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Education nationale

Projet de loi d’orientation sur l’école

Le ministre de l'Éducation, François Fillon. 

		(Photo : AFP)
Le ministre de l'Éducation, François Fillon.
(Photo : AFP)
Le ministre français de l’Education nationale a présenté son projet de réforme de l’école, s’engageant outre des innovations pédagogiques à maintenir le niveau d’encadrement pour un coût global de «au moins deux milliards d’euros supplémentaires». Le ministre, qui a promis un débat avec les syndicats, a affirmé que pour le moment «rien n’est figé».

Fondée pour partie sur les propositions de la commission Thélot, et arbitrée au plus haut niveau de l’Etat, la réforme Fillon vise à «créer une école plus efficace, plus juste et plus ouverte», selon les termes du ministre qui a fait sien le mot d’ordre de 80% d’une classe d’âge amenée au baccalauréat -lancé en 1980 par la gauche, mais jamais encore réalisé, précisant que «ça reste aujourd’hui un objectif pour le gouvernement»-, et de «50% d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur» (contre 35% actuellement) car «la France est en retard par rapport aux USA et au Japon», a affirmé le ministre. Les mesures les plus spectaculaires concernent la validation des acquis tout au long de la scolarité afin d’arriver à ce que 100% d’une classe d’âge aient une qualification à l’issue de la scolarité obligatoire. Mais, de la maternelle à l’université, plusieurs étapes sont à franchir.

«Un socle commun de connaissances et de compétences»

Pour s’attaquer à la «fracture scolaire», la loi fixera comme nouvelle priorité l’acquisition pour tous les élèves d’un «socle commun de connaissances et de compétences», et prévoit la création d’un Haut Conseil de l’école chargé de réfléchir sur les programmes. La maîtrise de ce socle sera contrôlée à trois reprises au cours de la scolarité obligatoire, et les deux évaluations actuelles (début de CE2 et sixième) auront des répercussions sur le parcours individuel de l’élève. Ce socle comprendra notamment la maîtrise de la langue française, des connaissances fondamentales en mathématiques et en informatique, mais aussi des valeurs républicaines , et l’apprentissage d’une langue vivante, au choix, dès l’entrée en CE1. Un deuxième langue vivante sera étudiée dès l’entrée en 5ème (et non plus comme jusqu’à présent en 4ème).

Pour favoriser la pratique orale de la langue étrangère, des petits groupes sont préconisés, et les dédoublements de classes seront multipliés. Les élèves qui présenteront des difficultés dans l’acquisition du socle, recevront en outre trois heures de soutien personnalisé hebdomadaires.

Le brevet nouveau est arrivé

Non plus organisé au niveau académique, mais au niveau national, le nouveau brevet des collèges, à la fin de la classe de 3ème, validera ce «socle commun», et les enseignants attendront les résultats obtenus avant de donner leur accord pour le passage ou non en seconde générale. Une large place sera réservée au contrôle continu (coefficient 12), un examen final restreint (coefficient 8), un BII (brevet informatique et Internet), et intègrera une «note de vie scolaire», prenant en compte l’assiduité, la discipline, et l’implication dans la vie de classe (coefficient 2). Cette décision répond au vœu du ministre de «promouvoir le ‘vivre ensemble’», est-il souligné rue de Grenelle.

Le nouveau bac est à prévoir

Le baccalauréat doit faire l’objet d’une réforme en profondeur, ne plus porter que sur six matières au lieu de 12, le reste de l’évaluation se faisant sur la base du contrôle continu renforcé. Prenant des pincettes, le ministre a précisé «mes propositions feront l’objet de débat avec les organisations syndicales et le Parlement», mais a insisté sur le fait que «notre système est trop compliqué et nécessite une organisation de plus en plus périlleuse et raccourcit l’année scolaire de deux ou trois semaines», en conséquence de quoi il va falloir réformer ce système même si ce n’est pas immédiat.

Les «savoirs» au centre de l’organisation scolaire…

- compétence des enseignants.

