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Tchad

Le MDJT rentre par la grande porte

Le MDJT, le Mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad, vient de conclure un accord de paix et de réconciliation avec le gouvernement tchadien. Cet accord a été signé à Tripoli sous le parrainage de la Libye, à qui il a été également confié de superviser la bonne application des accords.
Cet accord devrait mettre un terme à la légendaire rébellion dans l’extrême nord du Tchad, dans les montagnes et le désert du Tibesti. Déjà dans les années 70, l’opposition armée des rebelles Toubou, au premier président du Tchad Ngarta Tombalbaye, avait trouvé refuge dans cette partie du pays, difficile d’accès. C’est là encore qu’en 1998, Youssouf Togoïmi reconstitue une rébellion armée, le MDJT qui réclamait par tous les moyens le départ du président Idriss Déby. Les liens ethniques et religieux entre les populations de cette partie du Tchad et celles du sud de la Libye, ont toujours fait de ce pays, la base arrière des mouvements armés. Cette situation a, toujours également, compliqué les relations entre les deux Etats.

Mais depuis que le guide de la révolution libyenne est devenu le chantre de l’Union africaine, une nette évolution a été notée de part et d’autre. Lors du récent congrès du MDJT, à Sebha en Libye, le Colonel Khadafi est personnellement intervenu, par vidéo vision, pour demander aux congressistes d’œuvrer désormais pour la paix. Et dès le 25 décembre 2001, le chef des rebelles Youssouf Togoïmi, ancien ministre de la Défense d’Idriss Déby, annonçait son intention d’engager des négociations de paix. C’est ainsi qu’une commission de réconciliation nationale a été créée et présidée par le général Adoum Togoï, numéro deux du MDJT et ancien ministre des affaires étrangères du Tchad. Les travaux de cette commission ont rapidement débouché sur une rencontre à Tripoli facilitée par le ministre libyen de l’Union africaine Ali Triki. En trois jours de discussions acharnées à Tripoli, les autorités libyennes ont obtenu des frères ennemis tchadiens un engagement sur la cessation des hostilités.

L’accord qui fait grincer des dents.

Cet accord de paix qui prévoit donc un cessez-le-feu immédiat précise également que chaque partie doit s’abstenir de mener des campagnes médiatiques qui pourraient nuire à l’entente cordiale. Toutes les parties s’engagent également à garantir et à faire respecter la libre circulation des biens et des personnes. Les belligérants s’engagent aussi à libérer leurs prisonniers respectifs, avec une démarche supplémentaire qui incombe au gouvernement tchadien, celle de promulguer une loi d’amnistie générale. Par ailleurs, les soldats rebelles seront intégrés dans l’armée régulière. La bonne foi du gouvernement, représenté par son ministre de l’intérieur, s’est immédiatement traduite par sa proposition de faire participer des membres du MDJT au gouvernement de la République. Trois nouvelles commissions devront être créées pour définir les modalités d’application des différentes dispositions de cet accord. L’installation de ces commissions, politique et juridique, militaire et de sécurité et socio-économique, montre bien le degré d’implication dans la gestion des affaires de l’Etat auquel se prépare le MDJT.

La surprise est grande dans le camp de l’opposition non armée qui pense que le pouvoir a capitulé devant les exigences des rebelles. Elle craint que cet accord ne soit une légitimation des mouvements rebelles armés. Depuis la signature de l’accord de réconciliation et de paix entre le pouvoir et le MDJT, les membres de l’opposition non armée se réunissent de manière informelle pour discuter de l’attitude à adopter face à la nouvelle donne politique qui s’impose à eux. Pour certains, les négociations se sont déroulées au mépris de leur rôle de législateur. Cela remet en cause également la légitimité obtenue des urnes, puisque les représentants du MDJT, au terme de l’accord de paix, intègreront des structures politique, économique, sociale et militaire du Tchad, en partage avec le pouvoir en place. Certains membres de l’opposition intérieure et non armée, qui gardent l’anonymat, promettent de rendre la vie dure à ce «greffage» qui ressemble à une imposture.

Sur le plan international, cet accord a reçu un accueil très favorable. Amara Essy, le secrétaire général de l’OUA a salué le travail fourni par la Libye, et le sens de responsabilité des signataires. Les institutions régionales et internationales ont préféré aussi saluer les efforts et concessions de part et d’autre, sans prendre en compte les questions de politique intérieure. Même son de cloche à la Communauté des Etats sahélo-saharien (SIN-SAD), où on pense que cet accord consolidera les relations de bon voisinage entre les pays de la région. Les suites de l’accord sont déjà à l’ordre du jour du prochain sommet du SIN-SAD en mars 2002 en Libye, qui a par ailleurs en charge, le suivi et la bonne application de l’accord.



par Didier  Samson

Article publié le 09/01/2002