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Haïti

Des Marines en renfort de l’Onu ?

L'insécurité criminelle ou politique ne cesse d'augmenter en Haiti. Depuis un an, quelque 700 personnes ont été tuées dans des actes de violence en Haïti, surtout à Port-au-Prince.(Photo : AFP)
L'insécurité criminelle ou politique ne cesse d'augmenter en Haiti. Depuis un an, quelque 700 personnes ont été tuées dans des actes de violence en Haïti, surtout à Port-au-Prince.
(Photo : AFP)
Banditisme et répression ont fait au moins une vingtaine de morts la semaine dernière dans la capitale. L’insécurité grandit et l’opération de police du 4 juin n’a rien réglé en faisant couler le sang dans les bidonvilles de Port-au-Prince. Le Premier ministre de transition, Gérard Latortue incrimine la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah). Il demande que son mandat soit renforcé et que les casques bleus soient redéployés dans les quartiers sensibles. Divisé, le Conseil de sécurité s’est donné jusqu’au 24 juin pour trancher. Washington s’interroge sur l’opportunité d’envoyer des Marines en renfort des casques bleus pour garantir la sécurité des élections prévues à la fin de l’année.

(Carte : DK/RFI)
Depuis février 1993, soldats américains et casques bleus se sont succédé en Haïti, sans jamais parvenir à résorber la sanglante instabilité engendrée par les affrontements récurrents entre milices politiques adverses. La violence n’a pas cessé avec le départ en exil, le 29 février 2004, du président déchu, Jean-Bertrand Aristide. En juin 2004, l’Onu a entrepris de sécuriser la normalisation politique promise par les signataires d’un «Pacte de transition» chargé de conduire le pays à des élections. Des municipales sont en effet programmées le 9 octobre prochain, avant les deux tours des élections législatives et présidentielle, les 13 novembre et 18 décembre 2005. Le parti Lavalas d’Aristide ayant dénoncé ce pacte, le gouvernement Latortue impute à ses partisans les assassinats, enlèvements avec demande de rançon et autres actes de banditisme armé qui se multiplient.

Casques bleus sur la défensive

Quelque 700 morts ont été recensés depuis le déploiement des 6 700 casques bleus et des 1 622 policiers internationaux chargés d’aider Haïti à trouver la stabilité.Mais les armes continuent à circuler et la semaine passée a été tout particulièrement sanglante. Le bilan de la répression policière à Bel-Air reste encore à vérifier : de quatre à dix-huit morts selon les sources, une dizaine de maisons brûlées et beaucoup d’autres dévastées dans ce quartier de quelque 300 000 habitants, fief des partisans d’Aristide. L’opération se voulait une riposte à une attaque perpétrée le 31 mai contre un marché et un commissariat, au centre de la capitale. L’assaut raté avait fait dix morts, des civils, comme souvent. Le même jour, un consul honoraire français avait été tué par balles, près de l'aéroport. Cette semaine noire avait en outre vu des enlèvements en série, à Port-au-Prince (une quinzaine, dont huit dans la seule journée de vendredi). Ces derniers mois, cette pratique est en effet devenue «monnaie courante», si l’on ose dire. «La bourse ou la vie !» C’est de plus en plus souvent ce que réclament les rançonneurs qui s’attaquent aux commerçants, aux petits notables de quartiers, mais aussi aux simples citoyens.

Dans les jours qui viennent, un bataillon de casques bleus devrait quitter Jacmel, au Sud, pour Port-au-Prince, portant à environ 2 000 hommes les effectifs de l’Onu dans la seule capitale. Plus largement, le secrétaire général de l’Onu, Koffi Annan, plaide en faveur d’un renforcement des troupes de la Minustah «par 800 militaires et 275 policiers supplémentaires et la prorogation du mandat de la mission pour une période de 12 mois». Il n’a pas eu gain de cause mardi dernier, le Conseil de sécurité renvoyant la question au 24 juin. Il temporise face à la Chine qui lui demande de ne pas jouer les prolongations au-delà de six mois. Pékin s’irrite en effet du projet de visite à Taïwan programmé en juillet par le président haïtien par intérim, Boniface Alexandre, en mal de finance.

