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Soudan

John Garang prête serment à Khartoum

L'ex-chef des rebelles sudistes, John Garang, regagne Khartoum ce vendredi 8 juillet pour prêter serment en tant que le premier vice-président du Soudan.(Photo : AFP)
L'ex-chef des rebelles sudistes, John Garang, regagne Khartoum ce vendredi 8 juillet pour prêter serment en tant que le premier vice-président du Soudan.
(Photo : AFP)

Le 8 juillet, le chef de l’ex-rébellion du Sud animiste et chrétien, le sexagénaire John Garang, revient pour la première fois depuis 22 ans dans la capitale où règne le régime militaro-islamique du général-président Omar al-Béchir. Conformément aux accords de paix signé en janvier par les anciens belligérants, John Garang prêtera serment le 9 juillet comme vice-président. Pour accéder aux allées du pouvoir qu’il va désormais partager avec al-Béchir, Garang a dû abandonner ses galons de colonel. Sitôt investi, il regagnera le Sud pour livrer bataille à la misère, un combat décisif pour sauver la paix en attendant que les Sudistes se prononcent pour ou contre leur maintien dans la confédération, dans six ans.


(Carte : N.Guillemot/RFI)
Selon la Constitution de transition adoptée mercredi, son Mouvement de libération du peuple soudanais (SPLM) reconverti en parti politique occupera 28% des fauteuils du Parlement et du gouvernement. 52% iront au Congrès national d’al-Béchir, 14% à l’opposition du Nord et 6% à celle du Sud. Mais des élections auront lieu à la fin de la quatrième année de la transition. D’ici là, l’ancien étudiant en économie, John Garang, devra faire ses preuves à Juba, en partenariat avec al-Béchir qui devra séduire les Sudistes pour éviter la scission. Né en 1945 dans la cité soudanaise du sud nilotique, Bor, le Dinka John Garang a commencé ses classes sous la férule britannique avant de les achever dans les écoles civiles et militaires des Etats-Unis. Entre temps, il apprend en effet le métier des armes sur le tas. Inscrit en économie dans l’Iowa, John Garang entre dans les rangs des révoltés Anyaya en 1970. Deux ans et un accord de paix plus tard, il intègre l’armée régulière avec un rang de colonel et une formation militaire, dans l'infanterie américaine, à Fort Benning, en Georgie. En septembre 1983, il déserte dans sa bonne ville de Bor où le général Jaafar Nimeyri a envoyé l’armée réprimer les mécontents de sa loi islamique. Le bataillon commandé par John Garang en 1970, le 105ème, sera le noyau dur de son Armée populaire de libération du Soudan (APLS).

Avant d’arriver à Khartoum, John Garang aura dû guerroyer mais aussi essuyer la concurrence, celle de Riek Machar en particulier, en 1991, lorsque la rébellion sudiste se fracture entre Dinkas et Nouers. Et cela au moment où l’APLS en est réduite à la défensive sur la mince bande de terre frontalière où les milices du général al-Béchir l’ont confinée. Mais au tournant du siècle, les inquiétudes américaines suscitées par le régime islamiste et les amitiés évangélistes que les chrétiens du Sud Soudan partagent avec George Bush seront sa planche de salut. Depuis lors, Washington n’a pas cessé de peser sur Khartoum pour arracher l’accord de paix au militaire de carrière nordiste, Omar al-Béchir. Le 9 janvier dernier, ce dernier n’a pas hésité à se lancer dans une danse frénétique pour célébrer la fin de la guerre au milieu d’une foule de sympathisant. Mais lorsqu’il quitte la blanche abacha et le turban pour revêtir l’uniforme, le général al-Béchir met en œuvre son nationalisme sourcilleux avec la rigueur militaire mâtinée de charia d’un redoutable «homme des casernes» (comme l’a rebaptisé l’opposition). Garang et al-Béchir devront en tout cas accommoder leurs ambitions respectives autour du pactole pétrolier qui devrait les tenir à distance, dans leurs zones de souveraineté respectives.

