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Union européenne

La Commission pense au social

Vladimir Spilda, le commissaire à l'Emploi et aux Affaires sociales.( Photos : AFP )
Vladimir Spilda, le commissaire à l'Emploi et aux Affaires sociales.
( Photos : AFP )
La Commission européenne veut redonner une tonalité sociale à sa politique. Le commissaire à l’Emploi et aux Affaires sociales vient de présenter son « Agenda pour la politique sociale » des cinq années à venir. De la directive Bolkestein en passant par la future Constitution, certains accusent l’instance dirigeante de l’Union européenne de faire la part trop belle au libéralisme.

« Je n’ai aucune crainte que le social passe au second plan », a affirmé le commissaire à l’Emploi et aux Affaires sociales, le tchèque Vladimir Spidla à l’occasion de la présentation de son programme axé sur l’emploi, la lutte contre la pauvreté et la promotion de l’égalité des chances. Ce programme de l’Union européenne est très général. Cependant il tient compte des dernières péripéties concernant la stratégie de la Commission : la semaine dernière, José Manuel Durao Barroso avait présenté son plan de relance de la « stratégie de Lisbonne » concernant la compétitivité de l’Union. En mars 2 000, les dirigeants européens avaient décidé que leur priorité était de faire de l’Europe la région du monde la plus compétitive, à l’horizon 2 010, et sans aucune contrainte.

Protéger le modèle social européen

Les réactions avaient été négatives, notamment de la part du Parlement européen. Un grand groupe politique, le PSE, le groupe des parlementaires socialistes européens, avait déploré « le manque d’équilibre » du projet de la Commission. Les socialistes reprochaient au Président de la Commission de mettre trop l’accent sur les questions économiques et les réformes structurelles au détriment des mesures sociales et environnementales.

De manière symbolique, José Manuel Durao Barroso a montré son intérêt pour le social en assistant à la présentation du Commissaire à l’Emploi et aux Affaires sociales lorsqu’il a dévoilé cet « agenda social » pour les cinq prochaines années. A cette occasion, José Manuel Durao Barroso a affirmé que « l’avenir de l’Union réside non seulement dans la croissance mais dans la protection du modèle social européen ».

Les travailleurs conserveront leurs droits

L’emploi, la réforme des marchés du travail, la lutte contre la pauvreté et la promotion de l’égalité des chances sont donc au cœur du programme social de l’Union. Pour renforcer la mobilité des travailleurs, Bruxelles va faire des propositions afin de s’assurer que ces travailleurs conserveront leurs droits en matière de retraite et de sécurité sociale lorsqu’ils partent travailler dans un autre pays européen que le leur.

Il s’agit d’une réponse aux critiques concernant la libéralisation des services prévue par la directive Bolkestein, du nom du Commissaire qui l’a préparée. Ce texte avait suscité des protestations car là encore, l’ouverture des services a été jugée trop libérale, notamment par la France. Cette nouvelle directive, si elle est appliquée, donnera la priorité au droit social du pays d’origine d’un salarié s’il va travailler dans un autre pays européen. Pour un artisan venant d’Europe de l’Est, le risque serait de rester soumis à la réglementation du travail de son pays d’origine et de ne pas bénéficier d’une législation plus avantageuse dans un pays d’Europe de l’Ouest.

Créer un institut pour l’égalité des sexes

Comme le secteur des services représente plus de la moitié de l’activité économique européenne, la nouvelle directive a donné lieu à controverse. En plus, plusieurs pays dont la France, se sont inquiétés du mauvais effet de cette directive sur l’acceptation de la future Constitution par les opinions publiques, une Constitution, déjà jugée trop libérale. En Allemagne aussi, la Commission a été priée de se concentrer sur ce qu’elle sait le mieux faire c’est-à-dire régler les questions économiques. « Gerhard Schröder ne nous facilite pas la tâche et Jacques Chirac le suit trop au lieu de jouer les médiateurs », a déclaré un commissaire.

La Commission a donc pris le parti de rééquilibrer sa politique en faveur du social. Elle a passé commande de deux « livres verts », l’un sur le vieillissement démographique de l’Europe, l’autre sur le développement du droit du travail. Elle veut créer un institut pour l’égalité des sexes et l’intégration des Roms, une minorité qui représentera dix millions de personnes lorsque la Roumanie et la Bulgarie seront entrés dans l’Union. Plus concrètement, la Commission  a également l’intention d’obliger les employeurs à consulter les syndicats lorsque des restructurations sont envisagées. Cette mesure est déjà prévue dans une directive datant de 1994 qui devrait être révisée.

Les pour et les contre 

La Fédération européenne des employeurs, l’UNICE, souligne que ce nouvel agenda social de la Commission risque « d’aller à l’encontre des objectifs de Lisbonne, consolidation de la croissance et création d’emplois ». L’organisation patronale relève plusieurs « contradictions » susceptibles d’inquiéter les entreprises, notamment sur les points suivants : création de « comités d’entreprise européen », mise en place d’un cadre européen pour les négociations collectives entre partenaires sociaux, harmonisation des règles en matière  de transferts d’entreprise et de licenciements collectifs. Pour sa part, la Confédération européenne des syndicats (CES) a salué le contenu de l’agenda social tout en souhaitant que ce document ne reste pas une « liste de vœux pieux ».

La plate-forme des ONG du secteur social s’est montrée très critique, estimant que l’agenda social ne résiste pas à la nouvelle approche de la stratégie de Lisbonne. L’organisation s’interroge notamment sur la détermination de la Commission à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale : « où est passé l’engagement de l’Union à obtenir une percée décisive menant à l’éradication de la pauvreté à l’horizon 2010 ?», se demande cette plate-forme.  


par Colette  Thomas

Article publié le 10/02/2005 Dernière mise à jour le 10/02/2005 à 17:36 TU