Le ministre a proposé d’intégrer les instituts universitaires de formation des maîtres dans les universités «de manière à ce que la qualité des enseignements soient garantis par l’université». Il a en outre souhaité qu’il «y ait un cadrage national des IUFM, c’est-à-dire un cahier des charges qui soit le même pour tous les IUFM fixé par le ministre». Les besoins des professeurs, enjeu crucial, seront aussi mieux pris en compte. Ils bénéficieront de 20 heures par an capitalisables sur 6 ans, à prendre en dehors des cours.

- compétence des élèves

Contrairement à la loi Jospin de 1989 qui mettait «l’élève au centre du système», Fillon y place les enseignants dont le but est de «restaurer l’autorité», et les savoirs. Plus que jamais, l’enseignant détiendra les clefs de la réussite scolaire, qu’il s’agisse des méthodes d’enseignement puisqu’ils bénéficieront d’une «liberté pédagogique», ou des décisions d’orientation et de redoublement qui pourront intervenir chaque année car «on ne peut laisser un enfant aller jusqu’au bout de sa scolarité en restant en situation d’échec. Ce sera aux enseignants d’en décider après dialogue avec les parents».

Les enfants en situation de rupture scolaire et/ou sociale devraient être orientés vers des classes relais: 1 500 sont prévues au lieu de 300 actuellement, qui devraient grossir les rangs des apprentis. L’apprentissage est inscrit dans la même perspective de qualité des acquisitions: «nous voulons augmenter les possibilités de formation en alternance. Le plan Borloo (de cohésion sociale propose d’atteindre le chiffre de 500 000 apprentis dans notre pays. Ce plan n’est réaliste que si l’Education nationale s’en mêle. L’objectif est de doubler en 5 ans le nombre de jeunes qui suivront une formation en alternance».

Le corps enseignant devrait-il être convaincu des vertus de la loi Fillon ?

Appelés à être davantage mobilisés pour les heures de soutien, et les dédoublements des classes, les professeurs le sont aussi pour assurer les remplacements des collègues absents. Deux heures hebdomadaires supplémentaires pourraient être exigées du chef d’établissement pour pallier les carences du système de remplacement de courte durée (durée inférieure à 3 semaines) contre une simple majoration de 25% du taux horaire.

Par ailleurs, la France compte actuellement 850 000 enseignants et douze millions d’élèves. Le projet envisage la programmation de 150 000 recrutements sur cinq ans pour compenser les nombreux départs à la retraite (40% des effectifs d’ici 2010), ainsi que la création de 1 500 postes d’infirmières en collège.

Appel à la grève

Les syndicats, qui dénonçaient déjà un manque de concertation, et les principaux partis politiques de gauche ont vivement réagi au projet. Le PS a dénoncé le «caractère démagogique » et «réactionnaire du projet Fillon. Fillon brade l’école de la République», a commenté le PCF. Gérard Aschieri, patron de la FSU (principal fédération dans l’éducation) a déjà jugé que «cette (dernière) proposition est explosive». Pour lui, l’embauche ne suffira pas à couvrir les départs et «il s’agit d’un marché de dupes pour les enseignants et pour les élèves». Par ailleurs, Gérard Aschieri a accusé le ministre d’«ajouter du temps contraint aux enseignants au moment où il faut libérer du temps», en rappelant que «le travail enseignant n’est pas seulement un travail devant la classe». La Ligue de l’enseignement a estimé vendredi dans un communiqué que le projet de loi sur l’école n’était que «conservatisme patelin qui entretient une école  inégale». Le SNES (syndicat national des enseignants du second degré) maintient son appel à la grève le 7 décembre.

Mise en application

Balayant les rumeurs de discrédits venant de l’Elysée, François Fillon a affirmé que cette réforme n’est pas la sienne mais celle de Jacques Chirac. Le projet qui doit encore être peaufiné après un Conseil supérieur de l’éducation à la mi-décembre, sera présenté en conseil des ministres début janvier pour un débat parlementaire avant la fin février. Selon l’équipe de François Fillon, la loi qui pourrait être adoptée fin mars entrera en vigueur dès la rentrée 2005, et son application s’étalera ensuite pour l’essentiel sur 2006-2007.



par Dominique  Raizon

Article publié le 19/11/2004 Dernière mise à jour le 19/11/2004 à 16:02 TU