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Tchad

Youssouf Togoïmi : la mort d’un rebelle

Youssouf Togoïmi, le chef du principal groupe rebelle, le Mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad (MDJT), est décédé, mardi 24 septembre à l’hôpital central de Tripoli. Il était âgé de quarante-neuf ans et originaire de Zouar dans le Tibesti, dans l’extrême nord du Tchad, située à près de 1500 km de N’Djaména, la capitale tchadienne.
De notre correspondant à N’Djaména

Youssouf Togoïmi était hospitalisé à Tripoli depuis qu’il avait été blessé, le 29 août 2002 par l’explosion d’une mine dans le Tibesti. Il avait créé le MDJT en octobre 1998, année de son entrée en rébellion contre le président Idriss Déby. Le président-fondateur du MDJT est un magistrat de formation, reconnu pour son intégrité et sa probité par ses collaborateurs, voire même par les justiciables eux-mêmes. Ses amis disaient de lui qu’il avait une haute idée de sa personne et ses adversaires qu’il était trop imbu de lui-même.

Après ses études secondaires au lycée franco-arabe d’Abéché, à huit cents kilomètres à l’est de N’Djaména, près de la frontière soudanaise, Youssouf Togoïmi est admis à l’Ecole nationale d’administration et s’inscrit à l’Université du Tchad en 1975 où il mène simultanément des études d’administration et de droit. Nanti de son diplôme de l’Ena et d’une licence en droit, le jeune Youssouf Togoïmi bénéficie d’une bourse française et s’inscrit à l’Université de Reims, en 1978. Après sa maîtrise en droit privé, il suit les cours de l’Ecole de magistrature de Paris où il obtient son diplôme en 1983.
Rentré au pays en 1984, Youssouf Togoïmi est alors l’un des rares cadres de l’ethnie Toubou, à laquelle appartient le leader de l’opposition armée Goukouni Weddeye, chef des Forces armées populaires (Fap), à rejoindre Hissein Habré.

On lui barre l’entrée du palais présidentiel, il prend le maquis

Il exercera au Tribunal de première instance de N’Djaména, avant d’être affecté à Abéché en qualité de procureur de la République près le tribunal de cette localité. Après l’arrivée au pouvoir de Idriss Déby, Youssouf Togoïmi sera nommé ministre de la Justice. A l’issue la Conférence nationale souveraine de 1993, il quitte le gouvernement pour être nommé préfet du département du Ouaddaï, dont le chef-lieu est Abéché. En 1996, il retourne au sein du gouvernement où Idriss Déby lui confiera successivement les portefeuilles de la Défense et de l’Intérieur. C’est de ce dernier poste qu’il démissionnera, suite à un incident avec la garde prétorienne du président Déby qui lui avait interdit l’accès du palais présidentiel, alors qu’il accompagnait son collègue nigérien reçu en audience par le président. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase : Youssouf Togoïmi supportait de plus en plus mal, les méthodes de travail de son patron. Après sa démission, il entre en rébellion en octobre 1998 contre le pouvoir central dans le massif inexpugnable du Tibesti d’où il mène une guérilla meurtrière contre l’armée gouvernementale. Mais le ministre, devenu chef de guerre, n’est jamais parvenu, faute de moyens militaires ou de soutiens extérieurs suffisants à concrétiser sa promesse de fondre sur N’Djaména pour renverser le régime "corrompu" et "clanique" de Idriss Déby, selon la prose caractéristique de son mouvement.

Le 7 janvier 2002, la Libye parrainait un accord-cadre de paix entre le gouvernement tchadien et le MDJT, assorti d’un cessez-le-feu. Les négociations issues de cet accord de paix ont été suspendues en mai dernier, en raison de divergences internes au MDJT. Youssouf Togoïmi incarnait la ligne dure, exigeant la nomination d’un Premier ministre issu des rangs de son mouvement. Ses opposants s’étaient regroupés au sein d’une branche plus modérée du mouvement, sous la houlette de son 2e vice-président, Adoum Togoï.




par Dieudonné  Djonabaye

Article publié le 26/09/2002