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Afghanistan

Hamid Karzaï en Iran

Le chef du gouvernement afghan se rend, ce dimanche, en Iran alors que les Etats-Unis accusent toujours Téhéran d’aider les membres d’Al Qaïda et les Talibans à fuir l’Afghanistan. Selon le secrétaire américain à la Défense, certains membres du réseau d'Oussama Ben Laden ont même trouvé refuge en Iran. Ce que Téhéran a toujours démenti.
De notre correspondant à Téhéran

Lors de sa visite officielle de deux jours, le chef du gouvernement afghan doit rencontrer le président Khatami, le ministre des Affaires étrangères mais aussi le guide suprême, l’ayatollah Ali Khameneï. Il doit être accompagné par le chef de la diplomatie afghane, le docteur Abdullah Abdullah, et de cinq autres membres de son cabinet. Malgré la condamnation de l’intervention américaine en Afghanistan, les responsables iraniens ont toujours affirmé soutenir le nouveau gouvernement dirigé par Hamed Kharzaï. D’ailleurs, durant la conférence de Bonn, le ministre iranien des Affaires étrangères est intervenu à plusieurs reprises pour convaincre l’ancien président afghan, Burhaneddin Rabbani, de se retirer pour permettre la constitution du gouvernement. «Nous pensons que la visite de Hamed Karzaï renforcera les liens bilatéraux et aidera à stabiliser son gouvernement… L'Iran veut la paix, la stabilité et le développement économique en Afghanistan», a récemment affirmé le ministre iranien des Affaires étrangères, Kamal Kharazi. L'Iran, qui a soutenu par le passé les forces de l'Alliance du Nord (chiites) contre les talibans, a d’ailleurs débloqué une aide de 560 millions de dollars pour la reconstruction de l'Afghanistan sur une période de cinq ans.

Mesures contre le terrorisme

La visite de Karzaï est donc une réponse aux accusations des responsables américains, qui affirment que les Iraniens ont aidé des combattants du réseau Al Qaïda à fuir l’Afghanistan. Ces dernières semaines, le gouvernement iranien a pris plusieurs mesures pour montrer son engagement dans la lutte contre le terrorisme. Tout d’abord, il y a eu l’annonce de l’arrestation de 150 personnes soupçonnées d’être liées au réseau Al Qaïda. Il y a dans ce groupe– dont 40 femmes et 70 à 80 enfants- un certain nombre de ressortissants de pays européens, mais aussi de pays arabes et d’Afrique du Nord. Les ambassades des Etats concernés ont été contactées pour vérifier l’identité de ces personnes. Ensuite, le gouvernement iranien a ordonné la fermeture de tous les bureaux du parti islamique d’Afghanistan, dirigé par Gulbuddin Hekmatyar. L’ancien Premier ministre afghan, qui vit en exil en Iran depuis plus de cinq ans, est un opposant déclaré du nouveau gouvernement de Kaboul. «Nous préférons la guerre civile à la soumission aux étrangers. Je dispose d’hommes armés sur place et nous allons nous battre… », a récemment déclaré Gulbuddin Hekmatyar. Toutes les activités de ce dernier ont été interdites par les Iraniens. Selon la presse, Gulbuddin Hekmatyar aurait même été invité à quitter l’Iran. Les responsables iraniens ont par ailleurs affirmé à l'émissaire spécial de l'Union européenne en Afghanistan, Klaus Klaiber, qu’ils avaient permis à Hekmatyar de rester en Iran à la demande du gouvernement de Hamed Karzaï mais aussi des Américains.

Certes, les dirigeants conservateurs iraniens dénoncent ce qu’ils appellent l’installation d’un gouvernement pro-américain en Afghanistan. En revanche, le président Khatami et ses amis réformateurs ont accueilli favorablement le nouveau pouvoir. En effet, Téhéran a toujours combattu les Talibans, qui n’avaient jamais caché leur hostilité à l’égard de l’Iran, chiite. Principal protecteur des forces de l’alliance du Nord dans les années 90, Téhéran n’a jamais eu de liens avec les Talibans et le mouvement de Ben Laden, qui sont des sunnites ultra-intégristes. En juillet 1998, une guerre a même failli éclater entre l’Iran et les Talibans après le massacre de onze diplomates et journalistes iraniens par les Talibans lors de la prise de la ville de Mazar e-Sharif. Plus de 200 000 militaires s’étaient alors massés à la frontière afghane.

Aujourd’hui, l’Iran a tout intérêt à ce que le calme et la stabilité règnent en Afghanistan. Premier problème, celui de la drogue produite en Afghanistan. Voisin de l'Afghanistan et du Pakistan, l'Iran fait partie du croissant d'or par lequel celle-ci transite, produite en Afghanistan, à destination des pays du Golfe persique et de l'Europe. Depuis l’arrivée au pouvoir des Taliban, l’Afghanistan était devenu le premier producteur de drogue dans le monde. Aujourd’hui, celle-ci fait des ravages dans le pays même. Selon les chiffres officiels, il y a deux à trois millions de toxicomanes et deux millions de consommateurs irréguliers. Plus de 3.000 policiers iraniens ont été tués lors d'affrontements avec des trafiquants, ces 20 dernières années le long de la frontière avec l’Afghanistan et le Pakistan. De même, l’Iran compte actuellement, plus de deux millions et demi de réfugiés afghans sur son sol. Téhéran espère que le retour au calme en Afghanistan encouragera ces réfugiés à rentrer chez eux. Le gouvernement a annoncé un plan pour en rapatrier cinq cent mille chaque année. D’ailleurs, selon les Nations Unies, quelque 200 000 Afghans vivant en Iran et au Pakistan ont regagné l'Afghanistan depuis la chute des Talibans.



par Siavosh  Ghazi

Article publié le 23/02/2002