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Tchad

Le pétrole de Doba est sur le marché

Après l’exploitation effective du pétrole qui a débuté en juillet dernier, le Tchad vient de procéder à l’inauguration officielle de cette entreprise qui a mobilisé la Banque mondiale, un consortium américano-malaisien et l’Etat tchadien. De nombreux chefs d’Etats africains sont conviés à la cérémonie d’ouverture officielle des vannes de l’oléoduc qui fait entrer le Tchad dans le cercle des Etats producteurs de pétrole.
C’est à Komé que se tiennent les cérémonies d’inauguration des installations pétrolières du bassin de Doba, la capitale pétrolière du Tchad. Cinq chefs d’Etat sur huit ont répondu à l’invitation du président tchadien Idriss Déby. Il s’agit des présidents Denis Sassou Nguesso du Congo, Omar el-Béchir du Soudan, Mamadou Tandja du Niger et François Bozizé de Centrafrique. Les présidents du Gabon de Guinée Equatoriale et du Nigeria se sont fait représenter par une délégation de «haut niveau», tout comme le président Paul Biya du Cameroun dont le pays accueille l’essentiel de l’oléoduc, 900 km sur 1070 km, qui achemine le brut tchadien jusqu’au port de Kribi.

Pour l’instant aucune interprétation politique n’est donnée à ces absences, et à Komé, les officiels se sont à tour de rôle félicités de la réussite des installations et du bon démarrage des affaires. Ils ont apprécié le lancement du premier tanker chargé de 950 000 barils de pétrole tchadien, le 3 octobre en direction du marché international. La production est actuellement de 100 000 barils de brut par jour et devrait atteindre un régime maximum de 225 000 barils par jour au début de l’année 2004. Le bassin pétrolifère est estimé à 900 millions de barils pour une exploitation sur 25 ans. Il devrait rapporter plus de 2 milliards de dollars US au Tchad et 500 millions de dollars US au Cameroun.

La Banque mondiale est satisfaite

L’investissement global qui est de 3,7 milliards de dollars a reçu la caution morale de la Banque mondiale, dont le représentant se satisfait aujourd’hui du respect du cahier des charges par tous les intervenants. Nils O. Tcheyan, le chef de la délégation de la Banque mondiale à la cérémonie de Komé a néanmoins tenu à rappeler qu’une «utilisation efficace et transparente des premiers revenus pétroliers par les autorités tchadiennes sera décisive pour renforcer la confiance du peuple tchadien et des instances internationales». En effet, les partis d’opposition reprochent déjà au pouvoir d’avoir installé des proches et famille du président de la République aux postes clé dans les instances d’exploitation du pétrole tchadien. La Banque mondiale motive son soutien au programme d’exploitation du pétrole parce que certains dispositifs de gestion et de répartition des revenus l’auraient convaincu, tel que le Collège de contrôle et de surveillance des ressources pétrolières (CCSRP). Il est composé de représentants du gouvernement, d’élus, de financiers et de personnalités de la société civile.

La Banque mondiale se refuse, pour l’instant, à prêter le flanc aux critiques de «gestion clanique» dont certains partis politiques et organisations de défense des droits de l’homme accusent le pouvoir de Ndjaména. Elle fait foi aux engagements pris par toutes les parties qui prévoient l’affectation de plus de 80% des recettes à des projets de développement prioritaire que sont la santé, l’éducation, les infrastructures et l’agriculture. Mais ces bonnes intentions ne convainquent pas de nombreuses ONG qui se fondent plutôt sur une loi votée par l’Assemblée nationale à propos de la répartition des revenus, qui prévoit que 5% des ressources du pétrole soient utilisées pour le développement des régions. Elles jugent ce pourcentage trop faible par rapport à l’ampleur des dommages occasionnés par l’exploitation du pétrole dans les régions concernées.

Morris Foster, le président de ExxonMobil qui détient 40% des parts du consortium d’exploitation du pétrole tchadien, lors de son intervention a préféré s’appesantir sur les réalisations déjà effectuées et qui participent au développement de la région de Doba, le site du champ pétrolifère. Il a précisé que 13 000 personnes ont travaillé sur le chantier, dont plus de 65% étaient des citoyens tchadiens. Il s’est vanté de la construction d’un pont sur le fleuve Mbéré qui crée «un nouveau passage frontalier avec le Cameroun pour que les produits du sud du Tchad puissent atteindre plus facilement les marchés internationaux», a-t-il précisé. Mais face aux prévisions économiques favorables brandies par les industriels et politiques tchadiens, de nombreuses ONG relèvent plusieurs manquements qui auraient déjà provoqué la mort de plusieurs riverains des sites d’exploitation. Elles dénoncent la mauvaises gestion des déchets toxiques, l’apparition de décharges sauvages et à terme une pollutions des eaux et des sols. Les artifices du développement, l’électricité, l’eau courante, la télévision par satellite, le cosmopolitisme, l’urbanisation rapide sont autant de «problèmes mal appréhendés dont les victimes seront les innocentes populations de la province du Logone», déplorent les ONG.

Depuis six ans, Ngarledji Yorongar se bat farouchement contre le projet pétrolier parce qu'il est persuadé que l'argent de ce pétrole sera massivement détourné par le Président Déby. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier:
Ecouter l’Invité Afrique (10 octobre 2003)



par Didier  Samson

Article publié le 10/10/2003