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Kofi Annan partiellement exonéré

Le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. (Photo: AFP)
Le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan.
(Photo: AFP)
Une commission d’enquête dirigée par l’Américain Paul Volcker sur le programme humanitaire irakien pétrole contre nourriture conclut que Kofi Annan n’est pas intervenu pour favoriser l’attribution d’un marché onusien à une entreprise suisse pour laquelle travaillait son fils Kojo. Le secrétaire général de l’ONU n’est toutefois pas sorti d’affaire.

De notre correspondant à New York (Nations unies)

La victoire est amère pour Kofi Annan. Ce même rapport qui l’a lavé des accusations les plus graves à son encontre accable son fils. Flash-back. Fraîchement diplômé d’une université britannique, Kojo Annan est employé en 1995 par une compagnie suisse spécialisée dans les inspections, la Cotecna. Le vice-président de cette entreprise, Michael Wilson, est un vieil ami de la famille Annan. En 1997, Kofi Annan devient secrétaire général de l’organisation. Fin 1998, la Cotecna obtient un juteux contrat dans le cadre du programme humanitaire pétrole contre nourriture, censé atténuer les effets de l’embargo sur le peuple irakien. La question coule de source : Kofi Annan a-t-il abusé de son influence pour favoriser l’employeur de son fils ? Réponse des enquêteurs dirigés par l’ancien patron de la réserve fédérale américaine Paul Volcker : « Il n’y a aucune preuve d’une influence inappropriée du secrétaire général au cours de l’appel d’Offre et de la sélection de la Cotecna en 1998. En se fondant sur les documents et le manque de preuves d’actes inappropriés, la conclusion du comité est que la Cotecna a obtenu l’appel d’offre en 1998 parce qu’elle était la moins chère ». Selon les enquêteurs, Kofi Annan ne savait même pas que la Cotecna tentait d’obtenir un contrat onusien.

Mais en janvier 1999, un article de presse a soulevé l’affaire, évoquant l’emploi de Kojo Annan et des allégations contre la Cotecna, accusée de paiements illégaux à Benazir Bhutto, l’ex-premier ministre pakistanais, pour obtenir un contrat. A l’époque, Kofi Annan avait seulement demandé une enquête informelle. Cette enquête, qui a duré moins de 24 heures, était selon le rapport Volcker « inadéquate ». « Le secrétaire général aurait dû référer la question à l’un des départements de l’ONU appropriés (le bureau des affaires juridiques ou le bureau d’enquête interne) pour une enquête approfondie et indépendante », affirment les enquêteurs selon lesquels une telle investigation aurait probablement conduit à un non renouvellement du contrat de la Cotecna. Kofi Annan a accepté cette critique, tout en défendant ses agissements de l’époque. Il s’est surtout raccroché à la principale conclusion de l’enquête. « Après tant d’allégations fausses et consternantes à mon encontre, cette exonération par la commission d’enquête indépendante est de toute évidence un grand soulagement », a-t-il déclaré à la presse, n’acceptant de répondre qu’à trois questions.

Concernant son fils Kojo, l’affaire est plus sérieuse. La presse américaine a révélé qu’il avait touché de la Cotecna près de 400 000 dollars, dont des paiements effectués longtemps après la fin de son contrat – ces paiements destinés à garantir qu’il ne travail pas pour la concurrence sont légaux au regard de la loi suisse affirme la Cotecna. Le rapport affirme que Kojo Annan, peu coopératif avec les enquêteurs, « a activement participé aux efforts de la Cotecna pour dissimuler la nature réelle et continue avec de sa relation avec lui. Il a intentionnellement trompé le secrétaire général à propos de cette relation financière ininterrompue. Des questions importantes restent sans réponse concernant les agissements de Kojo Annan durant l’automne 1998 de même que sur l’intégrité de ses affaires et de ses transactions financières en lien avec le programme pétrole contre nourriture ».

Un troisième rapport à venir

L’enquête le concernant se poursuit, mais Kofi Annan s’est déjà démarqué de son fils : « Pour des raisons que tout parent comprendra, les moments les plus difficiles pour moi sont ceux lorsqu’il est apparu que mon fils, Kojo, (…) aurait pu me dissimuler une partie de la vérité à propos de ses agissements. La Commission a maintenant rendu son verdict sur ces questions. J’aime mon fils, et j’ai toujours attendu de lui les plus hautes normes d’intégrité. Je suis profondément attristé par les preuves du contraire qui ont émergé, et en particulier par le fait que mon fils n’ait pas pleinement coopéré avec l’enquête. Je l’avais exhorté à coopérer, et l’exhorte à reconsidérer sa position et à coopérer ». Pour leur part, la Cotecna et Kojo Annan affirment toujours n’avoir rien fait d’illégal.

Ce rapport ne met pas un point final à l’affaire « pétrole contre nourriture ». La commission Volcker rendra un troisième rapport, plus global, qui devra déterminer si réellement des milliards de dollars ont été détournés du programme pétrole contre nourriture (le premier rapport avait conclu que le patron du programme humanitaire, Benon Sevan, avait gravement violé les règles éthiques de l’ONU et était soupçonné de corruption). Il reste aussi des zones d’ombres. Pourquoi Kofi Annan a-t-il omis de mentionner aux enquêteurs lors de son premier entretien avec eux qu’il avait rencontré à plusieurs reprises des dirigeants de la Cotecna ? Pourquoi son chef de cabinet de l’époque, Iqbal Riza, a-t-il autorisé la destruction de trois ans d’archives, au moment même où Kofi Annan se préparait à nommer une commission d’enquête indépendante et demandait aux employés de l’ONU de préserver tout document pouvant intéresser les enquêteurs ?

A n’en pas douter, les détracteurs de Kofi Annan trouveront suffisamment d’éléments dans ce rapport pour continuer à réclamer sa démission. Interrogé sur la question de savoir s’il allait jeter l’éponge, Kofi Annan a répondu par un retentissant « Hell no ! » (Diable, non !). Pour la première fois depuis plusieurs mois, il a obtenu un soutien mesuré de Washington et ses collaborateurs le disent entièrement absorbé par son projet de réforme de l’ONU, auquel il entend consacrer les deux dernières années de son mandat.


par Philippe  Bolopion

Article publié le 30/03/2005 Dernière mise à jour le 30/03/2005 à 08:53 TU

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Philippe Bolopion

Correspondant de RFI à l'ONU

«Cela fait des mois que les milieux conservateurs américains s'attaquent à Kofi Annan.»

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