Afghanistan
La lutte contre la faim
Notre envoyé spécial s’est rendu dans l’ouest de l’Afghanistan où les populations locales tentent de survivre dans une zone tenue par l’alliance du Nord et où, loin de tout, les organisations humanitaires tentent d’acheminer de la nourriture.
De notre envoyé spécial dans l’ouest de l’Afghanistan
C’était à la mi-février. Six soldats britanniques ont débarqué à Tchagcharan, capitale de la province de Ghor, située dans l’ouest d’Afghanistan, et se sont installés dans un bâtiment de l’aéroport de la ville. Personne ne connaît encore aujourd’hui leur véritable mission. Plutôt discrets, ils ne portent pas d’uniformes militaires et se déplacent en voitures civiles et sans plaques. Mais une chose est certaine. Depuis qu’ils sont arrivés, Tchagcharan, petite bourgade de cinq milles habitants, chef lieu de la province de Ghor dans l’ouest de l’Afghanistan, a retrouvé une vie plutôt normale. En effet, dès l’annonce de l’arrivée des Britanniques, tous les combattants sont allés dans les montagnes pour cacher leurs armes. Du coup, dans les ruelles de la ville, on ne voit aucun homme armé.
En octobre dernier, Tchagcharan a changé de mains à deux reprises. Les forces de l’alliance du Nord ont repris le contrôle de la ville début octobre. Mais deux semaines plus tard, la ville a été reconquise de nouveau par les Taliban. Finalement, les forces de l’alliance du Nord ont réussi à capturer définitivement la cité, chassant les Taliban de la région. Depuis, le commandant Ebrahim, le nouveau gouverneur de la province, qui avait organisé la résistance face aux Taliban, dirige la ville, a été nommé gouverneur de la province. Mais ce proche de Hamid Karzaï, passe son temps à Kaboul et accompagne le chef du gouvernement intérimaire dans ses déplacements à l’étranger. Du coup, il n’y a pas de véritables autorités locales. Ce qui ne semble pas guère gêner les habitants.
Eviter un exode massif
Située dans les montagnes, Tchagcharan est bien loin de la civilisation. On y rencontre peu de voiture et les habitants se déplacent toujours à pied ou encore à dos d’âne. Le soir venu, ceux qui ont les moyens utilisent des lampes à pétrole pour s’éclairer. Entourée par des montagnes enneigées, la capitale de la province de Ghor est coupée du reste de l’Afghanistan pendant les trois mois de l’hiver. Dans ces conditions, l’arrivée de plusieurs organisations humanitaires internationales a été perçue comme un véritable cadeau tombé du ciel. «La province du Ghor est une zone très aride. Il n’y a pas assez d’eau pour la culture, les paysans vivent surtout du bétail, qui se nourrit des pâturages. Mais depuis trois ans, l’Afghanistan a été frappée par une très dure sécheresse. Résultat: dans la province de Ghor, plus de 80% du bétail a disparu», constate Christian Bosson, responsable des opérations d’assistance du CICR pour la province.
L’année dernière, 20% de la population a quitté les villages pour se réfugier en Iran ou aller vivre dans les camps de réfugiés autour de la ville de Hérat. «Notre objectif est d’aider les population locales afin d’empêcher un exode encore plus massif», ajoute Christian Bosson. L’année dernière, toutes les familles de la province ont été recensées, soit environ 100 000 familles. Mais à l’époque, les Taliban contrôlaient la région et les conditions d’insécurités avaient empêché la distribution de l’aide humanitaire.
C’est en décembre dernier, quelques semaines après la chute des Taliban, les responsables du CICR sont revenus dans la province. «Nous allons distribuer 11000 d’aliments à 500 000 personnes. Chaque famille va recevoir 100 kilogrammes de riz, 30 kilos de pois cassés et 27 kilos d’huile. Cette aide alimentaire est un complément. Il faut éviter de détruire l’économie locale en distribuant une trop grande quantité de nourriture. Ces rations permettent aux gens de vivre pendant trois mois et surtout de continuer leur travail habituel. En revanche, dans deux districts, nous n’avons pas pu commencer nos opérations à cause de l’insécurité et, dans une troisième, les paysans font de la culture du pavot. Nous estimons donc qu’ils sont assez riches pour ne pas dépendre de l’aide humanitaire» ajoute le responsable du CICR.
