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Insécurité alimentaire

Faim et malnutrition en progression

La production alimentaire a beau augmenter, un septième de la population de la planète souffre encore de la faim. 

		(Photo : AFP)
La production alimentaire a beau augmenter, un septième de la population de la planète souffre encore de la faim.
(Photo : AFP)
Dans cette sixième édition de L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde en 2004, le document examine tout particulièrement «les coûts stupéfiants» en termes de vies humaines et d’hémorragies économiques entraînés par la faim et la malnutrition dans le monde, et évalue les progrès accomplis. Un des Objectifs du Millénaire pour le développement -adoptés aux Nations unies en 2000 par les responsables de 185 pays- est de tendre vers une réduction de moitié des victimes d’ici 2015. La production alimentaire a beau augmenter, un septième de la population de la planète souffre encore de la faim et de la malnutrition, deux fléaux qui tuent aujourd'hui plus de cinq millions d'enfants par an dans le monde. A l'origine de ces tragédies, une inégalité dans l'accès à la nourriture et à l'apport calorique minimum requis par personne pour vivre. Ce fléau coûte aux pays en développement des centaines de milliards de dollars en pertes de productivité et de revenus. Pourtant, d'après le rapport , les investissements nécessaires pour l’enrayer seraient relativement modestes par rapport aux bénéfices potentiels.

 Selon la FAO, quelque 852 millions de personnes étaient sous-alimentées dans le monde en 2000-2002, dont 815 millions dans les pays en transition, et 9 millions dans les pays industrialisés. Mères dénutries, bébés et enfants en insuffisance pondérale: «chaque année, plus de 20 millions de bébés de poids insuffisant voient le jour dans les pays en développement. Ces nouveaux-nés partent perdants dans la vie. Ils courent le risque de mourir en bas-âge, et pour ceux qui survivent, de souffrir de problèmes physiques ou mentaux tout au long de leur existence (...) en Inde et au Bangladesh, ils comptent pour plus de 30% des naissances». Certes, le nombre de personnes affamées dans le monde a diminué. Pourtant, en juillet 2004, 35 pays faisaient face à des crises alimentaires nécessitant une aide d'urgence.

La malnutrition en progrès dans les pays pauvres

la malnutrition est un autre aspect d'un même problème, responsable d'au moins la moitié des quelque «dix millions de décès enregistrés chaque année dans le monde, dont la moitié parmi les enfants de moins de cinq ans». Aux chiffres des décès viennent s'ajouter «les chiffres de l’obésité, des troubles cardiaques et des autres maladies liées au régime alimentaire progressent aussi rapidement. Des études prouvent que ce risque est plus élevé et s’accroît plus rapidement dans les classes les plus pauvres, comme notamment en Amérique latine», note la FAO. 

Le paradoxe n’est qu’apparent, car le déséquilibre alimentaire fait référence soit à une absorption insuffisante d’éléments nutritifs par rapport à ce dont l’organisme a besoin, soit à une absorption excédentaire en corps gras mais carencée en vitamines. «Plusieurs pays sont confrontés à ce double défi», et «l’incidence de ce type de maladies ira en augmentant dans les pays où l’urbanisation et la croissance économique s’accompagnent de malnutrition maternelle et infantile» car «l’insuffisance de poids à la naissance et le retard de croissance au cours de la petite enfance augmentent(aussi) les risques de maladies liées à la surconsommation alimentaire et au manque d’activité physique ».

Obésité, diabète et hypertension représentent une véritable épidémie partout où l’urbanisation et le pouvoir d’achat augmentent comme en Chine par exemple -où «le pays fait désormais face à un déséquilibre alimentaire observé depuis longtemps dans les pays industrialisés», confirme Yu Xiaodong, expert en nutrition du Centre pour la nutrition et le développement public à Beijing. Le rapport de la FAO souligne que «la Chine a fait des pas de géant durant la première partie de la décennie, soustrayant presque 50 millions de personnes des rangs des sous-alimentés» mais, chaque jour selon Yu Xiaodong, plus de 15 000 personnes meurent de maladies chroniques dérivées de ces problèmes de malnutrition, un chiffre qui correspond à plus de 70% des décès.

La faim a un coût

«Sur le plan moral, la seule pensée qu’un enfant meurt toutes les cinq secondes de la faim ou des conséquences de la sous-alimentation devrait suffire à nous convaincre que nous ne pouvons pas laisser ce fléau poursuivre ses ravages», affirme la FAO qui comptabilise par ailleurs les coûts indirects exorbitants que représente la perte de productivité et de revenus: «à l’échelle planétaire, chaque année sans progrès sur le front de la faim provoquera des décès et des invalidités coûtant  aux pays en développement la somme de 500 milliards de dollars voire davantage du fait des pertes de productivité correspondantes», écrit le directeur général de la FAO, Jacques Diouf, dans l’avant-propos du rapport. «Les conséquences de la malnutrition représentent un déficit de productivité équivalent à celui que provoquerait la disparition ou la mise en état d’incapacité d’une population supérieure à celles des Etats-Unis», affirme le rapport; «cette situation est d’autant plus inacceptable qu’il suffirait d’investissements relativement modestes pour y remédier, ajoute l’organisation, estimant que chaque dollar investi dans la lutte contre la faim rapporterait 5 à 20 fois sa valeur en développement futur».

Cette insuffisance est d’autant plus regrettable que, sans les coûts directs pour remédier aux dégâts, des fonds supplémentaires seraient alors disponibles pour relever d’autres défis sociaux. Mais, la FAO estime cependant qu’il y a des raisons d’espérer car «30 pays, comptant ensemble près de la moitié de la population du monde en développement, ont déjà montré que des progrès rapides sont possibles, en réussissant à réduire la prévalence de la faim d’au moins 25% durant les années 90. En Afrique subsaharienne, la proportion de personnes sous-alimentées est tombée de 36%, niveau auquel elle stagnait depuis 1990-1992, à 33%». C’est en Asie de l’Est et du Sud, dans les pays du Pacifique et des Caraïbes que les progrès les plus rapides ont été enregistrés, et que le taux de malnutrition a le plus fortement baissé. «Il est possible que la communauté internationale n’ait pas encore réalisé l’importance de la plus-value que procureraient des investissements accrus visant à la réduction de la faim», a déclaré Hartwig de Haen, sous-directeur général de la FAO, responsable du Département économique et social, ajoutant : «on sait comment s’y prendre pour mettre un terme à la faim. Il est temps d’agir pour atteindre l’objectif. C’est une question de volonté politique et de priorités».



par Dominique  Raizon

Article publié le 08/12/2004 Dernière mise à jour le 08/12/2004 à 15:32 TU