Constitution européenne
Référendum incertain aux Pays-Bas
(photo : AFP)
« Aux 66 000 mots de la Constitution européenne, nous aimerions en ajouter un seul, ‘non’ », proclame pour sa part un groupe se baptisant «Le vote moral». Geert Wilders, un adversaire de l'immigration qui vit sous haute protection après avoir reçu des menaces de mort, a annoncé son intention de distribuer aux électeurs des faux billets d'euros pour les convaincre de voter « non ».
A l’opposé, Wim Duisenberg, ex-gouverneur néerlandais de la Banque centrale européenne, écrit dans un appel publié dans l'Algemeen Dagblad aux frais du gouvernement : « J’ai une certaine expérience de l’Europe. La constitution renforce l’Europe, et par voie de conséquence, les Pays-Bas. ». Le Premier ministre Jan Peter Balkenende a dû livrer une bataille pour tenter de persuader ses concitoyens de ne pas transformer le référendum européen en vote-sanction contre son gouvernement impopulaire.
A en croire les dernières enquêtes d’opinion, 57 % des personnes qui savent ce qu'elles vont voter comptent dire « non » lors de la consultation, contre 43 % qui prévoient de dire « oui ». Le même sondage, il y a trois jours, donnait 60 % d'intentions de vote au « non », contre 40 % au « oui ». Pourtant, bien que largement distancés dans les sondages par le camp du refus, les partisans du « oui » au projet de constitution européenne ont déployé des efforts désespérés pour tenter de convaincre les Néerlandais de ne pas calquer leur comportement sur l'électorat français.
En effet, si comme la France, les Pays-Bas sont un des six pays fondateurs de la Communauté et le soutien à l'idée européenne y est traditionnellement fort, comme dans l'Hexagone, les facteurs politiques et sociaux intérieurs l'ont érodé ces dernières années. Soumis à une cure d’austérité sans précédent, les Néerlandais sont inquiets face à l’immigration et à l’insécurité, combinée à la stagnation économique, à la montée du chômage et à l’austérité budgétaire. Impopulaire, le gouvernement de centre-droit du Premier ministre Jan Peter Balkenende. a donc été contraint de livrer une bataille serrée pour tenter de persuader ses concitoyens de ne pas transformer le référendum européen en vote-sanction contre son gouvernement, de mécontentement contre l'euro ou d'hostilité à la candidature de la Turquie à l'UE.
Au cours de cette dernière journée de campagne, huit ministres du gouvernement Blakenende devaient débattre du contenu du projet de Constitution avec les jeunes dans divers lycées du pays tandis que des députés favorables au « oui » comptaient aller au contact des voyageurs à la gare ferroviaire d'Utrecht. « Les Néerlandais ont le choix entre se plaindre du passé et améliorer l'avenir », a résumé Lousewies van der Laan, numéro deux du parti centriste D66, membre de la coalition au pouvoir. Quant au ministre de l'Economie, Laurens-Jan Brinkhorst, il a balayé d'un revers de main les prédictions pessimistes en affirmant mardi à la télévision que « le seul sondage qui vaille c'est le vote final, qui aura lieu demain ».
« On ne peut pas reconnaître au peuple français… un droit de veto. »
Toujours selon les sondages, les tenants du « oui » redoutaient qu’un rejet de la constitution en France favorise le camp des « non », incitant à l’abstention, une des grandes inconnues de ce scrutin. Classée parmi les capitales « europhiles », La Haye est l’un des plus gros financeurs du budget de l’UE (et même le premier si l’on ramène sa contribution au nombre d’habitants) ainsi qu’un avocat constant du renforcement des politiques communes -qu’il s’agisse de l’euro ou de l’espace Schengen-, ce qui explique l’appel lancé ce week-end en dernier recours par le premier ministre conservateur, Jan Peter Balkenende, qui a cru convaincre les électeurs en les avertissant que la réputation de « champion de l’intégration européenne » des Pays-Bas était « en jeu ». Dans le même temps, de nombreux Néerlandais ont eu le sentiment que l’euro avait contribué au renchérissement du coût de la vie. Dans ce contexte, la crise de confiance vis-à-vis de l’Union européenne n’a cessé de s’aggraver.
Les 25 pays de l’Union doivent ratifier le traité pour qu’il rentre en vigueur. Un « non » aux Pays-Bas enfoncerait aux yeux de nombreux observateurs un clou supplémentaire dans le cercueil du traité constitutionnel européen, ce qui a fait dire au ministre italien des Affaires étrangères, Gianfranco Fini que : « Les peuples ou les parlements qui n’ont pas encore ratifié le traité doivent essayer de le faire. [Et qu’]On ne peut pas reconnaître au peuple français … un droit de veto. ». L’argument a été relayé par la commissaire européenne à la Concurrence, la Néerlandaise Neelie Kroes, qui a appelé les Néerlandais à voter en faveur de la Constitution européenne, dans un entretien publié mardi par le quotidien néerlandais Volkskrant, estimant que la France « n’est pas le patron de l’Union européenne. Tous les pays doivent s’exprimer. Ce serait intéressant si 24 pays étaient pour et un seul contre. ».par Dominique Raizon
Article publié le 31/05/2005 Dernière mise à jour le 01/06/2005 à 10:48 TU