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Mozambique

Election présidentielle : la fin de l’ère Chissano

L’ancien président américain Jimmy Carter, décrit le Mozambique comme un <EM>«modèle de démocratie en Afrique»</EM> alors qu'une montée de la corruption a entaché les dernières années du règne Chissano. 

		(Photo : AFP)
L’ancien président américain Jimmy Carter, décrit le Mozambique comme un «modèle de démocratie en Afrique» alors qu'une montée de la corruption a entaché les dernières années du règne Chissano.
(Photo : AFP)
Après dix-huit ans à la tête du Mozambique, Joaquim Chissano a tenu sa promesse. Après avoir annoncé dès 2001 qu’il ne briguerait pas de troisième mandat, bien que la Constitution l’y autorise, le président mozambicain quittera le pouvoir à l’issue des élections présidentielles et législatives qui doivent se tenir mercredi et jeudi dans le pays.

De notre correspondante à Maputo.

Arrivé au pouvoir en 1986 au plus fort de la guerre civile contre la Renamo (Résistance nationale du Mozambique), mouvement armé rebelle soutenu par le régime sud-africain d’apartheid, le président mozambicain part avec la satisfaction d’avoir mené son pays sur la voie de la paix et du développement. «La paix doit être enseignée dans les écoles afin que la culture de paix imprègne notre manière d’être et qu’elle s’enracine dans notre identité », a-t-il martelé lors de sa tournée d’adieu dans le pays le mois dernier.

Grâce à la paix, le pays s’est en effet reconstruit, la croissance économique a atteint 10 %, la pauvreté à été réduite, l’éducation, la santé et la lutte contre le sida ont été les priorités des gouvernements successifs. Diplomate averti, Chissano a également obtenu le soutien constant de la communauté internationale. Fin 2003, les bailleurs de fonds ont renouvelé leur confiance à son gouvernement, en lui accordant 790 millions de dollars d’aide, plus qu’il n’en demandait pour poursuivre son programme de développement. Choisi par le Frelimo (Front de Libération du Mozambique) pour succéder à Chissano, Armando Guebuza a pu ainsi faire sa campagne sur un bilan largement positif. Agé de 61 ans, héros de la lutte pour l’indépendance, membre fondateur du parti et plusieurs fois ministre, Guebuza est loin d’être un novice en politique. Il connaît également très bien son principal adversaire, le leader de la Renamo Afonso Dhlakama, 51 ans, depuis les négociations de paix à Rome au début des années 90 où Guebuza menait la délégation du parti au pouvoir.

Le candidat du Frelimo a d’ailleurs souligné récemment l’évolution positive de son adversaire, qui montre « que les dirigeants de la Renamo s’éloignent des positions d’un mouvement de guérilla pour aller vers celles d’un parti ». En effet, sur le terrain, la campagne électorale, lancée depuis un mois et demi, s’est déroulée sans incident majeur. Car, au delà des succès économiques, Chissano a réussi le difficile pari de la normalisation de la vie politique. Malgré des menaces répétées, la Renamo n’a jamais repris les armes et la lutte entre les deux anciens belligérants s’est déplacée dans l’enceinte du parlement où les deux partis se partagent la majorité des sièges.

Affairisme et corruption

De son côté, la Renamo a réussi le tour de force, malgré son lourd passé d’atrocités, de rassembler derrière elle la moitié du pays. Lors du précédent scrutin de 1999, Chissano ne l’avait emporté que de justesse contre Dhlakama avec 52% des voix contre 48%. Mal organisée, soumises à des dissensions internes et à la versatilité de son chef, la Renamo n’offre guère d’alternative précise. Mais elle compte sur la lassitude des électeurs après trois décennies de domination du Frelimo, et sur ses bastions traditionnels des zones rurales du nord et du centre.

Autre atout qui pourrait lui être favorable, une succession récente de scandales au sein du pouvoir. Un affairisme grandissant et une montée de la corruption ont en effet entachées les dernières années du règne Chissano. En 2002, lors du procès retentissant des assassins d’un journaliste, le nom du propre fils du président avait été cité à plusieurs reprises. Le choix d’Armando Guebuza, réputé pour sa fermeté, par le Frelimo s’est voulu aussi un signe de reprise en mains. Homme d’affaires prospère, Guebuza connaît bien les dossiers économiques et pourrait s’atteler aux réformes de la justice et de l’administration devenues indispensables.

Venu en personne à Maputo pour diriger la délégation d’observateurs de son Centre, l’ancien président américain Jimmy Carter, n’a pas hésité à décrire le Mozambique comme un  « modèle de démocratie en Afrique ». Seul bémol à cet enthousiasme, les tensions récentes entre les observateurs de l’Union européenne et la commission électorale qui a refusé de répondre aux exigences de l’UE qui souhaitait assister au décompte final au niveau national. Une controverse qui pourrait traduire une certaine fébrilité. En effet, certains analystes n’excluent pas la possibilité d’un deuxième tour, ce qui serait une première dans le pays.



par Jordane  Bertrand

Article publié le 30/11/2004 Dernière mise à jour le 30/11/2004 à 17:00 TU