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Tchad

Espoirs déçus de l’or noir

La base pétrolière de Komé, au Tchad,  alimente les espoirs déçus de l'or noir. 

		( PHOTO : AFP )
La base pétrolière de Komé, au Tchad, alimente les espoirs déçus de l'or noir.
( PHOTO : AFP )
Démobilisation des travailleurs, hausse des prix, répercussions sur l’environnement, la liste des récriminations est longue et les responsabilités d’Esso et du gouvernement pas toujours clairement établies dans les esprits. Premier volet aujourd’hui d’une série de trois reportages sur le Tchad.

De notre envoyée spéciale dans le sud du Tchad.

Depuis 7 heures ce matin, Mathias est assis sur un banc en bois branlant. Il contemple les installations pétrolières qui s’étendent à l’infini derrière les grillages et les fils barbelés. Comme chaque jour, il se rend près de la base pétrolière de Komé dans l’espoir de trouver du travail. «Si tu n’as pas d’argent, ce n’est pas la peine d’espérer décrocher un boulot », lâche-t-il. Paradoxe immédiatement décrypté par Urbain Moyoumbaye, membre d’une association de défense des intérêts du canton de Miandoum (où se situe l’un des trois champs pétroliers exploités par le consortium). « Ici, les agents recruteurs des sous-traitants ou d’Esso réclament 50 000 francs CFA (80 euros) avant de te mettre sur leur liste ».

Depuis la fin de la construction du pipe-line et le début de l’exploitation à l’été 2003, les salariés se sont fait licencier en masse et l’emploi est devenu une denrée rare dont certains tirent profit en faisant monter les enchères. Cette perte de revenus s’est ajoutée à une hausse des prix qui rend la vie difficile dans la région pétrolière.

« Le problème, c’est que nous sommes bloqués ici, déplore un ancien maçon. J’ai fait venir mon épouse et mes six enfants de Ndjaména. Je n’ai plus les moyens de repartir, et pas les moyens de rester non plus ». Pour glaner quelques sous, il vend des briques en terre qu’il fabrique au bord du fleuve avec ses compagnons d’infortune.

Mirages de l’or noir

Dans la région pétrolière du sud du Tchad, le sentiment le mieux partagé est celui de l’espoir déçu par les mirages de l’or noir. « La poussière soulevée par les véhicules gros porteurs pollue nos manguiers et nos champs, donne des maladies respiratoires aux enfants, déplore Pierre Djasro le chef de canton de Miandoum. Les pistes n’ont cessé de se dégrader. Des carrières ouvertes par Esso non rebouchées créent des risques d’accident ».

Si certains ont vu la couleur de l’argent du pétrole, ils l’ont vite oublié. Le chef de canton déplore la mauvaise utilisation des salaires et des compensations individuelles accordées par le consortium après les travaux. « Jamais les gens n’avaient reçu de telles sommes d’argent. Nous avons fait des sensibilisations pour les inciter à investir dans des terrains ou des animaux. Mais la plupart a tout dépensé dans les bars et avec les femmes ». Le taux de prévalence du Sida dans la région de Doba avoisine les 9%. On peut certes apercevoir, plantés le long des pistes, des panneaux de mises en garde financés par Esso: « Attention Sida, abstinence ou prudence ». Mais ce saupoudrage de moralisation n’empêche guère Tchadiennes, Camerounaises, ou Ghanéennes de venir braver l’interdit le soir dans les buvettes du quartier Komé Atan (anciennement nommé Komé Satan, situé devant la base).

Ces récriminations envers la société pétrolière sont fortement relayées par de nombreuses organisations non gouvernementales promptes à dénoncer les abus ou irrégularités concernant le respect des accords avec le gouvernement tchadien. La plupart déplore le manque de communication avec la société pétrolière sur le terrain. De son côté Esso avance pourtant près de 200 sensibilisations organisées chaque trimestre en présence des chefs de village et des habitants. « Le problème, c’est qu’en étant particulièrement visibles dans la zone, nous servons parfois de bouc-émissaire !, déclare Ellen Braun, conseillère socio-économique d’Esso. Or, nous remplissons nos obligations contractuelles à la lettre. Nous ne pouvons pas faire le travail du gouvernement ».

Début janvier, un plan de développement régional devrait commencer à être mis sur pied par une structure tchadienne, le Comité technique national de suivi et de contrôles des aspects environnementaux en partenariat avec la Banque mondiale. Une étude doit préalablement tenir compte des besoins réels de la population.



par Stéphanie  Braquehais

Article publié le 27/12/2004 Dernière mise à jour le 27/12/2004 à 10:45 TU

Deuxième volet, mercredi : Le coton en crise.