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Guinée-Bissau

Sanha revendique la victoire contre Vieira

L’ancien président Malam Bacai Sanha s'est proclamé vainqueur de l’élection présidentielle devant plusieurs milliers de partisans à Bissau.(Photo : AFP)
L’ancien président Malam Bacai Sanha s'est proclamé vainqueur de l’élection présidentielle devant plusieurs milliers de partisans à Bissau.
(Photo : AFP)
Le candidat de l’ancien parti unique, le Parti pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC), Malam Bacai Sanha se proclame vainqueur de l'élection présidentielle du 24 juillet contre l’ancien président, Joao Bernardo «Nino» Vieira, donné vainqueur avec 216 167 voix (contre 196 759) par les chiffres provisoires communiqués, jeudi dernier, par la Commission nationale électorale (CNE). Dimanche, Sanha a durci le ton et battu le rappel de ses troupes à Bissau, pour réclamer le fauteuil présidentiel. La CNE devait commencer à se réunir ce lundi pour examiner les recours qu’il a déposés. En attendant, le suspense reste agité.

«C'est nous qui avons remporté cette élection, et personne d'autre. La vérité est de notre côté, la force est de notre côté», a tempêté Malam Bacai Sanha, devant plusieurs milliers de ses partisans rassemblés au centre-ville de la capitale, face au siège du PAIGC. Refusant de s’incliner devant l’ancien président déchu, «Nino» Vieira, Sanha dénonce un bourrage des urnes et de «fraude à large échelle», en particulier dans la capitale, Bissau, mais aussi à Biombo, à l’Ouest et à Bafata, au Centre-Est, où il a demandé l’annulation des votes. En même temps, Sanha s’en prend directement au président de la CNE contre lequel il demande à l’Assemblée nationale de prendre «des mesures disciplinaires», pour «violation du principe d'impartialité et de neutralité».

«Le président de la CNE est inamovible», rétorque le directeur de campagne du candidat Vieira, Aristide Gomes. «Le peuple s'est prononcé, c'est notre candidat qui a gagné», dit-il, accusant le camp adverse d’avoir multiplié les pressions sur l’instance de régulation électorale. Et cela, «d’abord en faisant courir la rumeur d’une victoire de Sanha, puis en essayant de s'emparer des résultats, en s'introduisant nuitamment à la CNE». Visiblement soulagé de pouvoir poser Vieira en joueur fair play, Aristide Gomes affiche une volonté d’apaisement, expliquant que «Nino» Vieira «ne veut pas être stigmatisé comme un fauteur de trouble» et qu’il va donc «tout faire pour respecter» les lois et la Constitution du pays.

Sanha : «ce pays va brûler».

Les observateurs internationaux dépêchés en Guinée-Bissau n’ont pour leur part rien trouvé à redire sur un scrutin assez tranquille en dépit d’une campagne électorale tumultueuse et d’une abstention notable. Mais Sanha leur conteste aussi le droit de se prononcer sur la transparence et la validité du deuxième tour. «Ceux de l'Union européenne, par exemple, n'ont visité que 400 bureaux sur 2 500, ce qui représente environ 20%» du total, plaide-t-il, avant de conclure : «Les résultats provisoires qui ont été avancés, nous ne les accepterons pas parce qu'ils sont frauduleux et ils ne correspondent pas au vote du peuple». Ce dernier retient justement son souffle depuis des mois, espérant, sans grande illusion, voir enfin la paix et, mieux encore, un début de prospérité succéder à une interminable partie de bras de fer entre les éléphants qui piétinent la scène politique bissau-guinéenne depuis des lustres. L’épreuve de force s’est déjà soldée par la guerre civile et de multiple coups d’Etat. Une nouvelle fois défait au second tour – il l’avait déjà été en 2000 par Kumba Yala –, Malam Bacaï Sanha, prophétise le pire.

«Si la CNE accepte d'analyser correctement nos requêtes», c’est-à-dire si elle lui donne raison, Sanha promet que «ce pays entrera définitivement dans la paix et la stabilité». Sinon, «ce pays va brûler», menace-t-il. C’est ce qu’il a voulu signifier en rassemblant ses partisans dimanche, devant la CNE, en face de la Place des Héros de la Nation, où ils ont réclamé «la clé du palais présidentiel», derrière une partie de la direction du PAIGC qui continue de refuser les résultats provisoires. Outre cette démonstration de force, certains se sont inquiétés de comprendre que Sanha suggérait un arbitrage militaire lorsqu’il s’est dit «inquiet de certains mouvements» au sein de l'armée. Celle-ci est en effet loin d’être totalement acquise à Vieira, même s’il a reçu officiellement l’appui d’un autre éléphant politique, l’ancien président Kumba Yala, qu’il avait fallu convaincre de s’incliner après sa défaite au premier tour.

Le président par intérim désigné par la junte – qui avait déposé Kumba Yala (en septembre 2003) – pour assurer une transition d’allure plus civile, Henrique Rosa, est remonté au créneau politico-militaire, dès vendredi dernier, au lendemain de la diffusion des résultats provisoires. Ces derniers avaient d’ailleurs été éventés quelques jours plus tôt par la contestation de Sanha qui n’a même pas attendu qu’ils soient mis sur la place publique pour les dénoncer. Henrique Rosa s'est commis d’office comme médiateur «entre les deux protagonistes». «Je n'attendrai pas qu'ils me le demandent, je prendrai l'initiative tout seul si cela est nécessaire» a-t-il déclaré, en assurant que «du côté du PAIGC, ils ont presque accepté les résultats».


par Monique  Mas

Article publié le 01/08/2005 Dernière mise à jour le 01/08/2005 à 16:39 TU