Dans ce paysage montagneux, il est difficile de se rendre dans tous les villages. Le CICR a donc désigné des centres de distribution. Celle de Qarmin est située à 45 kilomètres de Tchagcharan. La route est montagneuses et difficile à parcourir. Les camions du CICR mettent pas moins de six heures pour s’y rendre quand ils ne n’enfoncent pas dans la boue pour être immobilisés quelques fois pour plusieurs jours. Petit village, au fond d’une vallée, Qarmin compte une population de 1200 habitants. Le jour de la distribution, des centaines de paysans afghans affluent vers le village. «Nous avons mis deux jours et trois nuits pour venir jusqu’ici. Nous sommes venus à quatre et nous n’avons pas d’âne. Il faut donc que nous ramenions notre ration sur notre dos», raconte Amin, un paysan venu d’un village lointain. D’autres possèdent des ânes. Ce qui leur facilite la tâche. Pour recevoir leur ration, les chefs de la famille doivent présenter leur carte remise par le CICR. Mais certains ont été oubliés lors du recensement. «La société afghane est une société encore tribales. Après notre distribution, les chefs tribaux font une nouvelle distribution. Nous sommes donc certains que tout le monde va recevoir une ration», explique un membre du CICR.
Pour faire venir l’aide humanitaire jusqu’à Tchagcharan, deux avions cargos, basé à Machad, dans le nord de l’Iran, à Peshawar, au Pakistan, font la navette tous les jours. A chaque passage, ces avions ramènent chacun entre quinze et dix-huit de tonnes de nourritures à Tchagcharan. Pendant l’hiver, l’avion est le seul moyen d’acheminer l’aide humanitaire dans cette région. «Cette opération constitue la plus importante action d’assistance du CICR à travers le monde actuellement», affirme Chrsitian Bosson. Le CICR n’est pas la seule organisation humanitaire à Tchagcharan. Le WFP distribue également du riz. Enfin, Médecins du Monde (MDM) a envoyé une mission pour réhabiliter l’hôpital de la ville et les dispensaires de la région. «L’Afghanistan a été entièrement détruit par les vingt ans de guerre, affirme Greig Freidmann, responsable du MDM dans la province de Ghor. Après le départ des Taliban, le pays s’est ouvert au champ humanitaire. Il y a un immense travail à faire pour aider ce pays qui est à genou. Il faut l’aider à se relever».
C’était à la mi-février. Six soldats britanniques ont débarqué à Tchagcharan, capitale de la province de Ghor, située dans l’ouest d’Afghanistan, et se sont installés dans un bâtiment de l’aéroport de la ville. Personne ne connaît encore aujourd’hui leur véritable mission. Plutôt discrets, ils ne portent pas d’uniformes militaires et se déplacent en voitures civiles et sans plaques. Mais une chose est certaine. Depuis qu’ils sont arrivés, Tchagcharan, petite bourgade de cinq milles habitants, chef lieu de la province de Ghor dans l’ouest de l’Afghanistan, a retrouvé une vie plutôt normale. En effet, dès l’annonce de l’arrivée des Britanniques, tous les combattants sont allés dans les montagnes pour cacher leurs armes. Du coup, dans les ruelles de la ville, on ne voit aucun homme armé.
En octobre dernier, Tchagcharan a changé de mains à deux reprises. Les forces de l’alliance du Nord ont repris le contrôle de la ville début octobre. Mais deux semaines plus tard, la ville a été reconquise de nouveau par les Taliban. Finalement, les forces de l’alliance du Nord ont réussi à capturer définitivement la cité, chassant les Taliban de la région. Depuis, le commandant Ebrahim, le nouveau gouverneur de la province, qui avait organisé la résistance face aux Taliban, dirige la ville, a été nommé gouverneur de la province. Mais ce proche de Hamid Karzaï, passe son temps à Kaboul et accompagne le chef du gouvernement intérimaire dans ses déplacements à l’étranger. Du coup, il n’y a pas de véritables autorités locales. Ce qui ne semble pas guère gêner les habitants.
