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Burundi

Législatives : les ex-rebelles triomphent

Mardi 5 juillet : les partisans du FDD-CNDD célèbrent la victoire de leur parti aux élections législatives.(Photo : AFP)
Mardi 5 juillet : les partisans du FDD-CNDD célèbrent la victoire de leur parti aux élections législatives.
(Photo : AFP)
Selon les résultats recueillis par l’Onu, mardi, la branche politique des anciens rebelles des Forces pour la défense de la démocratie (FDD) remporte haut la main les élections législatives de lundi. Le Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD), issu de la majorité hutue, obtient 58,23% des suffrages. Il devance le parti présidentiel sortant, le Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu), lui aussi issu de la majorité hutu, qui réunit 22,33% de l’électorat. L’Union pour le progrès national (Uprona), qui engrange les votes de la minorité tutsie, totalise 7,3% des suffrages. Le taux de participation s’élève à 73,78%.

Après sa victoire aux élections communales du 3 juin, c’est un doublé pour le CNDD, confirmé comme le premier parti politique du Burundi issu de la transition. Il obtient la majorité absolue des sièges à l'Assemblée nationale, avec 59 députés élus sur 100. Les ex-rebelles recueillent incontestablement les dividendes d’une campagne qu’ils ont voulu rassurantes pour l’ensemble des composantes de la société burundaise, saignée par 12 années de guerre civile et toujours marquée par ses tropismes communautaires. Mardi, le CNDD a réaffirmé sa volonté de «ne pas gouverner seul». C’est conforme à la constitution du pays qui introduit une indéniable dimension ethnique dans la gestion des affaires publique, que ce soit en terme de représentations législative, exécutive, administrative et militaire. Mais, outre ces garde-fous institutionnels, le CNDD veut également incarner un rôle de rassembleur de la nation et se retrouve aujourd’hui porteur d’une lourde responsabilité : celle de confirmer que le pays est définitivement engagé dans un processus politique, exclusif des armes, fraîchement déposées en 2003.

Mardi, l’ancien président Pierre Buyoya, membre influent du «parti tutsi» Uprona et auteur de deux coups d’Etat, a invité ses concitoyens (14% de la population) à ne pas céder à la crainte. «Il faut accepter le résultat des élections démocratiques, il faut éviter de sonner les cloches de la peur et faire confiance à ceux qui ont gagné», déclarait-il à l’AFP, tout en se félicitant du résultat de sa propre formation, «score honorable dans le contexte électoral actuel marqué par une forte ethnicité». Dans ce contexte, les commentaires sur la campagne ethnique du parti présidentiel sortant Frodebu n’ont pas rallié le capital électoral convoité.

La conquête pacifique du pouvoir est une option payante

Selon le major Buyoya, peu suspect de sympathie ni de complaisance à l’égard des ex-rebelles hutus, «si dans cinq ans on a encore une élection comme celle-ci dans la paix et le calme, on pourra dire que le processus de paix a réussi». L’élection présidentielle de 2010, au suffrage universelle directe, marquera en effet l’ultime étape du processus, entamé en 1998 sous l’égide du Tanzanien Julius Nyerere et finalisé avec le Sud-Africain Nelson Mandela en 2000, après la disparition du premier. En attendant, l’élection du président aura lieu par voie parlementaire, le 19 août prochain. Le candidat du CNDD part évidemment favori.

Les législatives du 4 juillet se sont déroulées sans incident, mais sous haute surveillance pour prévenir les attaques qui avaient émaillé le scrutin du 3 juin. L’armée et la police ont été très visibles et quelque 2 500 casques bleus de l’Opération des Nations unies au Burundi (Onub) ont participé à la surveillance du scrutin. Il y avait eu jusqu’à sept mouvements rebelles actifs au Burundi depuis le déclenchement de la guerre civile, en 1993. Il n’en subsiste plus qu’un, les Forces nationales de libération, dont la vocation, de l’avis général est de déposer les armes tôt ou tard et de rejoindre le processus politique, dès que l’occasion lui en sera donnée.

«Le Burundi aura valeur d'exemple»

En tout état de cause, le retour au jeu civil des acteurs de la crise burundaise ne lui laisse aucune marge de manœuvre. La forte participation des Burundais aux rendez-vous électoraux de ces deux derniers mois confirme leur rejet des aventures militaires. Et la transformation de la principale composante rebelle hutue en parti de gouvernement a balayé l’argument de la domination tutsie sur la vie politique du pays et confirmé que la stratégie de conquête pacifique du pouvoir est une option payante.

Mercredi, le président Domitien Ndayizeye a appelé les partis à «accepter la volonté du peuple» et félicité le CNDD pour sa victoire. «Je l’invite à diriger le pays pour le bien de tous les Burundais, ceux qui l’ont élu et ceux qui ne l’ont pas élu», a déclaré M. Ndayizeye. La Mission d’observation électorale de l’Union européenne «a constaté que l’organisation du scrutin législatif de lundi (…) a permis l’expression du suffrage universel». «Nous avons assisté à un scrutin réussi, marginalement troublé», a précisé le chef de la mission, Alain Hutchinson. L’Union africaine estime que le Burundi «aura valeur d’exemple pour le reste des pays en situation de conflit en Afrique».


par Georges  Abou

Article publié le 06/07/2005 Dernière mise à jour le 06/07/2005 à 15:37 TU