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Côte d'Ivoire

Polémique sans objet selon l’Onu

Les deux Sukhoï vont être remorqués de Yamoussoukro à Abidjan sous escorte onusienne.(Photo : AFP)
Les deux Sukhoï vont être remorqués de Yamoussoukro à Abidjan sous escorte onusienne.
(Photo : AFP)
Violation de l’embargo, selon l’ex-rébellion dont les partisans demandent en retour l’autorisation de se doter de moyens anti-aériens. Triomphalisme dans le camp présidentiel, où des foules en liesse ont observé samedi, au-dessus de Yamoussoukro, les essais d’un hélicoptère de combat Mi-24 et d’un appareil Strikemaster d’appui aérien. Polémique sans objet, selon le porte-parole de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), Hamadoun Touré, qui explique qu’il ne s’agit nullement d’une reprise des vols ou d’une remise en état de la flotte aérienne ivoirienne, mais d’un simple transfert des appareils désarmés à Abidjan où les deux chasseurs Sukhoï endommagés seront entreposés sous surveillance onusienne.

Le porte-parole de l’Onuci, Hamadoun Touré, a d’autant plus de mal à se faire entendre que les adversaires ivoiriens ne négligent rien du parti à tirer d’une affaire hautement symbolique. Après sa neutralisation par l’armée française en novembre dernier, le président Gbagbo avait en effet promis de remettre en état la flotte aérienne «nationale», fer de lance d’un rêve déçu de solution militaire. Hier, le porte-parole de l’armée ivoirienne, le colonel Jules Yao Yao assurait pour sa part que «les aéronefs seront réparés, stationnés à la base aérienne Abidjan et pourront être utilisés pour l'instruction et l'entraînement des pilotes». Malgré leurs nez cassés, les chasseurs bombardiers annoncés à Abidjan prennent dans certaines bouches les couleurs narquoises d’une nouvelle «victoire» diplomatique, après la reconnaissance par l’Union africaine de la validité d’une option référendaire pour la réforme constitutionnelle à venir. De manière non moins attendue, les anciens rebelles des Forces nouvelles en tirent argument de leur côté pour dénoncer une faveur faite à leur adversaire. Ils ne manquent pas non plus d’agiter une menace militaire de nature à retarder leur propre désarmement.

Entre l’interprétation flatteuse des uns et l’anticipation dramatique des autres, Hamadoun Touré tente pour sa part de trouver les mots justes pour décrire une autre réalité. Il confirme la demande formulée en décembre dernier, aux «forces impartiales» de l’Onuci et de l’opération française Licorne, par le chef d’état-major des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci), le colonel Philippe Mangou, qui souhaitait «déplacer les aéronefs qui se trouvent à Yamoussoukro vers Abidjan». Estimant qu’il lui serait en fin de compte plus facile de surveiller les reste de l’aviation militaire ivoirienne à Abidjan, l’Onuci a donné son autorisation en vérifiant au préalable que les appareils en état de voler, le Mi-24 et le Strikemaster étaient effectivement désarmés. C’est «pour voir l’état de vol et constater s’il n’avait pas à bord des armes et des munitions» qu’un test a été effectué de concert avec l’Onuci au-dessus de Yamoussoukro, avant de les laisser poursuivre leur route aérienne vers Abidjan lundi matin, insiste Hamadoun Touré. Telles «étaient les conditions posées aux autorités militaires ivoiriennes et ce sont ces conditions que nous sommes allés inspecter» avec ce vol-test, insiste-t-il.

«Il ne s'agit pas d'une reprise des vols»

«Je ne suis pas en mesure de dire que le président Gbagbo est en train de réparer» sa flotte militaire aérienne, répond Hamadoun Touré, pressé de questions sur une question qui d’après lui ne se pose pas en ces termes et regarde le Conseil de sécurité avant l’Onuci. Concernant les appareils qui viennent d’atterrir à Abidjan, «il ne s’agit pas d’une reprise des vols» de l’aviation militaire ivoirienne mais du déplacement des appareils «d’un point à un autre du territoire ivoirien». Et cela par les airs donc pour les deux premiers parce qu’ils étaient encore en état de voler, selon lui. Quant aux deux chasseurs Sukhoï 25, «il ne s’agit pas dans notre esprit de les réparer, mais de les remorquer jusqu’à Abidjan, sous escorte de l’Onuci» qui aura «le contrôle de ces avions au sol», dans les hangars de la base aérienne. Bien sûr pour l’Onuci, «il n’est question en aucun cas de préparer un réarmement. Au contraire, les conditions qui ont été posées sont très claires. Les forces impartiales tiendront à ce que ces conditions soient respectées».

Le 15 novembre dernier, «agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies», qui autorise le recours à la force, et condamnant les «frappes aériennes» des Fanci, le Conseil de sécurité a décidé dans sa résolution 1572 un embargo international sur «la fourniture, la vente ou le transfert, directs ou indirects, à destination de la Côte d’Ivoire…d’armes et de tout matériel connexe, notamment d’aéronefs militaires et autres matériels…ainsi que la fourniture de toute assistance, conseil ou formation se rapportant à des activités militaires». En l’absence du matériel ou du savoir-faire nécessaire, toute réparation des appareils demeurés à vocation militaire tomberait en effet sous le coup de cet article 7 d’une résolution contraignante qui prévoit toutefois des dérogations.

Bien sûr, l’embargo militaire ne concerne pas les casques bleus ou les soldats français déployés en Côte d’Ivoire sous mandat onusien. Il octroie également une liberté d’intervention aux forces de tout Etat tiers qui devrait intervenir en Côte d’Ivoire pour «faciliter l’évacuation de ses nationaux». Mais la résolution prévoit aussi la formation d’un «comité du Conseil de sécurité composé de tous les membres du Conseil (le Comité), qui sera chargé» notamment de se prononcer sur des demandes de dérogation à l’article 7 (l’embargo militaire). Parmi les dérogations envisageables, s’inscrivent les «fournitures de matériel militaire non létal destiné exclusivement à un usage humanitaire ou de protection et à l’assistance technique et à la formation connexes». Peuvent également se discuter les «fournitures d’armes et de matériel connexe, la formation et l’assistance technique destinées exclusivement à appuyer le processus de restructuration des forces de défense et de sécurité ou à être utilisées pour ce processus, conformément à l’alinéa f) de l’article 3 de l’Accord de Linas-Marcoussis».

En règle générale, les dérogations sont prévues pour laisser place à tout aménagement qu’exigerait un changement de situation ou d’orientation diplomatique. Par ailleurs, en dépit de la «légitime défense» internationalement reconnue à la France après le bombardement de ses quartiers de Bouaké où elle a perdu 9 hommes, l’anéantissement de la souveraineté militaire aérienne de la Côte d’Ivoire provoqué par les représailles françaises du 9 novembre pourrait appeler une forme de gentlemen’s agreement. Au final, rien n’est totalement exclu pour autant que le désarmement de l’aviation ivoirienne est réellement garanti par l’Onuci. Le porte-parole de l’état-major ivoirien souligne en tout cas que «au-delà du conflit, la Côte d'Ivoire a une armée, avec des capacités, notamment aériennes, qui doivent être entretenues en permanence».


par Monique  Mas

Article publié le 25/01/2005 Dernière mise à jour le 25/01/2005 à 17:15 TU

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Hamadoun Touré

Porte-parole de l'ONUCI

«Je ne suis pas en mesure de dire que le président Gbagbo est en train de réparer.»

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