation. Le chef de la diplomatie française a en effet mis en garde contre toute précipitation si la communauté internationale veut réellement que cette rencontre «ait lieu et qu’elle réussisse». «De mon point de vue cette conférence doit avoir tous les sujets à son ordre du jour. Donc la question n’est pas de savoir s’il faut la réunir avant ou après les élections américaines. La question est de savoir comment la réussir», a clairement affirmé Michel Barnier. Il a en outre insisté pour que le retrait des forces américaines d’Irak soit abordé lors de cette rencontre. «Cette question est déjà posée par la situation» qui prévaut sur le terrain, a estimé le ministre français qui l’a qualifiée de «trou noir, de chaos qui risque de déstabiliser, voire d’emporter toute cette région». Il a également souhaité que cette conférence soit la plus «inclusive» possible, c’est-à-dire que non seulement les pays de la région y soient conviés mais que «l’ensemble des forces politiques irakiennes des différentes communautés, y compris un certain nombre de groupes ou de gens qui ont choisi la voie de la résistance par les armes» y participent.

Le Caire propose une conférence autour des élections

Ces différentes questions ont été abordées mardi par le président Jacques Chirac et le roi Abdallah II de Jordanie qui a été reçu à l’Elysée pendant plus d’une heure. A l’issue de cette rencontre, le porte-parole de la présidence française a souligné que la France jugeait «utile» l’idée d’une telle conférence mais «dans la perspective de la résolution 1546» du Conseil de sécurité qui encadre le processus politique irakien. «Pour la France, il peut être utile de revoir les principales parties prenantes pour contribuer à la pacification et à la reconstruction de l'Irak, dont la situation est préoccupante», a déclaré Jérôme Bonnafont, selon qui la conférence devra être organisée en tenant compte de plusieurs éléments. «Quels participants ? Irakiens, pays de la région, grands partenaires de l'Irak. Quels sujets ? Les élections mais aussi les éléments de la situation. De tout cela découle la date : quel est le meilleur moment pour aboutir au processus», a-t-il ajouté.

L’Allemagne qui, avec la France et la Russie, avait formé le front des anti-guerre, ne s’est guère montrée plus enthousiaste sur la tenue dans la précipitation d’une conférence internationale sur l’Irak. Berlin s’est contenté de rappeler son soutien constant à l’idée d’une telle réunion. Et par la voix de son haut représentant pour la politique étrangère, l’Union européenne s’est montrée tout aussi circonspecte. «C’est la volonté de tout le monde d’avoir ce genre de réunion dans l’espoir qu’elle pourra être constructive et positive», a déclaré Javier Solana.

C’est dans ce contexte d’enthousiasme plus que modéré que la présidence égyptienne a annoncé la tenue mi-octobre au Caire d’une conférence internationale qui se propose d’aborder un sujet unique : «la possibilité de tenir des élections générales en Irak en janvier 2005». Aucune précision n’a été fournie au sujet du niveau de participation à cette conférence à laquelle sont conviés les voisins de l’Irak et les pays du G8. Et rien n’indique non plus que cette réunion soit la même que celle appelée de ses vœux la semaine dernière par le secrétaire d’Etat américain. Ce soudain intérêt égyptien pour les élections de janvier en Irak a créé la surprise. En fin de semaine dernière, le porte-parole de la présidence égyptienne, Magued Abdel Fattah, avait en effet mis en doute «la possibilité pour le gouvernement d’Iyad Allaoui de maîtriser la situation sécuritaire», dont le rétablissement est selon lui «indispensable pour la tenue d’un scrutin en Irak». Il avait également affirmé que les Nations unies étaient «seules responsables de l'organisation des élections» dans ce pays et indiqué qu'un éventuel report de ce scrutin devait être «décidé par le Conseil de sécurité». Récusant l’idée d'élections partielles évoquées par le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, Magued Abdel Fattah avait même mis en garde contre leurs conséquences estimant qu’elles «consacreraient la partition de l'Irak, menaceraient son intégrité territoriale et pourraient conduire à des conflits ethniques dans ce pays».



par Mounia  Daoudi

Article publié le 28/09/2004 Dernière mise à jour le 28/09/2004 à 14:39 TU