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Bolivie

Le président Mesa annonce sa démission

Le président bolivien renonce à son poste en raison de l'agitation sociale qui secoue le pays depuis deux semaines.(Photo : AFP)
Le président bolivien renonce à son poste en raison de l'agitation sociale qui secoue le pays depuis deux semaines.
(Photo : AFP)
Face à une situation qui échappe au contrôle des autorités après plusieurs semaines de très vives manifestations en faveur de la nationalisation des hydrocarbures, le président Carlos Mesa a annoncé sa démission la nuit dernière, lors d’un message radio-télévisé.

Les informations en provenance de La Paz indique que la tension était retombée après le message radio-télévisé du président bolivien, annonçant qu’il quittait ses fonctions après vingt mois passés à la tête du pays. « Il en va de ma responsabilité de dire que je suis arrivé aussi loin que je le pouvais », a déclaré Carlos Mesa dans un message radiotélévisé prononcé dans la nuit de lundi à mardi. Mardi, les transports en commun de La Paz étaient bloqués par un mot d’ordre syndical de grève illimitée et l’activité était réduite en raison des risques d’incidents.

La démission de M. Mesa s’inscrit dans un contexte ancien de très vive agitation liée au dossier de l’exploitation du gaz bolivien qui continue de dominer l’actualité socio-économique du pays depuis la chute et le départ précipité en exil de son prédécesseur, en 2003, après plusieurs semaines de violences. Depuis le 17 mai, date de l’adoption d’une nouvelle loi sur les hydrocarbures jugée insuffisante par l’opposition, les manifestations se succèdent pour en exiger la nationalisation. La Bolivie détient les plus grosses réserves sud-américaines de gaz après le Venezuela. Ce secteur avait été presque entièrement privatisé en 1997 et l’exploration et l’exploitation confiées à des multinationales étrangères (l’espagnole Repsol, la brésilienne Petrobras et la française Total, notamment). L’opposition estime que l’essentiel des revenus de la richesse nationale échappent ainsi à la politique de réduction de la pauvreté, qui affecte 70% de la population.

Seconde démission en trois mois

Sept des neuf départements du pays sont concernés par les conséquences du mouvement de protestations principalement conduit par le chef de l’opposition, Evo Morales, la puissante fédération des comités de quartiers de la banlieue de El Alto, où se concentrent les fractions les plus défavorisées de la population de la Paz. Au cours de ces derniers jours, les manifestants avaient érigé des barrages dans tout le pays. Selon les informations de l’AFP, les aliments et le carburant commencent à manquer dans la capitale gouvernementale où les autorités indiquent qu’elles font face à une situation qu’elles ne contrôlent pas totalement. L’armée, dont le chef d’état-major a rappelé sa fidélité à la démocratie, a été déployée sur l’aéroport de La Paz. Appelée enfin à la rescousse, l’église n’a pas été en mesure de renouer les fils du dialogue.

Lundi, plusieurs dizaines de milliers de manifestants avaient déferlé sur le centre historique de la capitale, proche de la présidence et du parlement, provoquant l’évacuation précipité du président et de ses collaborateurs. De retour au palais présidentiel, deux heures plus tard, Carlos Mesa a donc tiré les conséquences de son incapacité à gouverner dans ces conditions et annoncé sa décision. C’est la seconde fois en trois mois qu’il présente sa démission. Le 7 mars, en effet, confronté aux même revendications, le président avait annoncé sa décision de quitter ses fonctions. Le 8, le Congrès, à l’unanimité, avait refusé sa démission.

Les tentations autonomistes

L’opposition demeure dubitative face à l’annonce du président Mesa. Le chef de l’opposition Evo Morales déclare que, pour prendre tout son sens constitutionnel, cette déclaration doit être accompagnée de la démission simultanée des présidents du sénat et de la chambre des députés, tandis que « le président de la Cour suprême doit assumer le pouvoir et convoquer une présidentielle avant la fin de l’année ». Pour sa part le leader de la fédération des mineurs de Bolivie, Miguel Zubieta, estime que cette démission ne règle rien.

Face à cette instabilité persistante qui fragilise les institutions, apparaît un mouvement centrifuge qui entraîne les provinces les plus prospères de l’ouest et du sud vers des tentations autonomistes. Certaines ont d’ores et déjà convoqué un référendum pour la mi-août. Cette hypothèse est vivement combattue par les leaders du mouvement de protestation en cours qui, plutôt que de déstabiliser le pouvoir et rechercher le départ de M. Mesa, entendent davantage le faire plier et l’amener à satisfaire leurs revendications : nationaliser les ressources du pays et réunir une assemblée constituante capable d’entraver les velléités régionalistes émergeantes.


par Georges  Abou

Article publié le 07/06/2005 Dernière mise à jour le 07/06/2005 à 17:48 TU

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Michèle Gayral

Journaliste au service international de RFI

«Carlos Mesa était de plus en plus isolé et impuissant face à la rue et à des politiciens peu scrupuleux. »

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