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France-Israël

Ariel Sharon en ami à Paris

Alors que la situation sur le plan interne mérite pourtant toute son attention –Israël doit en effet entamer son retrait de la bande de Gaza dans moins de trois semaines– le Premier ministre Ariel Sharon a accepté l’invitation de Jacques Chirac. Sa visite officielle de trois jours en France en dit long sur la volonté des deux Etats de tourner la page des querelles passées. Les relations entre les deux pays se sont, en effet, distinguées ces dernières années, par leur froideur, voire dans certains cas par leur hostilité.

Ariel Sharon sera reçu en France en ami. Jacques Chirac a bien insisté sur ce point. «En accueillant à Paris le Premier ministre, c’est un message de confiance que la France adresse à son ami : la conviction que la paix est possible, la volonté d’y contribuer», avait en effet affirmé la semaine dernière le chef de l’Etat dans une longue interview au quotidien Haaretz. Une interview dans laquelle le président français saluait le courage politique de celui qui était pourtant, il y a tout juste un an, persona non grata à Paris. Mais après plusieurs années de relations tumultueuses –Jacques Chirac et Ariel Sharon ne se sont pas rencontrés depuis quatre ans–, la France et Israël semblent aujourd’hui déterminés à aller de l’avant et à oublier leurs différends. Et si dans un premier temps, les autorités israéliennes ont fait la fine bouche devant l’invitation française, elles ont très vite compris qu’une telle opportunité n’était pas prête de se reproduire. Un proche du Premier ministre a d’ailleurs reconnu qu’«un vent nouveau souffle de l’Elysée» et qu’il était désormais «temps de tourner une nouvelle page avec Paris». Ce haut responsable a même affirmé qu’Ariel Sharon était favorable à «un rôle plus actif de la France dans le règlement du conflit» israélo-palestinien, à condition bien sûr «qu’elle ait une position plus équilibrée». Des propos on ne peut plus amicaux qui tranchent singulièrement avec les critiques souvent acerbes des responsables israéliens sur la «politique pro-arabe» de la France.

L’évolution ces derniers mois de la situation au Proche-Orient et surtout l’engagement personnel d’Ariel Sharon à évacuer les colonies de la bande de Gaza et quatre petites implantations du nord de la Cisjordanie ne sont pas étrangers au dégel entre les deux pays. «Je n’ai pas à porter de jugement sur le Premier ministre mais il a eu beaucoup de détermination dans les décisions qu’il a prises au sujet de Gaza et je souhaite qu’il réussisse», a ainsi affirmé Jacques Chirac avant d’ajouter : «la France ne peut que l’encourager dans cette voie qui est une voie de dialogue et un pas, nous l’espérons vers la paix». Le chef de l’Etat, qui a également salué l’engagement du chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, «à mettre un terme aux violences», a par ailleurs estimé que l’évacuation de Gaza n’était pas une fin en soi et qu’une fois le plan de retrait appliqué, à l’automne, la communauté internationale se devait «d’œuvrer à la relance de la Feuille de route», ce plan de paix qui prévoit à terme la création d’un Etat palestinien. Une idée à laquelle Ariel Sharon ne semble aujourd’hui visiblement pas opposé, ayant lui-même affirmé au quotidien français Le Monde que le retrait de Gaza n’était qu’une «étape préliminaire». Il y a quelques mois pourtant, son plus proche conseiller, Dov Weisglass, soutenait que ce désengagement était «une manœuvre destinée à enterrer le processus de paix».

La France, «un exemple» pour la lutte contre l’antisémitisme

Cette détente dans des relations longtemps tumultueuses ne s’explique pas uniquement par la nouvelle approche adoptée par le gouvernement Sharon du conflit avec les Palestiniens. L’Etat hébreu semble avoir en effet particulièrement apprécié l’attitude de la France dans la crise syro-libanaise. Paris a joué, aux côtés de Washington, un rôle de premier plan pour l’adoption de la résolution 1559 des Nations unies sur le retrait des troupes de Damas et le désarmement des milices. Ariel Sharon compte d’ailleurs à ce sujet évoquer avec Jacques Chirac le cas du Hezbollah que le président français considère comme partie prenante de la vie politique libanaise. «Je lui dirai que le Hezbollah est une organisation terroriste parmi les plus cruelles et les plus radicales», a affirmé le Premier ministre qui espère convaincre son interlocuteur pour que ce mouvement soit inscrit sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne. Autre motif de satisfaction pour les autorités israéliennes, la position de la France sur le nucléaire iranien. «La perspective que l’Iran se dote d’un arsenal nucléaire militaire est tout simplement inacceptable», a encore récemment affirmé Jacques Chirac qui a dit espérer que les négociations actuellement en cours entre Téhéran et la troïka européenne – Allemagne, France et Royaume Uni– aboutissent. «Si ce n’était pas le cas, a ajouté le chef de l’Etat, alors il faudrait naturellement que le Conseil de sécurité se saisisse de la question».

Mais s’il est bien un sujet pour sceller la réconciliation franco-israélienne, c’est bien celui de la lutte contre l’antisémitisme. Les deux pays reviennent en effet de loin. Il y a un peu plus d’un an, le 18 juillet 2004, Ariel Sharon appelait les juifs de France à immigrer massivement et d’«urgence» pour fuir un «antisémitisme déchaîné». Des propos qui avaient à l’époque déclenché un tollé dans l’Hexagone, et notamment dans la communauté juive. Aujourd’hui le Premier ministre rend hommage à l’action de la France. Dans son interview au Monde, Ariel Sharon a en effet tenu à rappeler que «le gouvernement français et M. Chirac avaient déployé beaucoup d’effort pour lutter contre l’antisémitisme, dont la monté en Europe inquiète Israël et devrait inquiéter les Européens». Et d’ajouter : «ce qui a été fait en France peut servir d’exemple pour d’autre pays européens». La publication par le ministère français de l’Intérieur des chiffres des actes antisémites, en diminution de 48% par rapport au premier semestre de l’année dernière, ne pouvait mieux tomber.

Rien ne devrait donc entacher cette réconciliation franco-israélienne. Si ce n’est peut-être cet appel à manifester lancé par une vingtaine d’organisations pour «le démantèlement total du mur d’annexion de la Cisjordanie et de Jérusalem et pour la fin de l’occupation des Territoires palestiniens».      


par Mounia  Daoudi

Article publié le 26/07/2005 Dernière mise à jour le 27/07/2005 à 12:07 TU

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Avi Pazner

Ancien ambassadeur d’Israël à Paris et porte-parole du Premier ministre israélien

«Avec le plan de retrait de Gaza, nous avons démontré que nous pouvons faire de grands sacrifices pour renouer le dialogue avec nos voisins Palestiniens.»

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