Conférence sur l’Irak
Consensus a minima à Charm el-Cheikh
(Photo : AFP)
La conférence sur l’Irak telle que l’avait espérée la France n’aura finalement pas eu lieu. Paris, qui avec Moscou avait été l’initiateur en septembre de ce projet qui devait être l’occasion de rassembler la communauté internationale comme cela avait été le cas pour l’Afghanistan, n’a en effet pas réussi à imposer ses points de vue. La participation à cette rencontre de toutes les parties irakiennes impliquées actuellement dans les violences n’a ainsi pas été retenue. Le vœu des autorités françaises de voir représenter à Charm el-Cheikh la société civile irakienne n’a pas non plus été pris en compte puisque même la petite délégation de personnalités sunnites qui s’était rendue dans la station balnéaire pour demander un report du scrutin prévu le 30 janvier a dû quitter les lieux après les protestations des officiels irakiens. Quant à discuter du départ des troupes internationales, la question n’a été évoquée que dans le cadre de la résolution 1546 du Conseil de sécurité qui «lie l'expiration du mandat de la Force Multinationale à l'achèvement du processus politique fixé au 31 décembre 2005 au plus tard».
Loin des ambitions affichées par ses initiateurs, la conférence de Charm el-Cheikh s’est donc achevée sur un consensus a minima. Les participants –les ministres des Affaires étrangères des voisins de l’Irak, des pays du G8 et de la Chine ainsi que les représentants de la Ligue arabe, de l’Organisation de la conférence islamique, des Nations unies et de l’Union européenne– ont ainsi «encouragé le gouvernement intérimaire à poursuivre le processus politique en organisant des élections générales avant la fin du mois de janvier 2005». Reprenant les dispositions de la résolution 1546, ils ont tenu à préciser que ce scrutin avait pour but d’«installer une Assemblée nationale de transition qui aura la responsabilité de former un Gouvernement national de transition, d’élaborer un projet de constitution permanente conduisant à la formation d’un gouvernement constitutionnellement élu avant le 31 décembre 2005».
Et dans le soucis de répondre à l’inquiétude affichée par de nombreux pays face aux menaces de boycott des élections par la communauté sunnite, la déclaration finale adoptée par la conférence a également «encouragé le gouvernement intérimaire à réunir en Irak le plus tôt possible, avant les élections générales, des représentants de l’échiquier politique irakien et de la société civile afin d’élargir la participation à ce scrutin».
Rendez-vous la semaine prochaine à TéhéranDès la clôture des travaux de la conférence de Charm el-Cheikh et alors que plusieurs pays arabes ont tenu à réaffirmer que la date du 30 janvier n’était pas sacré, le représentant irakien a soutenu que le scrutin se déroulerait en temps et en heure «quelque soit la situation». Hoshyar Zebari a cependant indiqué que son gouvernement allait «s’ouvrir aux forces politiques irakiennes», une façon sans doute de répondre aux mises en garde du secrétaire général des Nations unies qui a insisté à de nombreuses reprises sur le fait qu’une réconciliation nationale devait précéder le scrutin. «La date des élections se rapproche et nous devons tout entreprendre pour inciter les divers groupes irakiens à participer à la réconciliation nationale, une réconciliation fondée sur le dialogue et la volonté de s'entendre, et apporter une réponse à des préoccupations et des griefs légitimes», a notamment souligné Kofi Annan. Ces avertissements du secrétaire général interviennent alors que les participants à la conférence ont une nouvelle fois mis en avant «le rôle dirigeant» de l’organisation internationale comme conseiller du processus électoral en Irak, appelant notamment la communauté internationale à lui procurer l’assistance et la protection nécessaire.
Mais, mises à part ces déclarations de principe, la rencontre de Charm el-Cheikh aura tout de même permis à l’exécutif irakien d’arracher à ses voisins l’engagement d’une coopération plus poussée dans le domaine sécuritaire. La surprise est venue de l’Iran qui a annoncé que son pays acceptait d’établir «un mécanisme de coopération bilatérale» avec l’Irak, du type de celui déjà mis en place il y a quelques mois avec la Syrie. Le régime de Téhéran a également annoncé la tenue le 30 novembre prochain dans la capitale iranienne d’une réunion des ministres de l’Intérieur de l’Irak et de ses voisins. «Nous sommes tous concernés par ce qui se passe en Irak et par la situation sécuritaire de ce pays», a notamment affirmé à Charm el-Cheikh le chef de la diplomatie iranienne Kamal Kharazi. Le principe de cette réunion sécuritaire avait certes été décidé il y a cinq mois déjà, mais en annonçant la date de sa tenue peu avant l'ouverture de la conférence internationale sur l'Irak, l'Iran a sans doute voulu montrer sa bonne volonté et cela à un moment où les autorités de Téhéran s'inquiètent des intentions américaines à leur égard concernant notamment le dossier du nucléaire.
par Mounia Daoudi
Article publié le 23/11/2004 Dernière mise à jour le 23/11/2004 à 17:40 TU