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Tchad

«<i>Une élection de pure forme</i>»

Les six candidats malheureux à l'élection présidentielle tchadienne du 20 mai ont décidé de saisir le conseil constitutionnel pour obtenir l'annulation du premier tour du scrutin, remporté avec 67,35% par Idriss Deby. Rejetant les résultats annoncés par la Commission nationale électorale indépendante (CENI), après démission de huit de ses trente et un membres, ils dénoncent «les méthodes qui ont prévalu avant et pendant le scrutin». Gilbert Maoundonodji, est président de l'ONIPED (Observatoire national indépendant du suivi des processus électoraux et de la démocratie), un collectif qui disposait d'un millier d'observateurs répartis dans le pays. Sans la fraude, estime-t-il, un deuxième tour était inévitable.
RFI : La fraude a-t-elle entaché le scrutin du 20 mai au point de remettre en cause les résultats du premier tour¯?

Gilbert Maoundonodji : La fraude a surtout été massive dans la zone septentrionale. Cela est dû au fait que les candidats de l'opposition n'ont pratiquement pas eu de délégués dans les bureaux de vote. Deuxièmement, il y a également le vote des étrangers au Soudan et en Arabie Saoudite. Dans ce dernier pays, sur 21 000 électeurs, les observateurs estiment que les choses se sont déroulées plus ou moins dans la transparence. Là où il y a eu des fraudes massives, c'est au Soudan, où il y avait 362¯000 électeurs, soit pratiquement 10% de l'électorat total. Le genre de fraude observée c'est d'abord la disparition d'urnes, 14 sur 100. Il y a ensuite eu bourrage d'urnes. Il faut, par ailleurs, signaler de graves irrégularités dans le vote des nomades, qui représentent autour de 300¯000 électeurs. Certains ont commencé à voter le 16, alors qu'ils devaient voter les 17, 18, 19 et 20. Du reste, pendant ces quatre jours, il n'y a eu quasiment aucun observateur indépendant et par ailleurs aucun délégué des autres candidats. De plus, certains ont voté plusieurs fois.

Les réactions de¯:

Ngarlejy Yorongar, opposant de Idriss Deby

Moussa Faki, directeur de cabinet du président Deby

RFI : Comment s'est passé le vote dans le sud du pays¯?

GM : Sur les sept candidats, cinq étaient du Sud. Ils avaient des représentants dans 95% des bureaux de vote. Certains ont été expulsés des bureaux. Mais ils ont résisté. Et par leur présence, ils ont limité le risque de manipulation et de fraude. Cela dit, le dispositif de fraude a été mis en place progressivement. En 1996 déjà, le résultat des élections était contesté. Après 1996, l'actuel président a remporté les élections législatives qui lui ont permis d'avoir une forte majorité à l'assemblée. Celle-ci a concocté toutes les lois à sa guise. La loi électorale a été la base de la fraude.

RFI : De quelle manière¯?

GM : Par exemple, elle autorise pour le recensement ou pour le vote que quelqu'un se présente sur la seule base du témoignage, sans production d'une pièce d'identité pour vérifier au moins si l'électeur est majeur. Par ailleurs, le bulletin unique n'a pas été utilisé, ce qui permettait de limiter la fraude. Enfin le découpage électoral a été fait de telle sorte qu'il gonfle les populations du Nord favorables au président sortant et réduit l'importance des populations du sud.

RFI : Selon vous, Idriss Deby serait-il passé au premier tour sans la fraude¯?

GM : Un deuxième tour serait inévitable. Il y a six candidats de l'opposition qui ont tout de même une certaine base, laquelle devrait leur permettre de totaliser 60 à 70% des suffrages. Pour moi cette élection ne représente pas l'expression réelle des suffrages. C'est une élection de pure forme. Pourtant, le taux de participation montre que les gens croient à la démocratie avec comme corollaire la possibilité de changer leurs dirigeants.



par Propos recueillis par Christophe  CHAMPIN

Article publié le 29/05/2001