Pour l’heure, la Minustah et son commandant brésilien, le général Augusto Heleno Ribeiro, sont sur la défensive. Le 1er juin, dans un point sur ses «nouvelles dispositions prises contre la recrudescence de l’insécurité dans le pays», le commandement des casques bleus a annoncé le renforcement «des secteurs de Cité Militaire et Pelé par des troupes péruviennes et argentines suite à l’accroissement des activités criminelles dans cette zone». «La brigade brésilienne maintient la coordination de ses actions avec la police nationale d’Haïti (PNH), en ce qui concerne la gestion des enlèvements», ajoute le communiqué tandis que sur le même sujet, le porte-parole de la police civile internationale de la Minustah annonce «la mise sur pied, conjointement avec la PNH, de cellules d’enquêtes chargées, entre autres, de collecter des informations auprès de la population».

Dans une sorte de méthode Coué, la Ministah se félicite de ses «progrès vers la création de conditions propres à permettre la transition politique, notamment pour ce qui est du processus électoral et de désarmement, ainsi que du dialogue national». Le Premier ministre de transition, Gérard Latortue, est convaincu du contraire. «Nous ne pouvons pas avoir toutes ces troupes dans le pays et assister à la dégradation de la situation», se plaint-il. Il demande à la Minustah d’assurer une permanence dans «les quartiers chauds» de la capitale et de sécuriser ses commissariats de police.

Trop de milices

Pressée de questions par la presse, la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice répond au Miami Herald qu’il faut «examiner sérieusement si l'organisation des forces [en Haïti] est adéquate». Elle s’interroge sur le «besoin de plus d'aide pour les élections» haïtiennes de la fin de l’année. A ce sujet, Condoleeza Rice s’appuie sur l’exemple de la présence militaire américaine en Irak. Pour sa part, l’éditorial dominical du Washington Post accuse l’Onu d’avoir échoué dans sa mission de stabilisation, sans autre forme de procès. Selon le quotidien, l’ambassade américaine en Haïti aurait même déjà suggéré à l’administration Bush d’envoyer quelques centaines de Marines pour «une nouvelle opération de secours».

«Aujourd'hui, il y a trop de voix, y compris trop de voix du passé, qui essaient de déstabiliser le pays et il y a toujours trop de milices en Haïti», estime Condoleezza Rice. Elle ajoute que seule «l'autorité de l'Etat peut avoir le monopole de la force». C’est aussi l’avis du gouvernement Latortue mais nont point bien sûr celui des partisans d’Aristide. Le premier reproche à la Minustah de ne rien faire contre l’insécurité. Les seconds l’accusent au contraire d’avoir laissé la police gouvernementale sévir à Bel-Air. Des tracts anonymes accusent nommément le général brésilien d’un «Heleno = insécurité». Le chef de la diplomatie brésilienne, Celso Amorim, s’en est ému dimanche. Au passage, il a mis au défi Washington d’envoyer des Marines pour prêter main forte aux casques bleus. «Les Américains sont-ils prêts à y aller ? Pourquoi devrions-nous y être opposés ? C'est une force internationale, sous la direction de l'Onu», a lancé le ministre brésilien.


par Monique  Mas

Article publié le 06/06/2005 Dernière mise à jour le 06/06/2005 à 17:04 TU

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Charles Baker

Membre fondateur du groupe des 184 (un mouvement qui milite pour la démocratie en Haiti)

«On a peur qu'on puisse aboutir à une guerre civile.»

Charles Baker

Membre fondateur du groupe des 184 (un mouvement qui milite pour la démocratie en Haiti)

«En général ils opèrent en uniforme de police nationale.»

Robert Philome

Journaliste haitien

«Il y a des indices clairs comme quoi l’ancien président Aristide pourrait être en train de soutenir ces mouvements.»

Michèle Gayral

Journaliste à RFI

«Les circonstances de l’attaque mortelle du consul honoraire de France restent encore confuses…»

Catherine Monnet

Journaliste à RFI

«Il y a un an Haïti était un régime dictatorial, aujourd’hui est un régime de transition qui ne montre aucune velléité de s’accrocher au pouvoir et qui tente de faire ce qu’il peut avec les faibles moyens qu’il a.»

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