Droits de l'Homme
Cuba teste ses liens avec l’UE
(Photo : AFP)
Les relations entre l’Union européenne et Cuba, qui ont connu une embellie ces derniers mois, pourraient traverser à nouveau une période de turbulences. Après la levée des sanctions de l’UE contre Cuba et la visite sur l’île le mois dernier de Louis Michel, Commissaire européen au Développement et à l’Aide humanitaire, les deux parties insistaient sur l’importance de maintenir un dialogue constructif. Or, les propos lâchés jeudi par le chef de la diplomatie cubaine, Felipe Perez Roque, ne laissent pas augurer d’un rapprochement. «Le rôle joué par l’Union européenne est pathétique, son attitude a été servile, elle agit avec hypocrisie et son alignement sur les Etats-Unis contre de petits pays comme Cuba est une honte», a déclaré Felipe Perez Roque, en estimant que l’UE avait «repris avec Cuba le chemin de la confrontation au lieu du dialogue».
L’ire du ministre cubain des Affaires étrangères a été déclenchée par l’examen de la votation survenue quelques heures plus tôt au sein de la Commission des droits de l’Homme des Nations unies, qui tient actuellement sa 61e session à Genève. La résolution présentée par les Etats-Unis et co-parrainée par l’Union européenne, qui vise à maintenir la surveillance des libertés fondamentales à Cuba, a été adoptée par 21 pays, parmi lesquels se trouvent huit membres de l’Union européenne et notamment la France. Dix-sept pays ont, eux, choisi de voter contre, tandis que quinze autres se sont abstenus, à l’instar de l’Argentine ou du Brésil. Ce texte prévoit la prolongation le mandat de Christine Chanet, la représentante pour Cuba de la Haute commissaire aux droits de l’Homme, Louise Arbour, afin de déterminer si la Havane applique les recommandations de la Commission des droits de l’Homme.
Des résolutions similaires avaient déjà été adoptées au sein de sessions précédentes de la Commission, celle de l’année dernière pointant notamment les cas des 75 dissidents politiques cubains condamnées à de très lourdes peines de prison en avril 2003. La Havane s’attendait donc à faire l’objet d’une nouvelle condamnation, son représentant au sein de la Commission, Juan Fernandez Palacios, dénonçant même avant de connaître les résultats la «farce de Genève». «Tous ici savent que l’on essaie de stigmatiser Cuba au sein de cette Commission pour sa rébellion irréductible contre l’injuste ordre mondial impérialiste, pour la défense infaillible de notre indépendance et de notre souveraineté, et pour notre décision de suivre notre propre voie en refusant d’accepter des ingérences externes», a déclaré Juan Fernandez Palacios. Et il s’en est également durement pris à une Union européenne «boiteuse et servile» qui ne peut pas développer «une politique indépendante de celle de son allié puissant et redouté».
Cuba sollicite le soutien de l’UE
Ne se contentant pas de critiquer durement l’attitude de la Commission ou celle des Européens, les autorités cubaines ont décidé de lancer une contre-attaque diplomatique en déposant à leur tour un projet de résolution. Celui-ci vise logiquement les Etats-Unis et s’intéresse au fonctionnement de la prison de Guantanamo, un camp situé sur l’île de Cuba dans lesquels sont détenues au secret plusieurs centaines de personnes accusés par les Etats-Unis de se livrer à des activités terroristes. De nombreuses organisations de défense des droits de l’Homme et personnalités politiques se sont déjà élevées contre les conditions de détention de ces prisonniers et ont accusé Washington de bafouer les droits de ces détenus. Et c’est en se basant sur plusieurs de ces condamnations que La Havane demande que la Commission des droits de l’Homme puisse envoyer dans ce centre de détention une mission indépendante chargée d’enquêter sur les dénonciations de torture et de mauvais traitements dont seraient victimes les prisonniers.
Déposé jeudi par les autorités cubaines, ce texte a été enregistré et inscrit à l’ordre du jour de la 61e session se la Commission, le vote de cette résolution devant avoir lieu en fin de semaine prochaine. Tout dépend cependant désormais des autorités cubaines, qui avaient déjà proposé l’année dernière une résolution visant les Etats-Unis avant de se raviser et de la retirer. Le régime de Fidel Castro a en tout cas décidé de mettre à l’épreuve l’Union européenne en lui demandant de co-parrainer le texte cubain. Il ne va également pas manquer de sonder lors des prochains jours les pays européens pour savoir s’ils acceptent de voter en faveur de cette résolution. Si ce n’est pas le cas, les autorités cubaines pourront dénoncer, une nouvelle fois, la politique de «deux poids, deux mesures» dont elles estiment être victimes au sein des différentes organisations internationales. Et l’évolution des relations cubano-européennes risque donc bien de dépendre du résultat de ces intenses tractations diplomatiques qui se déroulent sur fond de lutte pour la défense des droits de l’Homme.
par Olivier Bras
Article publié le 15/04/2005 Dernière mise à jour le 15/04/2005 à 15:40 TU