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Tchad

Pétrole : début d'exploitation

L’exploitation officielle du pétrole débute ce 15 juillet. La banque mondiale, le consortium de trois compagnies pétrolières et l’Etat tchadien se satisfont de l’aboutissement du projet d’exploitation, alors que la contestation grandit dans le camp de l’opposition.
C’était en juin 2000 que la Banque mondiale a donné son accord pour l’exécution du projet d’exploitation du pétrole, validant ainsi un vaste programme de développement auquel les autorités croient beaucoup. La réalisation du programme d’exploitation est d’un coût d’environ 3,7 milliards de dollars et rapportera à l’Etat tchadien 2 milliards de dollars par an pendant 25 ans. Le gisement de Doba dans le sud du pays est le premier site d’exploitation qui devrait fournir 225 000 barils par jour. Ce site regroupe les localités de Komén de Bolobo et de Miandoum, formant le bassin de Doba dans la région du Logone oriental. Dans ce bassin 300 puits alimentent déjà des réservoirs de stockage. Le Premier ministre tchadien, Moussa Faki, a confirmé que «techniquement, l’exploitation du pétrole a déjà commencé puisqu’on procède actuellement au remplissage des cuves jusqu’au 15 juillet, date à laquelle on doit procéder au pompage du pétrole dans le pipeline».

En effet, le transport du pétrole de Doba au port de Kribi au Cameroun, se fera par un oléoduc de 1 070 km. Sur la côte Atlantique au sud de Douala, au Camreoun se trouve le terminal offshore de Kibri d’où chargeront des tankers pour le marché occidental. L’exploitation sera donc effective à partir de la mi-juillet malgré la fin des travaux des équipements de surface prévue en 2004, parce que le pouvoir tchadien veut absolument tirer bénéfice de l’avance de 6 mois prise sur les prévisions initiales. L’exploitation du pétrole est confiée au consortium composé par Exxon-Mobil (40%, Etats-Unis), Chevron (25%, Etats-Unis) et Petronas (35%, Malaisie). L’Etat tchadien n’intervient que dans la société de commercialisation du brut, pour une part de 5% du capital de Tchad Oil company et 15% dans la même société, côté camerounais.

La production tchadienne de pétrole intervient à un moment où l’Europe et les Etats-Unis veulent réduire leur dépendance vis-à-vis de l’Arabie Saoudite et du Moyen-Orient. La fourniture en hydrocarbures en provenance de cette région vers les pays européens et nord-américains s’élève à plus de 55%, contre une importation des pays d’Afrique qui s’élève 37%. Selon certaines études et prévisions, la production africaine d’hydrocarbures devrait, à l’horizon 2015, supplanter celle de l’Arabie Saoudite.

«Non assistance à personnes en danger»

L’exploitation de ce pétrole représente pour le Tchad une manne considérable qui a motivé l’élaboration d’un plan de développement et de lutte contre la pauvreté validé par la Banque mondiale. Dans le cahier des charges des sociétés d’exploitation, figurent la construction d’écoles, de cliniques et hôpitaux, des puits communautaires, et l’exécution de programmes de santé publique et de vaccination. La richesse engendrée par le programme pétrole «nous permettra de sortir de la grande pauvreté», affirme le président de la République Idriss Déby. Il a donné les grandes lignes de sa politique pétrolière en précisant que 10% des recettes seront placés sur des fonds spéciaux «pour les générations futures» et que «les 80% des recettes serviront à financer le développement et des programmes sociaux en faveur des populations défavorisées».

Mais dans la société civile et l’opposition politique au Tchad, on ne tarit pas de critiques contre le gouvernement. Les principaux reproches se résument en «un montage financier mal négocié et défavorable aux intérêts du Tchad, au manque de transparence dans la gestion des revenus, le déplacement des populations sans projet de réinsertion et la pollution de l’air, de l’eau et des sols dans les zones d’exploitation et le long de l’oléoduc». Delphine Kemnéloum, présidente de l’Association tchadienne pour la promotion des droits de l’homme (ATPDH), craint que les revenus générés par l’exploitation du pétrole ne profitent «qu’à une infime minorité».

Sur le terrain de la contestation, le député écologiste du Logone oriental, Ngarlédji Yorongar, estime que l’exploitation du pétrole tchadien dans les conditions actuelles «n’est pas une bonne nouvelle pour le peuple tchadien». Il accuse le gouvernement d’avoir perçu 29 millions de dollars, une avance sur des royalties, qui n’aurait servi «qu’à l’achat d’armes», selon lui. Par ailleurs, Ngarlédji Yorongar, reproche au pouvoir de ne pas respecter ses engagements de dédommagement des agriculteurs expropriés. «Un exploitant de bananeraie de 900 pieds, qui devraient percevoir, 18 000 francs CFA par pied, soit 16 200 000 francs CFA, n’a touché que 400 000 francs CFA», argumente le député Yorongar dont le fief électoral, le bassin pétrolier de Doba, se vide de ses habitants. Le manque d’assistance et de prise en charge pour les maladies pulmonaires et conjonctivites, du fait de la poussière soulevée en permanence ont entraîné un exode massif de la population. Pour toutes ces raisons Ngarlédji Yorongar a décidé de traduire les autorités tchadiennes devant une juridiction internationale «pour non assistance à personnes en danger».

A lire :

La chronique économique de Norbert Navarro sur le pétrole tchadien

A écouter également:

Christophe Champin, journaliste à RFI, nous explique les enjeux de cette exploitation pour le Tchad



par Didier  Samson

Article publié le 15/07/2003