Eviter un exode massif
Située dans les montagnes, Tchagcharan est bien loin de la civilisation. On y rencontre peu de voiture et les habitants se déplacent toujours à pied ou encore à dos d’âne. Le soir venu, ceux qui ont les moyens utilisent des lampes à pétrole pour s’éclairer. Entourée par des montagnes enneigées, la capitale de la province de Ghor est coupée du reste de l’Afghanistan pendant les trois mois de l’hiver. Dans ces conditions, l’arrivée de plusieurs organisations humanitaires internationales a été perçue comme un véritable cadeau tombé du ciel. «La province du Ghor est une zone très aride. Il n’y a pas assez d’eau pour la culture, les paysans vivent surtout du bétail, qui se nourrit des pâturages. Mais depuis trois ans, l’Afghanistan a été frappée par une très dure sécheresse. Résultat: dans la province de Ghor, plus de 80% du bétail a disparu», constate Christian Bosson, responsable des opérations d’assistance du CICR pour la province.
L’année dernière, 20% de la population a quitté les villages pour se réfugier en Iran ou aller vivre dans les camps de réfugiés autour de la ville de Hérat. «Notre objectif est d’aider les population locales afin d’empêcher un exode encore plus massif», ajoute Christian Bosson. L’année dernière, toutes les familles de la province ont été recensées, soit environ 100 000 familles. Mais à l’époque, les Taliban contrôlaient la région et les conditions d’insécurités avaient empêché la distribution de l’aide humanitaire.
C’est en décembre dernier, quelques semaines après la chute des Taliban, les responsables du CICR sont revenus dans la province. «Nous allons distribuer 11000 d’aliments à 500 000 personnes. Chaque famille va recevoir 100 kilogrammes de riz, 30 kilos de pois cassés et 27 kilos d’huile. Cette aide alimentaire est un complément. Il faut éviter de détruire l’économie locale en distribuant une trop grande quantité de nourriture. Ces rations permettent aux gens de vivre pendant trois mois et surtout de continuer leur travail habituel. En revanche, dans deux districts, nous n’avons pas pu commencer nos opérations à cause de l’insécurité et, dans une troisième, les paysans font de la culture du pavot. Nous estimons donc qu’ils sont assez riches pour ne pas dépendre de l’aide humanitaire» ajoute le responsable du CICR.
Dans ce paysage montagneux, il est difficile de se rendre dans tous les villages. Le CICR a donc désigné des centres de distribution. Celle de Qarmin est située à 45 kilomètres de Tchagcharan. La route est montagneuses et difficile à parcourir. Les camions du CICR mettent pas moins de six heures pour s’y rendre quand ils ne n’enfoncent pas dans la boue pour être immobilisés quelques fois pour plusieurs jours. Petit village, au fond d’une vallée, Qarmin compte une population de 1200 habitants. Le jour de la distribution, des centaines de paysans afghans affluent vers le village. «Nous avons mis deux jours et trois nuits pour venir jusqu’ici. Nous sommes venus à quatre et nous n’avons pas d’âne. Il faut donc que nous ramenions notre ration sur notre dos», raconte Amin, un paysan venu d’un village lointain. D’autres possèdent des ânes. Ce qui leur facilite la tâche. Pour recevoir leur ration, les chefs de la famille doivent présenter leur carte remise par le CICR. Mais certains ont été oubliés lors du recensement. «La société afghane est une société encore tribales. Après notre distribution, les chefs tribaux font une nouvelle distribution. Nous sommes donc certains que tout le monde va recevoir une ration», explique un membre du CICR.
Pour faire venir l’aide humanitaire jusqu’à Tchagcharan, deux avions cargos, basé à Machad, dans le nord de l’Iran, à Peshawar, au Pakistan, font la navette tous les jours. A chaque passage, ces avions ramènent chacun entre quinze et dix-huit de tonnes de nourritures à Tchagcharan. Pendant l’hiver, l’avion est le seul moyen d’acheminer l’aide humanitaire dans cette région. «Cette opération constitue la plus importante action d’assistance du CICR à travers le monde actuellement», affirme Chrsitian Bosson. Le CICR n’est pas la seule organisation humanitaire à Tchagcharan. Le WFP distribue également du riz. Enfin, Médecins du Monde (MDM) a envoyé une mission pour réhabiliter l’hôpital de la ville et les dispensaires de la région. «L’Afghanistan a été entièrement détruit par les vingt ans de guerre, affirme Greig Freidmann, responsable du MDM dans la province de Ghor. Après le départ des Taliban, le pays s’est ouvert au champ humanitaire. Il y a un immense travail à faire pour aider ce pays qui est à genou. Il faut l’aider à se relever».
par Siavosh Ghazi
Article publié le 07/03/2002