Le Sud, un Etat dans l'Etat

La guerre a fait plus d'un million et demi de morts et près de quatre millions de déplacés. Avant même d’être complètement éteinte entre le Nord et le Sud, elle est repartie à l’Est et à l’Ouest, au Darfour notamment où la perspective du partage du pouvoir a fait se lever des revendications en 2003. La transition fixée à six ans menace fort de n’être qu’un répit car tout donne à penser que le Sud aujourd’hui autonome souhaitera se détacher d’un Nord qui tient en revanche très fort à son dominium sur l’ensemble du territoire. En attendant, outre ses propres gouvernement et Parlement semi-autonomes, sa Constitution, son armée, ses banques et ses tribunaux, le Sud pourra chanter son hymne «national» et saluer un drapeau à ses couleurs. «Il sera un Etat dans l'Etat» et comme le dit aujourd’hui John Garang (moins partisan d’un Soudan unitaire aujourd’hui qu’hier), «il revient aux gens du Nord de relever le défi». Lui-même n’a sans doute guère envie de rester trop longtemps «gouverneur» de Juba, en quelque sorte. Quoi qu’il en soit, Khartoum devra faire ses preuves, en reconstruisant des régions méridionales ruinées par deux décennies de guerre, mais aussi en donnant des gages sur ses bonnes intentions confessionnelles et relationnelles aux populations noires.

Al-Béchir et Garang devront aussi faire place aux laissés-pour-compte de l’accord de janvier. Et ce n’est pas vraiment dans leurs habitudes. En juin, le plus ancien groupe de partis d’opposition – la plupart en exil – a signé un accord de «réconciliation» avec Khartoum qui ne lui offre qu’une toute petite participation au gouvernement de transition. Pour sa part, l’ancien mentor d’al-Béchir, l’islamiste Hassan Tourabi est monté au créneau dès sa libération, le 30 juin dernier, pour contester le partage du pouvoir et la Constitution issue des négociations entre les anciens belligérants. A la tête de la Coalition des forces nationales (CFN) qui réunit quatorze partis, Hassan Tourabi entend faire pièce à l’ADN et du même coup prendre al-Béchir en étau. En intégrant son Oumma dans la CFN, il s’est rabiboché avec l'ancien Premier ministre Sadek al-Mahdi, dont la confrérie des Mahdia s’enracine dans le Darfour et le Kordofan, à l'Ouest, nouvelle zone de turbulences. Tourabi et al-Mahdi feront bande à part samedi, jour d’entrée en vigueur de la Constitution de transition. En même temps, Tourabi réaffirme son alliance avec John Garang. «Nous sommes encore liés par les accords passés avec le SPLM et nous allons oeuvrer au renforcement de nos rapports bilatéraux pour consolider la paix et établir la liberté et la démocratie, en vue de réaliser une unité volontaire» entre le Sud et le Nord, assure-t-il. Et cela, contre al-Béchir bien entendu. En revanche, rien ne dit que le vice-président Garang ait beaucoup de raisons aujourd’hui d’écouter la sirène Tourabi.

A Khartoum, Garang était attendu vendredi «comme un leader soudanais et non comme un leader sudiste», non sans lustre musical mais avec «un accueil officiel limité», à l’aéroport. Une centaine de prisonniers de guerre libéré à Juba l’ont précédé mercredi à Khartoum. Outre le secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, une douzaine de chefs d'Etat et de gouvernement (en provenance pour la plupart des pays voisins) ont promis de venir samedi assister à la cérémonie de prestation de serment de John Garang. En même temps, des prisonniers politiques devraient être libérés par Khartoum et l’état d'urgence levé sur l’ensemble du territoire soudanais.


par Monique  Mas

Article publié le 08/07/2005 Dernière mise à jour le 08/07/2005 à 16:54 TU

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