Otages
La France mobilisée pour Florence Aubenas
(Photos: Laurent Guérin, AFP)
Dimanche matin sur une radio parisienne, le Premier ministre, tout en restant sibyllin et déclarant «pour des raisons de sécurité des otages, je ne peux pas vous en dire plus», a exprimé son «espoir», et fait état d’une «accélération des contacts et informations» qui remontent aux autorités sur le sort des otages en Irak, assurant: «Il nous paraît aujourd’hui important d’avoir stabilisé quelques contacts avec les personnes qui, comme nous, souhaitent la libération [des otages]». Jean-Pierre Raffarin s’était, le 3 mars, adressé aux ravisseurs en leur demandant «d’entamer des négociations en vue d’une libération rapide». Excluant toute intervention du député de Seine-et Marne Didier Julia dans cette affaire, le Premier ministre avait appelé les preneurs d’otages à s’adresser «aux seuls services officiels» français.
Dimanche, le directeur de Libération, qui s’était rendu à Bagdad vendredi pour une visite de trois jours, a réitéré l’appel sur les chaînes de télévision irakiennes: «Je veux profiter de ma présence à Bagdad pour lancer aux ravisseurs de Florence Aubenas et de Hussein Hanoun un appel pour qu’ils engagent immédiatement des négociations avec l’ambassade de France (…). Je vous le demande à mon tour. Adressez-vous aux services de l’Etat pour hâter cette issue». Mais le PDG de Libération, a tempéré aujourd’hui les déclarations de Jean-Pierre Raffarin, se montrant beaucoup plus prudent et réservé : «A ma connaissance, il n’y a pas de nouvelle pour l’instant. S’il devait y avoir une très bonne nouvelle, je serais très heureux d’être là pour accueillir Florence, mais il n’y a aucun élément qui nous permette de penser que ça puisse intervenir maintenant (…) rien dans les informations dont nous disposons ne permettait, hier soir, de confirmer que cet espoir se fonde sur des faits tangibles, ou d’envisager avec quelque certitude une résolution rapide de cette prise d’otages ».
Pendant son séjour dans la capitale irakienne, Serge July, a multiplié les démarches. Il a rencontré vendredi la famille de Hussein Hanoun. Il s’est entretenu samedi avec les responsables de l’ambassade de France. dans cette affaire. Et, en attendant la rencontre avec le président Ghazi al-Yaouar et le ministre des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari, il a indiqué avoir rencontré des responsables du comité des oulémas irakiens, la principale association de religieux sunnites en Irak, ainsi que de nombreux directeurs de journaux irakiens, se félicitant qu’ils aient été «nombreux à venir témoigner de leur solidarité». Lors de ces entretiens, le Comité des oulémas a réitéré à Serge July «son optimisme» sur la suite des événements. Toutefois, rien de concret ne permet d’affirmer à cette heure quoique ce soit et, comme le déclarait hier la mère de Florence Aubenas, «si l’espérance est violente, elle doit surtout être patiente».
Sur place, selon les sources gouvernementales, la mobilisation en faveur de la libération des otages s’est intensifiée ces derniers temps. «Nous avons doublé les personnes qui s’occupent du suivi de cette affaire», a déclaré samedi, Valérie Pécresse, porte-parole du gouvernement, ajoutant: «Les choses bougent. Il y a de plus en plus de personnes qui se présentent à l’ambassade de France à Bagdad pour donner des pistes, et un certain nombre de renseignements qui semblent sérieux».
«Aujourd’hui, Florence, tu n’as pas une sœur, tu en as des millions»
En France, les initiatives se sont dernièrement multipliées. Samedi, Valérie Pécresse avait assisté sur le parvis de la Grande halle de la Villette (à Paris), transformé en vaste auditorium à ciel ouvert, à l’opération «Mille fanfares pour Florence», une opération imaginée par le comité de soutien aux otages. La sœur de Florence Aubenas était sur place ainsi que plusieurs responsables politiques dont le premier secrétaire du PS, François Hollande. La correspondante du quotidien Il Manifesto à Paris, Anna-Maria Merlo-Poli, y a lu un message de soutien que Giuliana Sgrena , relâchée la semaine dernière à Bagdad après un mois de captivité en Irak: «Je vous en prie, soyez cléments, comme mes ravisseurs l’ont été envers moi. Libérez-là (…)». Puis, s’adressant à Florence: «Dans ces moments de cauchemar, je voudrais te rassurer, toi et ta famille: pour moi les messages de solidarité ont été utiles. Il en sera de même pour toi, je l’espère de tout mon cœur».
Ailleurs en France, dans quelque 250 à 300 communes rassemblant plusieurs milliers de personnes, les «fanfares, chorales, harmonies, brass band, collectifs sonores, et orchestres ont occupé le pavé, et joué pour le retour de Florence Aubenas et d’Hussein Hanoun», avec l’espoir que la musique franchisse les mers. «Nous allons par les fanfares lui parler, lui dire que nous sommes là pour la soutenir», avait expliqué le père de Florence Aubenas qui s’est dit, devant le succès de l’opération, «touché par cette grande mobilisation en faveur de la liberté».
A Paris, l’Institut du monde arabe avait orné sa façade des deux portraits des otages détenus en Irak à l’occasion de la Journée de la femme, le 8 mars. Une cérémonie avait été organisée au cours de laquelle Sylvie Aubenas, la sœur de Florence, avait prononcé un discours finissant sur ces mots: «Aujourd’hui, Florence, tu n’as pas une sœur, tu en as des millions». La journaliste avait reçu le même jour le soutien de nombreuses femmes célèbres comme l’ancienne ministre Simone Veil, l’écrivaine Carmen Castillo, ancienne détenue au Chili, ou encore l’actrice Isabelle Adjani -qui a lu un message de solidarité écrit par Leïla Chahid, déléguée générale de la Palestine en France.
par Dominique Raizon
Article publié le 14/03/2005 Dernière mise à jour le 14/03/2005 à 16:55 TU