Eglise catholique
Testament de Jean-Paul II : la tentation de la démission
(Photo: AFP)
Le testament laissé par Jean-Paul II sera le seul texte écrit de sa main que le Vatican conservera. Dans ses dernières volontés, le souverain pontife défunt demande, en effet, que toutes ses notes personnelles soient détruites. Comme s’il ne devait rester qu’un ultime message à l’issue de son règne de 26 ans. Ce document est avant tout une réflexion sur la religion et le monde. Si le Pape y aborde le chapitre de ses objets personnels, ce n’est que pour préciser qu’il ne laisse derrière lui «aucun bien matériel» et pour demander que ses «choses d’usage quotidien» soient distribuées «comme il apparaîtra opportun».
Devenu pape en 1978, Jean-Paul II a toujours gardé au fond de son cœur un amour profond pour sa patrie d’origine, la Pologne. Il ne s’en est jamais caché et c’est en raison de cet attachement connu de tous, que des rumeurs ont circulé, dès l’annonce de son décès, concernant une éventuelle inhumation dans son pays natal. Si au bout du compte, le Saint-Père sera enterré, comme le veut la tradition, sous la basilique Saint-Pierre, le testament du Pape confirme qu’il avait sérieusement envisagé, en 1982, d’être inhumé en Pologne. Il a finalement abandonné cette idée, en 1985, en choisissant de laisser les cardinaux décider de son lieu de sépulture.
«Laisse-moi désormais, Seigneur, aller en paix»
Le lent déclin de l’état de santé du Saint-Père, atteint de la maladie de Parkinson qui l’a peu à peu privé de sa capacité à se mouvoir puis à s’exprimer, a souvent aussi amené un certain nombre d’observateurs, voire de membres de l’Eglise, à dire qu’il n’était plus capable d’assumer sa charge et devait donc démissionner. Le testament de Jean-Paul II donne, sur ce point aussi, des éclaircissements. Le Pape s’est posé cette question fondamentale : continuer ou abandonner. Et il a vraiment envisagé de renoncer au moment symbolique du passage d’un siècle à l’autre, en l’an 2000. Déjà affaibli, le souverain pontife s’est interrogé : «Selon les desseins de la providence, il m’a été donné de vivre dans le siècle difficile qui vient de se terminer. Il faut se demander si le temps n’est pas venu de répéter avec Siméon de la Bible +nunc dimitis+ [vous pouvez maintenant me congédier]». Il fait ainsi référence au cantique de la Bible dans lequel le vieux Siméon dit à Dieu : «Laisse-moi désormais, Seigneur, aller en paix». Au terme de cette réflexion, Jean-Paul II a finalement choisi de s’en remettre à la volonté divine, estimant que si Dieu l’avait sauvé, en 1981, de l’attentat dont il avait été victime, cette nouvelle vie «Lui» appartenait «encore davantage» dorénavant. Il explique donc : «J’espère que le Seigneur m’aidera à reconnaître jusqu’à quand je dois continuer ce service auquel il m’a appelé le 16 octobre 1978, je lui demande de vouloir me rappeler quand il le décidera lui-même». Malgré la maladie et la souffrance, il a donc poursuivi sa mission jusqu’au bout de ses forces.
Au cours de son très long pontificat, Jean-Paul II a marqué de son empreinte la doctrine de l’Eglise mais il a aussi participé activement à l’histoire de son temps. Son combat le plus marquant a vraisemblablement été celui qu’il a mené au moment de l’effondrement du communisme. Son action en faveur de la liberté a d’ailleurs été saluée par de nombreux dirigeants internationaux à l’annonce de son décès. Dans son testament, celui qui est né Karol Wojtyla revient sur cette étape de l’histoire qui l’a profondément marqué. Il évoque «la situation tendue et difficile des années 80» qui a changé à partir «de l’automne 89», au début de l’effondrement du bloc de l’Est. Et il conclut : «Grâce à la providence divine, la guerre froide s’est achevée sans un violent conflit nucléaire».
Sur le plan religieux, le Saint-Père encourage en quelque sorte son successeur à poursuivre dans le sens de l’adaptation de l’Eglise au monde moderne, en réaffirmant son attachement au Concile Vatican II. Lors de cette réunion, en effet, une volonté de réforme de l’Eglise avait été manifestée, et l’ouverture, aux autres religions notamment, avait été encouragée. De ce point de vue, le fait qu’au milieu de ses remerciements à tous ceux qui ont collaboré avec lui, il ne cite précisément, sans toutefois le nommer, que le rabbin de Rome [qui l’avait invité à visiter le synagogue de cette ville], est particulièrement significatif.
L’ouverture du testament de Jean-Paul II laisse tout de même une ombre puisqu’il ne contient aucune indication sur l’identité du cardinal «in pectore» [dans le cœur] nommé lors du consistoire de 2003. Depuis le décès du Saint-Père, tout le monde attendait la révélation du nom de ce prélat jusque-là tenu secret. Mais Jean-Paul II ne semble pas avoir donné d’indication de son vivant à l’un de ses proches, ni laissé finalement de mention écrite concernant celui qu’il avait «dans le cœur».
par Valérie Gas
Article publié le 07/04/2005 Dernière mise à jour le 07/04/2005 à 18:34 TU