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Proche-Orient

Poutine l’équilibriste

Vladimir Poutine a rencontré à Ramallah, le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le 29 avril 2005.(Photo : AFP)
Vladimir Poutine a rencontré à Ramallah, le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le 29 avril 2005.
(Photo : AFP)
Moment de recueillement au mémorial de Yad Vashem dédié aux victimes de l’holocauste à Jérusalem, gerbe de fleurs devant la tombe de l’ancien chef de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat, Vladimir Poutine a multiplié les gestes symboliques pour cette première visite d’un chef du Kremlin au Proche-Orient. Le président russe a, d’une part, cherché à rassurer les autorités israéliennes et, d’autre part, à assurer la nouvelle direction palestinienne du soutien indéfectible de Moscou à sa cause.

L’exercice n’était pas simple pour Vladimir Poutine. Pour cette première visite d’un chef du Kremlin en Israël et dans les Territoires palestiniens, destinée à redonner à Moscou le rôle d’arbitre qui fut le sien durant la guerre froide, le président russe s’est appliqué à ne pas froisser les susceptibilités de ses hôtes. La tâche était, à n’en pas douter, plus délicate en Israël où Vladimir Poutine a tenté de rassurer comme il le pouvait ses interlocuteurs échaudés par la récente décision de Moscou de vendre des missiles antiaériens au régime de Damas et par la coopération nucléaire suivie que la Russie entretient avec le pouvoir iranien. Concernant le volet syrien, le chef du Kremlin a répété que les armes en question ne menaçaient «en aucune façon» le territoire de l’Etat hébreu. Vladimir Poutine s’est même engagé à tout faire pour que ces missiles «ne parviennent pas à des organisations terroristes», comme affirment le redouter les autorités israéliennes.

Sur le très controversé dossier du nucléaire iranien, les propos du président russe condamnant toute tentative de Téhéran de se doter de l’arme atomique n’ont visiblement pas déplu à ses hôtes. «Les Russes se sont aperçus que les Iraniens leur cachaient une partie de leurs projets nucléaires qui risquent de mettre en péril leurs intérêts stratégiques, mais également la partie sud de leur territoire», a confié un responsable israélien qui s’est félicité du récent rapprochement de Moscou des positions européennes et américaines destinées à tenter de freiner les ambitions de Téhéran dans ce domaine. Mais de là à ce que le Kremlin abandonne toute coopération nucléaire avec la République islamique, la route est longue. Vladimir Poutine a en effet réaffirmé à Ramallah, où il s’est rendu à l’issue de sa visite en Israël, que son pays entendait bien poursuivre sa collaboration, certes «à des fins pacifiques», avec l’Iran. «Nous estimons que le peuple iranien a le droit d’acquérir une technologie moderne dans tous les domaines et nous remplirons nos obligations», a-t-il assuré.

Si, sur ces deux dossiers délicats, le chef du Kremlin a eu du mal à convaincre ses interlocuteurs israéliens que la position de Moscou n’était pas dommageable à l’Etat hébreu, il n’a en revanche trouvé aucune peine à les convaincre des avantages d’une coopération dans le domaine de la lutte antiterroriste entre la Russie et Israël. Les deux pays ont en effet signé un accord prévoyant un partage d’informations en temps réel sur d’éventuelles menaces terroristes.

Fin de non recevoir israélienne sur une conférence internationale

Mais Vladimir Poutine n’a, en revanche, pas eu de succès sur le dossier du conflit israélo-palestinien. Sa proposition d’organiser, à Moscou, à l’automne prochain, une conférence internationale a été ni plus ni moins que rejetée par le gouvernement Sharon et par son allié traditionnel américain. Au point que le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov a dû se plier à un délicat exercice de contorsion diplomatique. «Il y a un malentendu. Le président Poutine a proposé la tenue à Moscou d’une réunion d’experts de haut rang dans le cadre du conflit israélien», a-t-il en effet déclaré alors que les propos du chef du Kremlin ne prêtaient a priori à aucune confusion. «Nous proposons une conférence internationale sur la paix au Proche-Orient avec la participation du quartette et de toutes les parties concernées par les négociations», avait-il en effet déclaré au Caire où il avait entamé son voyage dans la région. A Ramallah, où il s’est rendu ce matin, Vladimir Poutine a tenté donc de ménager les susceptibilités des deux parties. «Nous ne renonçons pas à notre proposition d’accueillir une réunion internationale à Moscou à l’automne sur un règlement au Proche-Orient», a-t-il déclaré tout en précisant qu’il ne s’agissait «pas d’un sommet mais d’une réunion d’experts à haut niveau».

Le chef du Kremlin a eu tout autant de succès avec sa proposition de fournir du matériel militaire à l’Autorité palestinienne. «Nous ne permettrons pas que les Palestiniens s'équipent en transports de troupes blindés aussi longtemps qu'ils ne se seront pas décidés à mener une guerre contre le terrorisme», a en effet affirmé un haut responsable israélien peu après que le représentant palestinien à Moscou, Khairi al-Aridi, eut affirmé en début de semaine que la Russie offrirait deux hélicoptères et cinquante transports de troupes à l'Autorité palestinienne à l'occasion de la visite vendredi de Vladimir Poutine à Ramallah. «Un tel matériel ne peut être fourni alors que les réformes des services de sécurité palestiniens n'ont pas vraiment commencé et qu'une partie des membres de ces services sont impliqués à mi-temps dans des activités terroristes», avait ajouté ce responsable.

Cette fermeté affichée par l’Etat hébreu n’a pas empêché le chef du Kremlin de réaffirmer, à Ramallah, que son pays allait contribuer au renforcement des services de sécurité palestiniens avec notamment la livraison d'hélicoptères. Et s’il n’a pas mentionné les blindés, il ne s’est pas privé d’égratigner au passage Israël. «Nous avons conscience, a-t-il dit, que les Palestiniens, afin de faire respecter la loi dans cette région, ont besoin de disposer de toutes les ressources nécessaires et qu'ils n'y parviendront pas avec des cailloux et des lance-pierres. Israël le comprend également». Vladimir Poutine a en outre déclaré que la Russie examinait actuellement plusieurs options pour venir en aide à l’Autorité palestinienne dans le cadre de la restructuration de son économie dévastée par plusieurs années d’Intifada et d’occupation israélienne. A ce sujet, il a appelé l’Etat hébreu à desserrer l’étau sur les Palestiniens en mettant fin aux restrictions sur les déplacements dans les Territoires. Il a également demandé au gouvernement Sharon de respecter ses engagements et de «libérer les prisonniers», comme il s’était engagé à le faire en février dernier lors du sommet de Charm al-Cheikh qui avait officiellement entériné la fin de l’Intifada armée.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 29/04/2005 Dernière mise à jour le 29/04/2005 à 18:01 TU