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Grande-Bretagne

L’inquiétude des musulmans de Londres

Le malaise est de plus en plus perceptible au sein de la communauté musulmane en Grande-Bretagne, et notamment à Londres. Déjà inquiets des répercussions des attentats terroristes perpétrés au nom de l’islam sur leur importante communauté, de nombreux musulmans sont depuis vendredi dernier en colère après la mort d’un ressortissant brésilien abattu par erreur dans le métro par la police qui croyait avoir affaire à un kamikaze...

De notre correspondante à Londres

Le choc est en effet brutal. «Nous recevons de nombreux appels de musulmans qui sont affligés de ce qui pourrait être un permis de tuer», a expliqué Sir Iqbal Sacranie, secrétaire général du Conseil musulman de Grande-Bretagne, avant d’ajouter: «Il est absolument vital que le plus grand soin soit pris pour garantir que des innocents ne soient pas tués par excès de zèle». Même stupeur du côté de l'Association musulmane, dont le porte-parole Azzam Tamimi a estimé que «donner l'autorisation de tuer ainsi quelqu'un sur la base du soupçon est effrayant; le problème dans ce cas particulier est que la personne semble être de couleur, semble être de type pakistanais. Il peut être maintenant de toute religion, de toute origine ou région. Cela va susciter une grande anxiété, une grande inquiétude»...

Azzam Tamimi va d’ailleurs plus loin et demande à la police de revoir ses procédures. «Il est important que les jeunes hommes asiatiques ne se sentent pas menacés quand ils sont dans la rue et qu’ils n’aient pas l’impression qu’il existe ici une culture de la gâchette facile», ajoute pour sa part Shami Chakrabarti, directrice de l'association Liberty, une organisation de défense des droits civils, qui demande l'ouverture d'une «enquête exhaustive», cruciale selon elle pour rassurer l’opinion publique.

Au-delà reste aussi la crainte vécue au quotidien depuis plus de deux semaines d’un regain d’hostilité au sein de la population britannique à l’égard des musulmans, alors que les attaques se sont multipliées contre leur communauté.

«Nous avons reçu trois alertes à la bombe en deux semaines et plus d'une vingtaine de messages téléphoniques et courriers électroniques d'insultes», déplore ainsi Diloyar Khan, directeur de la East London Mosque. La mosquée de Whitechapel est située dans l'East End, un quartier traditionnel d'immigration de la capitale, qui accueille aujourd'hui principalement des gens venus du Pakistan et du Bangladesh.

Veillées œcuméniques

Vendredi matin, une nouvelle alerte a eu lieu, au lendemain de la deuxième vague d'attentats à Londres, et alors que la mosquée s'apprêtait à accueillir les fidèles pour la grande prière hebdomadaire. L'immeuble a été immédiatement vidé, et après une fouille de près d'une heure, la police, qui n'a rien trouvé, a autorisé la réouverture du lieu de culte. Selon la Commission islamique des droits de l'homme, près de 200 incidents à caractère raciste se sont produits depuis le 7 juillet. «Certaines personnes veulent terroriser les Londoniens», affirme pour sa part le Dr Muhammad Abdul Bari, président de la mosquée, mais «nous ne devons pas laisser le terrorisme changer nos vies». Et de souligner que depuis le 7 juillet, date de la première vague d'attentats à Londres, les musulmans ont reçu le soutien des autres communautés du pays. De nombreuses veillées œcuméniques ont en effet été organisées depuis les attentats et les dignitaires des principales religions pratiquées en Grande Bretagne ont montré leur unité lors de nombreuses apparitions médiatisées.

De son côté aussi le gouvernement de Tony Blair a pris soin de mobiliser les responsables musulmans pour combattre l’extrémisme et le terrorisme «bille en tête», pour reprendre l’expression du Premier ministre. Ainsi un groupe de réflexion au sein de la communauté musulmane va être créé très rapidement pour combattre le problème et notamment trouver le moyen d’engager un dialogue avec les jeunes générations qui paraissent les plus vulnérables face ce que Tony Blair a appelé «l’idéologie du mal». Un problème crucial car rien qu’à Londres près d'un million des quelque huit millions d’habitants sont musulmans, une communauté indissociable de la société et de l'histoire de la ville, et deuxième religion du pays. Des luxueux magasins Harrod’s, propriété de Mohammed al-Fayed, d'origine égyptienne, aux innombrables échoppes de kebabs des rues, Londres est marquée par cette présence, ces communautés venues principalement du Pakistan, du Bangladesh, depuis l'époque de l'Empire britannique. Et les musulmans se raccrochent à la réputation cosmopolite de Londres.

Dans une grande mosquée en briques de l'East End, où vit une importante communauté pakistanaise et bangladeshi, l'imam, le cheikh Abdul Qayyum, a ainsi dit aux fidèles que les musulmans étaient partie intégrante de «la riche diversité de la vie britannique». «À cet instant difficile, certains dans notre communauté peuvent ne pas se sentir en sécurité parce qu'ils sont musulmans, mais ces terribles événements n'ont rien à voir avec nous. Les musulmans de Londres sont autant des victimes que leurs concitoyens».

par Muriel  Delcroix

Article publié le 26/07/2005 Dernière mise à jour le 26/07/2005 à 11:30 TU

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Dalil Boubakeur

Recteur de la Mosquée de Paris et président du Conseil français du culte musulman

«La communauté musulmane est choquée et très inquiète de l’évolution des choses…»

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