France-Israël
Barnier est venu apaiser les tensions
(Photo : AFP)
Le chef de la diplomatie française a décidé de consacrer trois jours à sa mission en Israël, signe de l’importance accordée par Paris à une amélioration des relations entre les deux pays. C’est en effet la première fois depuis de nombreuses années qu’un ministre français consacre autant de temps aux rapports franco-israéliens sans que cela n’entre dans le cadre d’une tournée régionale comprenant au moins une visite aux dirigeants palestiniens. Mais il est vrai que les différends entre les deux Etats sont nombreux et que les relations entre les deux pays n’ont cessé de se dégrader ces derniers mois et notamment depuis la nomination de Michel Barnier à la tête de la diplomatie française. Une de ses premières initiatives dans la région a en effet été très mal perçue par le gouvernement d’Ariel Sharon. Fidèle à la position défendue par Paris selon laquelle Yasser Arafat demeure «un interlocuteur incontournable», il s’était ainsi rendu à Ramallah pour rencontrer le chef de l’Autorité palestinienne qu’Israël et les Etats-Unis tentent depuis des mois d’isoler sur la scène internationale. Les autorités israéliennes, fidèles elles aussi à leur refus de recevoir quiconque rencontre le raïs palestinien, avaient dans la foulée différé la visite en Israël du ministre français.
Mais les relations entre les deux pays ont surtout été mises à mal par la multiplication des actes antisémites en France, prétexte invoqué le 18 juillet dernier par le Premier ministre Ariel Sharon pour appeler les juifs de France à immigrer en Israël et fuir «un antisémitisme déchaîné». Paris avait très vivement réagi affirmant qu’une visite en France du chef du gouvernement israélien n’était plus à l’ordre du jour tant que ce dernier ne fournirait pas d’«explications» concernant ses propos. Explications qu’Ariel Sharon n’a jamais données même s’il a cependant fait l’éloge de la lutte contre l’antisémitisme engagée depuis des années par les autorités françaises. Dès son arrivée en Israël, Michel Barnier a d’ailleurs tenu à réaffirmer la détermination de la France à poursuivre ses efforts en se sens. «Nous savons que le pire a été accompli et nous sommes résolu à ce qu’il ne se répète plus jamais», a-t-il notamment affirmé après s’être recueilli devant le Mémorial de la déportation des juifs de France. Il est d’ailleurs le premier chef de la diplomatie française à se rendre dans ce lieu où un hommage très fort est rendu aux quelque 80 000 Français exterminés lors de la Shoah.
Barnier soutient le plan Sharon
Autre point d’achoppement qui a largement contribué à la dégradation des relations franco-israéliennes, la position défendue par Paris dans le conflit du Proche-Orient et considérée comme trop favorable à la partie palestinienne. A la veille de sa visite en Israël, Michel Barnier a donc tenu à expliquer une nouvelle fois l’attitude de la France. Il a d’un côté fustigé «le terrorisme qui frappe le peuple israélien durement, très durement» et qui n’est justifiable, selon lui, par aucun argument ni aucune cause. De l’autre, il a ouvertement plaidé pour la fin de l’occupation des Territoires palestiniens. «La paix, a-t-il en effet déclaré, passe par la renonciation à l’occupation qui n’apporte que des difficultés en Israël». Michel Barnier s’est d’ailleurs attaché à défendre auprès de ses interlocuteurs israéliens les mêmes arguments. Il a dans cette optique apporté son plein soutien au très contesté plan de retrait de la bande de Gaza préconisé par le Premier ministre Ariel Sharon. Un plan qu’il a qualifié de «courageux» et qu’il a vivement souhaité être «une première étape de la Feuille de route», ce plan de paix international qui prévoit à terme la création d’un Etat palestinien.Se faisant l’avocat de la cause européenne, le chef de la diplomatie française a par ailleurs plaidé pour une participation pleine et entière de l’Union dans la mise en oeuvre du plan Sharon de séparation unilatérale d’avec les Palestiniens. «L’UE est prête à jouer tout son rôle pour accompagner la réussite de ce retrait», a affirmé Michel Barnier, insistant sur le refus de cette dernière de se cantonner «dans un rôle de soutien financier». «Nous ne sommes pas seulement un supermarché qui peut envoyer des chèques ici où là», a-t-il ajouté au cours d’une conférence de presse à Jérusalem avec son homologue israélien.
Le ministre français a profité de cette occasion pour réaffirmer l’importance accordée par la France au maintien d’un dialogue avec le chef de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat. Mais son homologue, Sylvan Shalom, a rétorqué : «il est triste que nous n’ayons pas de partenaire pour le moment». De source diplomatique, on indique qu’au cours de l’entretien d’une heure qu’il a eu avec Ariel Sharon, Michel Barnier a affirmé au Premier ministre israélien : «on ne fera rien sans Arafat et on fera encore moins en agissant contre lui». Ce à quoi ce dernier a répondu par une fin de non-recevoir.
par Mounia Daoudi
Article publié le 18/10/2004 Dernière mise à jour le 18/10/2004 à 16:17 TU