Eglise catholique
Benoît XVI : continuer ou réformer
(Photo: AFP)
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Benoît XVI n’est pas un pape surprise. Dauphin de Jean-Paul II, puis grand favori avant l’ouverture du conclave, Joseph Ratzinger est finalement devenu pape… presque comme prévu. Attendu, il est aussi connu. Doyen du collège des cardinaux et chef de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il s’est illustré aux côtés de Jean-Paul II comme le champion de l’orthodoxie catholique. Ce qui lui a valu d’être présenté en tant que chef de file des conservateurs au Vatican.
Autant dire que le nouveau souverain pontife est un homme du sérail qui connaît les défis qu’il va devoir relever désormais et qui est conscient de l’enjeu de la succession dont il a hérité. Même si les analystes estiment qu’en choisissant un homme de la Curie déjà âgé de 78 ans, les cardinaux ont, de fait, pris l’option de sacrer un pape de transition susceptible de se placer dans la lignée de son prédécesseur, le premier souverain pontife élu au troisième millénaire ne pourra pas manquer de laisser sa trace sur l’Eglise. Reste à savoir si Benoît XVI campera sur ses positions strictes, en matière de dogme notamment, ou donnera des gages de bonne volonté à tous ceux qui, dans l’Eglise et en-dehors, réclament plus d’ouverture.
Mobiliser les fidèlesL’un des premiers dossiers sur lequel le nouveau pape est attendu concerne l’organisation de l’Eglise. De nombreux évêques catholiques ont exprimé leur désir d’une hiérarchie moins pyramidale et d’une décentralisation. Le cardinal italien Carlo Maria Martini prône, par exemple, le développement de la «collégialité» de manière à donner plus de pouvoir aux Conférences épiscopales. La réforme de l’organisation de la Curie, le gouvernement de l’Eglise, fait aussi partie des questions auxquelles Benoît XVI va devoir réfléchir. Dans un premier temps, il paraît probable que le Pape laissera en place les principaux responsables mais il pourrait ensuite envisager une refonte de l’organigramme du Vatican.
Les premiers signes de l’orientation privilégiée par le pape dans ce domaine sont attendus avec impatience. Car ils donneront aussi des indications sur sa stratégie en matière de remobilisation des fidèles. En Europe notamment. Pape allemand, Benoît XVI se doit de donner un nouvel élan à la foi des catholiques européens qui pratiquent globalement de moins en moins. Le cardinal Ratzinger avait identifié l’origine du mal en déclarant : «Nous sommes passés d’une culture chrétienne à un laïcisme agressif et par moments intolérant». Une tendance contre laquelle il semble vouloir lutter en défendant une «foi adulte» qui ne suit pas «le mouvement des tendances ou les dernières nouveautés», comme il l’a rappelé lors de son homélie pour les funérailles de Jean-Paul II. De la même manière, Benoît XVI aura à relever le défi de la crise des vocations qui se traduit par un déficit croissant de candidats à l’ordination, particulièrement préjudiciable pour l’Eglise catholique.
Ces problèmes sont bien évidemment liés aux prises de position du Vatican sur les grandes questions de société qui ont provoqué, ces dernières années, de nombreux débats. Le célibat des prêtres ou l’ordination des femmes mais aussi le scandale des ecclésiastiques auteurs d’abus sexuels, sont des sujets qui ne manqueront pas de resurgir dans les débats internes de l’Eglise catholique. La recherche sur les cellules souches, l’euthanasie, le mariage homosexuel, l’avortement, la contraception et surtout l’utilisation du préservatif, jusqu’ici condamnés par le pape, font aussi l’objet de nombreuses polémiques. L’intransigeance de Jean-Paul II sur ces questions qui touchent la vie des fidèles, a parfois été mal vécue. Et c’est en fonction des réponses du nouveau pape sur ces sujets délicats que sera jugée la capacité d’adaptation de l’Eglise face à l’évolution des mœurs ou, au contraire, son désir de réaffirmer une foi stricte en tant que repère moral dans un monde jugé trop libéré.
Dialogue inter-religieux et oecuménismeDans la même logique, Benoît XVI va aussi se trouver obliger de gérer le problème de la progression des évangélistes qui chassent sur les terres catholiques. En Amérique latine comme en Afrique ou en Asie, les régions où se trouvent désormais le plus de catholiques, on a assisté ces dernières années à la montée en puissance de ces églises qui prônent une relation directe avec Dieu, ne sont pas dirigées de manière aussi hiérarchique que l’Eglise de Rome et ont su, bien souvent, intégrer les traditions locales. Là aussi se pose la question de la proximité de l’Eglise avec les fidèles et de sa capacité à proposer un rituel qui corresponde aux attentes de ceux à qui il s’adresse. L’avenir de l’Eglise catholique du XXIe siècle ne se joue pas en Europe et à défaut d’avoir envoyé un message en choisissant un pape sud-américain ou africain, le Vatican devra intégrer dans ses réflexions la donnée de la diversité des fidèles et de leurs conditions de vie pour ne pas se déconnecter de sa véritable base.
Le nouveau pape devra, d’autre part, être à la hauteur de son prédécesseur sur le dossier du dialogue inter-religieux. Jean-Paul II a toujours pratiqué la politique de la main tendue avec les représentants des musulmans et des juifs et ses efforts en faveur de la réconciliation resteront comme l’une des principales réussites de son pontificat. L’esprit d’ouverture de Jean-Paul II dans ce domaine a d’ailleurs été salué par les représentants de ces deux grandes religions. La barre est donc fixée très haut pour Benoît XVI. Le nouveau pape le sait et c’est vraisemblablement la raison pour laquelle il a abordé cette question dès sa première homélie, prononcée à la chapelle Sixtine au lendemain de son élection, en promettant de «dialoguer avec ceux qui suivent d’autres religions». Ces paroles auront certainement rassuré ses interlocuteurs qui craignaient un changement trop radical d’orientation du Vatican.
Benoît XVI aura peut-être, en revanche, la possibilité de débloquer certains dossiers sur lesquels Jean-Paul II a buté. Ainsi en est-il des relations avec l’Eglise orthodoxe de Russie qui ont toujours été difficiles mais se sont encore plus dégradées après l’effondrement de l’Empire soviétique. Le patriarche de Moscou Alexis II a toujours repoussé les tentatives de rapprochement de Jean-Paul II, auquel il reprochait de faire du prosélytisme, notamment en Ukraine et en Belarus où les orthodoxes sont traditionnellement dominants. L’établissement par Rome, en 2002, de quatre diocèses permanents en Russie n’a pas arrangé les choses. L’élection d’un nouveau pape à Rome est donc peut-être susceptible de permettre de renouer les liens entre catholiques et orthodoxes. Alexis II a d’ailleurs déclaré avoir l’espoir d’un «dialogue fructueux» avec Benoît XVI.
L’amélioration des relations avec la Chine constitue l’autre dossier majeur sur lequel Jean-Paul II n’a pas réussi à obtenir de résultats. La présence dans ce pays représente un véritable enjeu pour Rome puisqu’on dénombre déjà en Chine 5 millions de catholiques appartenant à l’Eglise officielle, qui n’a pas de relations avec le Vatican, et entre 5 et 10 millions d’autres fidèles membre de l’Eglise clandestine, sur laquelle Rome n’a pas non plus de véritable influence.par Valérie Gas
Article publié le 20/04/2005 Dernière mise à jour le 20/04/2005 à 17:04 TU