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Proche-Orient

Bush ferme sur la colonisation

George Bush a fait part à Ariel Sharon de son «<EM>souci de ne pas voir Israël prendre des initiatives qui contredisent ses obligations à l’égard de la Feuille de route».</EM>(Photo : AFP)
George Bush a fait part à Ariel Sharon de son «souci de ne pas voir Israël prendre des initiatives qui contredisent ses obligations à l’égard de la Feuille de route».
(Photo : AFP)
Parrain de la Feuille de route, ce plan de paix international qui prévoit la création à terme d’un Etat palestinien, George Bush a tenu à montrer qu’il ne soutenait pas aveuglément son allié et ami dans la région, Ariel Sharon, et que les Etats-Unis avaient une position équilibrée vis-à-vis de ce conflit. Le président américain a en effet plaidé pour que le plan de désengagement de la bande de Gaza soit conduit en coopération avec la partie palestinienne, le retrait étant à l’origine prévu pour être unilatéral. Et il a surtout mis en garde les autorités israéliennes contre toute nouvelle extension des colonies de Cisjordanie qui serait en contradiction avec la Feuille de route.

A quelques mois de la mise en œuvre de son plan d’évacuation de la bande de Gaza, Ariel Sharon était venu chercher auprès de son allié et «ami» George Bush un soutien à son projet. C’est désormais chose faite. «Je soutiens fermement son initiative courageuse de se retirer de Gaza et d’une partie de la Cisjordanie», a en effet affirmé le président américain qui a aussitôt appelé l’Autorité palestinienne à accepter l’offre du Premier ministre israélien de coordonner l’application de ce plan prévue pour débuter le 20 juillet prochain. Alors que la Maison Blanche avait mal réagi la semaine dernière à l’annonce par Israël de la prochaine construction de 3 500 logements dans la colonie de Maalé Adoumim, George Bush a tenté de présenter sa rencontre avec Ariel Sharon sous le meilleur jour. Il a en effet insisté sur l’amitié qui le liait au chef du gouvernement israélien, rendu hommage à son leadership dans la région, et surtout rappelé que Washington jugeait «irréaliste» d’envisager un retour pour Israël aux frontières de 1949, ce qui signifierait une évacuation des colonies de Cisjordanie.

Mais face aux questions des journalistes, le président américain a dû clarifier sa position sur la colonisation. «J’ai fait part au Premier ministre de mon souci de ne pas voir Israël prendre des initiatives qui contredisent ses obligations à l’égard de la Feuille de route et portent atteinte au statut final des négociations», a-t-il souligné. Et d’ajouter : «en conséquence, Israël doit démanteler ses avant-postes illégaux et implantations de Cisjordanie. Cela signifie donc qu’il ne faut pas étendre les colonies». Jamais George Bush n’avait été aussi clair sur cette épineuse question. Et il faut croire qu’il a su se montrer convaincant avec Ariel Sharon puisque ce dernier s’est montré, une fois n’est pas coutume, particulièrement conciliant sur le sujet. «Je respecterai mon engagement de démanteler les implantations et colonies illégales. Israël respectera également toutes ses obligations à l’égard de la Feuille de route», a-t-il assuré.

Le Premier ministre israélien n’a en revanche rien cédé sur le statut futur des grandes implantations de Cisjordanie, rappelant que son gouvernement les considérait comme partie intégrante du territoire israélien et qu’elles le resteraient dans le cadre d’un accord final sur la création d’un Etat palestinien. Une position que partage visiblement Washington comme ont pu le laisser entendre les déclarations de George Bush. «Les Etats-Unis ne veulent pas préjuger des résultats des négociations sur le statut final. Mais les changements sur le statut final, y compris les grands centres de population israéliens, doivent être pris en compte lors de ces négociations», a-t-il souligné.

Colère et déception des Palestiniens

Les Palestiniens ont immédiatement réagi aux propos du président américain avec une colère teintée de déception, reprochant ouvertement à George Bush de «légitimer» la colonisation. «La position américaine équivaut à déclarer de manière sans équivoque aux Palestiniens que les Etats-Unis continuent de se considérer comme un partenaire pour Israël et ses intérêts plutôt qu'en honnête intermédiaire», a notamment déclaré le ministre Hassan Abou-Libdeh. Plus direct, Nabil Abou Roudaina, le porte-parole de l'Autorité palestinienne, a pour sa part estimé qu’«aucune légitimité ne devrait être donnée à une quelconque activité de colonisation ou à une quelconque implantation existante», tandis qu’un des dirigeants du mouvement radical Hamas, Mouchir al-Masri, soulignait qu’«une fois de plus, les Etats-Unis traitaient de la cause palestinienne avec injustice et un a priori total en faveur de l'ennemi israélien».

La déception palestinienne est d’autant plus grande que le président américain s’est rangé aux côtés d’Ariel Sharon pour exiger du chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qu'il agisse pour faire arrêter les attaques contre des objectifs israéliens et démanteler les groupes armés comme le demande la Feuille de route. La situation sur le terrain s’est en effet considérablement dégradée à la veille de la visite aux Etats-Unis du Premier ministre israélien. A la suite de la mort samedi de trois adolescents palestiniens tombés sous les balles de l'armée israélienne, les groupes radicaux palestiniens ont tiré des dizaines roquettes artisanales sur les colonies israéliennes de la bande de Gaza mettant en péril la trêve fragile en vigueur dans la région depuis trois mois. Ariel Sharon a d’ailleurs saisi l’occasion pour affirmer à l’issue de ses entretiens avec George Bush que «s'il n'y avait pas d'arrêt total des attaques, Israël ne participera pas aux discussions sur la Feuille de route».

Ce brusque regain de tensions sur le terrain, combiné aux divergences qui sont apparues pour la première fois au grand jour entre Ariel Sharon et George Bush, pourrait bien conduire à un engagement plus important de l’administration américaine en faveur d’un règlement du conflit israélo-palestinien. Il semblerait, en effet, que la Maison Blanche ait réalisé que son soutien au désengagement de la bande de Gaza ne suffit plus à maintenir le processus de paix en mouvement. Cette situation pourrait donc bien pousser George Bush à nommer un médiateur dans la région, poste qu’avait occupé Dennis Ross sous le mandat de Bill Clinton.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 12/04/2005 Dernière mise à jour le 12/04/2005 à 14:14 TU