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Colombie

Guerre des gangs et attaques de la guérilla

Un policier colombien fouille les décombres d'une maison après l'explosion d'une bombe posée par les FARC, le 3 juillet à Caldo.(Photo: AFP)
Un policier colombien fouille les décombres d'une maison après l'explosion d'une bombe posée par les FARC, le 3 juillet à Caldo.
(Photo: AFP)
Sept hommes ont été abattus à Buenaventura, principal port de la côte pacifique colombienne, théâtre d’affrontements sanglants entre milices armées et cartels de la drogue. Dans le sud du pays, 5 autres personnes étaient tuées par la guérilla marxiste des FARC. Une situation critique à moins d’un an des prochaines élections.

De notre correspondante à Bogota

Les habitants de Buenaventura, à 350 kilomètres au sud-ouest de Bogota, vivent depuis des mois dans la terreur. Samedi vers 20 heures, profitant de l’obscurité, 16 hommes en uniforme sont arrivés en hors-bord dans un des secteurs pauvres de la ville. Liste en main, ils ont cherché et abattu leurs victimes, dans leur grande majorité des journaliers qui travaillaient sur le port.

Cette tuerie survient trois mois après l’exécution de 12 jeunes, dont les corps avaient été retrouvés mutilés, le 19 avril, à proximité de la ville. Selon le récit fait alors par leurs proches, des hommes avaient parcouru leur quartier en camionnette pour les inviter à participer à un match de football, avant de les tuer. Depuis le début de l’année, 134 personnes ont été assassinées, ce qui fait de Buenaventura l’une des villes des plus violentes du pays.

Selon les autorités, ces meurtres seraient la conséquence d’une guerre entre les narcotrafiquants de la région : les puissants cartels du Nord du Valle, qui opèrent autour de Cali et qui exporteraient, via le Pacifique et les Caraïbes, plus de la moitié des 500 tonnes de cocaïne produites chaque année en Colombie. La guerre entre les deux principaux caïds, Wilmer Varela et Diego Montoya, recherchés par les Etats-Unis, a mis à feu et à sang le département depuis début 2004.

Or, à Buenaventura, port de passage de la poudre, la misère a poussé beaucoup de jeunes à s’engager dans les armées privées des cartels, associées aux escadrons paramilitaires des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), premiers trafiquants de drogue du pays. La démobilisation de ces armées privées depuis bientôt deux ans n’aura pas eu les effets escomptés par le gouvernement : le trafic de cocaïne continue, les règlements de comptes entre clans se multiplient, et la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, 17 000 hommes), également présente dans la zone, serait selon la police en train de liquider d’anciens paramilitaires. À Buenaventura, au moins 13 des combattants démobilisés ont été tués.

L’apathie des autorités

Face à cette situation, les organisations locales de défense des droits de l’Homme dénoncent l’apathie des autorités. «Nous savions qu’il y aurait à nouveau des morts depuis au moins deux semaines», rappelait dimanche un habitant, sous couvert d’anonymat. Pourtant, rien n’aura été fait pour l’éviter, et ni le couvre-feu imposé sur les quartiers pauvres aussitôt la nuit tombée, ni le renforcement des rondes policières n’auront permis d’arrêter 16 hommes armés samedi soir.

Dans une autre région du pays, le Huila, au sud de Bogota, la guérilla des FARC a visé dimanche les conseillers municipaux de la petite ville de Campoalegre et leur famille attablés à un restaurant. Quatre personnes ont été tuées. Depuis 2004, les élus faisaient l’objet de menaces venant du groupe marxiste, et le 24 mai déjà 5 conseillers municipaux d’une ville voisine avaient été tués en pleine réunion.

Les FARC accusent ces élus de représenter les intérêts de l’Etat, lancé dans une offensive sans précédents contre leurs troupes depuis mars 2004 dans la région, un de leur fief, où se sont tenus jusqu’en février 2002 des dialogues de paix avec le gouvernement. Quelques mois après la rupture des pourparlers, les FARC avaient exigé la démission de tous les maires et conseillers, les menaçant de mort s’ils n’obéissaient pas.

Cette dernière attaque est une nouvelle démonstration de force des guérilleros, à moins d’un an des prochaines élections présidentielles, qui pourraient permettre à l’actuel président Alvaro Uribe, en visite ces jours-ci en Espagne, de briguer un deuxième mandat. Une façon pour la guérilla de réaffirmer sa présence et de rappeler que la guerre, commencée il y a 40 ans en Colombie, risque de durer encore longtemps.


par Zoe  Beri

Article publié le 12/07/2005 Dernière mise à jour le 12/07/2005 à 11:06 TU