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Côte d'Ivoire

Sécuriser Abidjan

Le lycée français d'Abidjan a été incendié. 

		(Photo: AFP)
Le lycée français d'Abidjan a été incendié.
(Photo: AFP)
Après une nuit d’agitation un calme précaire semblait régner dimanche soir sur Abidjan. Les soldats français ont pris possession de l’aéroport qui est totalement fermé au trafic. « Les jeunes patriotes », farouches partisans du président Laurent Gbagbo tentent des rassemblements mais sont dispersés par les troupes françaises et onusiennes.

Après la destruction des moyens militaires aériens des Forces armées de Côte d’Ivoire (Fanci) ordonnée par le président français Jacques Chirac, les « Jeunes patriotes »,  supporters du président Laurent Gbagbo sont descendus dans les rues d’Abidjan pour protester contre la présence française en Côte d’Ivoire. Appelés à «déloger les Français de l’aéroport d’Abidjan et de la base militaire du 43ème Bima (Bataillon d’infanterie maritime) », les manifestants ont été refoulés par des tirs de semonce d’hélicoptères de combats, des tirs de grenades assourdissantes et de bombes de gaz lacrymogène. Mais en battant en retraite les manifestants s’en sont pris aux Français et aux étrangers résidents en Côte d’Ivoire qui ont dû être évacués et regroupés au sein du 43ème Bima. Quatre cents personnes sont ainsi regroupées au 43ème Bima et dans des hôtels sécurisés sous contrôle de l'ONU. 

Les maisons et appartements occupés par des Français, des Européens et des étrangers sont mis à sac. Les établissements scolaires sont saccagés et incendiés comme le lycée français Mermoz, dont la directrice a été récupérée in extremis par les soldats français. Nombreux sont également les Africains qui demandent la protection de l’armée française et des forces onusiennes pour échapper aux pillages organisés et à la violence venue de la rue abidjanaise.

Face à ces débordements les autorités françaises ont réitéré leur mise en garde au président Gbagbo «qui sera tenu personnellement responsable de l’ordre public à Abidjan ». Les chefs d’Etat de la région ont emboîté le pas à la condamnation exprimée et ont téléphoné à leur homologue ivoirien « pour qu’il reprenne la situation en main ». En effet, le porte-parole du président Laurent Gbagbo s’est exprimé à la télévision nationale demandant aux « jeunes patriotes » de ne pas s’en prendre «aux intérêts français». Mais plus tard sur les mêmes antennes, un message est diffusé en boucle appelant les populations à l’insurrection.

Mamadou Koulibaly, le président de l’Assemblée nationale accuse la France:  « nous sommes dans une situation d’occupation, ce que la population ivoirienne souhaite, c’est que l’armée d’occupation libère le territoire et s’en aille (…) Depuis le début de cette crise nous avons le sentiment et les preuves que c’est Jacques Chirac qui a armé les rebelles », a déclaré Mamadou Koulibaly. Quant au président du Front populaire ivoirien (FPI), le parti du président, Pascal Affi Nguessan, s’exprimant sur les antennes de la télévision nationale demande aux « patriotes » d’occuper les rues d’Abidjan afin d’empêcher tout mouvement « des forces étrangères présentes sur le territoire national jusqu’à la victoire totale », a-t-il fermement soutenu.

Paris renforce ses effectifs déployés en Côte d'Ivoire

Cet appel a été entendu, puisque les « patriotes » tentent des regroupements dans la ville d’Abidjan. A radio nationale, depuis le début d’après-midi l’antenne a été ouverte « aux citoyens » qui appellent en direct à « la chasse aux Français ». Les intervenants y vont de leurs propositions pour exprimer leur « dévotion à la patrie en danger ».  Devant l’incohérence des discours officiels et face à une situation insurrectionnelle à Abidjan où les Français sont directement visés, Paris a décidé d’augmenter les effectifs présents sur le terrain en Côte d’Ivoire et à Abidjan en particulier. Ainsi, au lieu des 300 hommes initialement prévus en renfort,  partis de Libreville au Gabon, ce sont plutôt 700 soldats au départ de Corse, de Brive, et d’Istres en France qui sont attendus le 7 novembre en soirée à Abidjan. Trois Airbus militaires y sont également envoyés dont un médicalisé.

Sur le front militaire, la tension est persistante, mais aucun combat n’est signalé. Le colonel Philippe Mangou, responsable des opérations l’armée ivoirienne a demandé à ses troupes de se retirer de leurs positions à quelques dizaines de kilomètres de Bouaké. « Nous étions à l’entrée de Bouaké. C’est un symbole pour nous. Mais malheureusement, les ordres viennent des chefs. Vous devez tout arrêter dès à présent. Vous quittez vos positions les plus avancées pour retourner à la base », a-t-il ordonné.

Sur le plan diplomatique, le président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré, s’est déclaré en faveur de la décision du Conseil de sécurité visant à changer les règles d’engagement des forces onusiennes en Côte d’Ivoire. Il a également demandé au chef de l’Etat sud-africain, Thabo Mbeki de s’impliquer davantage dans la recherche d’une solution de paix en Côte d’Ivoire. « Puissent les armes se taire, l’accord de paix être respecté et le dialogue reprendre », a imploré le Pape Jean-Paul II devant des milliers de fidèles rassemblés pour la traditionnelle bénédiction du dimanche, place Saint-Pierre à Rome.  



par Didier  Samson

Article publié le 07/11/2004 Dernière mise à jour le 08/11/2004 à 16:17 TU