Proche-Orient
L'après-Arafat sans précipitation
(Photo : AFP)
Si dans les textes tout a été théoriquement prévu pour pallier une éventuelle vacance à la tête du pouvoir exécutif palestinien, personne ne peut cependant aujourd’hui prétendre prendre la place de l’homme qui depuis tant d’années symbolise la cause palestinienne. La succession du vieux raïs dépasse en effet de loin ce qui est formellement prévu par la loi fondamentale palestinienne, à savoir un intérim de soixante jours assuré par le président du Conseil législatif palestinien –le parlement– dans l’attente de l’organisation d’une élection présidentielle pour désigner le nouveau représentant du peuple palestinien. Et ceci parce que Yasser Arafat préside, depuis l’assassinat des deux autres chefs historiques du mouvement de libération –Abou Jihad et Abou Iyad éliminés par l’armée israélienne respectivement en 1988 et 1991– les instances des principales structures palestiniennes. Président du Fatah, dont il a été l’un des fondateurs en 1959, mais aussi chef de l’Organisation de libération de la Palestine dont il préside le comité exécutif depuis trente-cinq ans –l’OLP a été reconnue comme la seule instance représentative des Palestiniens– le vieux raïs est également depuis 1996 chef de l’Autorité palestinienne à la tête de laquelle il a été élu triomphalement.
Dans ce contexte de multiplication des légitimités, un partage des responsabilités pour pallier l’actuelle vacance du pouvoir semble être l’option choisie par les dirigeants palestiniens. Le tandem formé par l'actuel Premier ministre Ahmed Qoreï et son prédécesseur Mahmoud Abbas paraît à bien des titres le mieux placé pour assurer la bonne marche des affaires courantes. Les deux hommes se sont d’ailleurs rendus à plusieurs reprises au chevet de Yasser Arafat ces derniers jours, semblant avoir mis de côtés leurs rivalités. En tant que secrétaire général du comité exécutif de l’OLP, Mahmoud Abbas est selon les statuts de cette organisation le successeur attitré du vieux raïs à la tête de la centrale palestinienne. Quant à Ahmed Qoreï, il est la deuxième personnalité de l'Autorité palestinienne de par sa fonction de Premier ministre et rien ne s’oppose à ce qu’il continue à occuper ce poste.
Réunion sans enjeu du comité exécutif de l’OLPUn temps envisagé pour donner plus de légitimé à ce pouvoir intérimaire, la mise en place d’un triumvirat qui comprendrait également le chef du Conseil législatif palestinien –pour être plus proche des textes en vigueur– semble avoir été écartée. L’actuel président du parlement, Rawhi Fattouh, ne fait en effet pas partie des poids-lourds de la scène politique palestinienne et certains responsables avaient même pensé le remplacer par le président du Conseil national palestinien, le parlement en exil du peuple palestinien plus représentatif dans la mesure où la diaspora y a toute sa place.
C’est donc dans ce contexte d’incertitudes que doit se dérouler samedi la réunion du Comité exécutif de l'OLP, la première sans le vieux raïs. Prévue de longue date, elle sera présidée par Mahmoud Abbas en présence de son successeur au poste de Premier ministre, Ahmed Qoreï, et devrait confirmer une continuité du pouvoir en l’absence du président Arafat. Les responsables palestiniens vont en effet chercher à conforter l’idée selon laquelle leur dirigeant historique ne laisse pas derrière lui un vide constitutionnel et que, même s'il n'a pas nommé de dauphin, il a instauré des institutions capables de fonctionner par elles-mêmes. «Le but de la réunion de samedi est de donner l'impression qu'il y a une continuité et une stabilité», a ainsi confié Ziyad Abou Amr, un ancien ministre du gouvernement de M. Abbas. Et de fait, tout semble en effet se dérouler comme si le problème aujourd’hui était de gérer un pouvoir intérimaire et non pas de désigner un possible successeur à l’homme qui préside depuis des décennies aux destinées du peuple palestinien. Le retour de Yasser Arafat après son hospitalisation en France est d’ailleurs une option qui est encore bien loin d’être écartée.
Le chercheur palestinien Mahdi Abdel Hadi estime dans ce contexte que la réunion du comité exécutif de l’OLP ne devrait prendre aucune décision historique. «Cette séance est principalement destinée à lancer un message à l'opinion publique pour lui insuffler confiance, la calmer et prévenir tout conflit interne», a-t-il souligné ajoutant que cette réunion représentait également «un message clair aux islamistes, leur disant que le commandement est unifié et qu'il n'y a pas de place pour les luttes internes et les dissensions». L’enjeu sécuritaire représente en effet le grand défi pour cette nouvelle direction palestinienne qui va devoir tôt ou tard affronter le vide que ne manquera pas de laisser la disparition de Yasser Arafat.
par Mounia Daoudi
Article publié le 29/10/2004 Dernière mise à jour le 29/10/2004 à 16:32 TU