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Indonésie/Malaisie

Des prières contre les feux

A Port Klang, la circulation des navires est perturbée par les fumées. L'état d'urgence a été décrété sur la côte occidentale de la Malaisie.(Photo: AFP)
A Port Klang, la circulation des navires est perturbée par les fumées. L'état d'urgence a été décrété sur la côte occidentale de la Malaisie.
(Photo: AFP)
En Malaisie, la pollution atmosphérique perturbe la vie des habitants de la péninsule. L’air est saturé de fumée provenant de feux allumés en Indonésie pour défricher, feux devenus incontrôlables. Les responsables religieux ont demandé aux Malaisiens de prier pour que la pluie tombe et rabatte les fumées.

Des prières ont été dites vendredi dans les mosquées de Malaisie pour que la pluie tombe et dissipe les fumées. Elles proviennent de feux de forêts allumés en Indonésie pour défricher, feux devenus incontrôlables. Le Premier ministre Abdullah Ahmed Badawi avait demandé aux musulmans, mais aussi aux chrétiens, aux bouddhistes, et aux hindous de son pays de prier leurs dieux pour faire tomber la pluie.

Depuis une semaine, un nuage de fumée recouvre une grande partie de la péninsule malaisienne. Vendredi, la situation s’est améliorée sur la côte mais le trafic dans le détroit de Malacca a été perturbé par le manque de visibilité. Des liaisons aériennes ont été suspendues. Vendredi, l’indice de pollution est retombé à 314 points après avoir franchi la barre des 500. La cote 300 est considérée comme le seuil dangereux. A 500 points, l’état d’urgence est automatiquement instauré.

Jeudi, la Malaisie a décrété l’état d’urgence sanitaire dans deux villes situées sur sa côte occidentale. Le phénomène de pollution a provoqué une multiplication des crises d’asthme, et entraîné la fermeture des écoles. Pour se protéger du «smog», les Malaisiens se sont mis à porter des masques.

Si les vents ont pour le moment épargné Singapour et une partie de la Malaisie, ce ne fut pas le cas en 1997 et en 1998. Ces années-là, des brûlis, que les paysans ne parvenaient pas à maîtriser, avaient enfumé tout le Sud-Est asiatique.

Des brûlis au moment de la saison sèche

Le phénomène se reproduit cette année. Les feux sont allumés, cette fois encore, sur l’île de Sumatra, durement éprouvée par le tsunami et les tremblements de terre de décembre et janvier derniers, et à Kalimantan, la partie indonésienne de l’île de Bornéo. La Malaisie a proposé son aide et compte envoyer une centaine de pompiers sur place. Mais si les échanges entre les deux pays ne posent pas de problème, en revanche l’accès aux foyers d’incendie est parfois difficile dans les régions montagneuses. Il faut souvent une journée de marche dans la forêt tropicale pour atteindre un incendie. «Nous rencontrons des difficultés à approcher des feux car ils sont trop loin des ressources en eau», a par ailleurs expliqué un responsable indonésien de lutte contre les incendies. Djakarta n’a pas encore donné son feu vert à l’arrivée des secours étrangers. «Nous espérons que les obstacles bureaucratiques pourront être surmontés aussi vite que possible», a déclaré le vice-premier ministre malaisien Najib Razak.

Le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono a promis que des mesures fermes seraient prises contre les responsables de ces incendies qui polluent l’air de la Malaisie voisine depuis plusieurs jours. Difficile de contrer ces habitudes, car la culture sur brûlis est une tradition en Indonésie. Chaque année, au moment de la saison sèche, les agriculteurs et les exploitants forestiers défrichent en mettant le feu à la végétation. Il s’agit soit de trouver de nouveaux terrains pour les cultures, soit de détruire le sous-bois pour couper les arbres. Cette pratique de l’agriculture sur brûlis est en principe interdite par la loi.

Trouver une nouvelle terre agricole

Par le passé, les autorités indonésiennes ont encouragé l’émigration vers l’île de Sumatra pour résoudre des problèmes de surpopulation dans d’autres parties du pays. Les petits paysans ont commencé dans les années 50 à pratiquer la culture sur brûlis et à déforester. Des études montrent que, dans toutes les forêts tropicales du monde, les petits paysans sont responsables des deux tiers de la déforestation. Comme les sols à cultiver sont pauvres, les agriculteurs ont besoin de laisser ces sols au repos pendant de longues périodes et de trouver d’autres terres. Ils les prennent sur la forêt. Les spécialistes parlent de «cultivateurs déplacés», émigrant sur des terres appartenant à l’Etat. Ils pratiquent l’agriculture sur brûlis au Mexique et plus généralement en Amérique centrale, en Amazonie, dans certaines parties de l’Afrique occidentale, aux Philippines, et dans les colonies de peuplement indonésiennes, notamment à Sumatra. Ces petits paysans pratiquent une agriculture de subsistance et sont obligés de défricher les forêts pour survivre. Au bout de deux ou trois récoltes, ils doivent trouver d’autres terres à défricher.

Le rôle de l’agro-industrie

L’autre cause de déforestation, c’est l’installation de plantations, notamment de palmiers à huile sur des terres en jachère sur lesquelles on a auparavant pratiqué la culture sur brûlis. En quinze ans, ces plantations se sont énormément développées en Indonésie. Du café, du cacao, des agrumes, du caoutchouc peuvent également pousser sur des terrains forestiers.

L’Indonésie s’est également lancée dans la reconversion de jachères forestières en plantations d’acacias qui fournissent de la pulpe de bois. Depuis 1980, la production de papier et de carton s’est développée de manière fulgurante en Indonésie. Cette production a été multipliée  par 17 (par 11 en Malaisie) grâce à ces arbres à pousse rapide. En 1996, les exportations indonésiennes de produits en papier et en carton ont atteint 1,2 million de tonnes. L’Agence canadienne de développement international (ACDI) qui fournit ces chiffres par le biais de son Réseau de conseillers forestiers (RCFA) a également constaté que dans les pays concernés par la déforestation, les ministères chargés de la forêt n’ont en général pas grande influence au sein de leurs gouvernements. D’autres utilisations des terres sont mieux surveillées.

Bien sûr les cultures sur brûlis ne sont pas les seules causes de la déforestation. L’Indonésie, qui possède la deuxième forêt tropicale du monde, coupe ses arbres à tour de bras. Les écologistes estiment que la plupart des permis légaux sont accompagnés de coupes illégales dont le bois passe par la Malaisie avant d’être exporté en grande partie vers l’Union européenne. Conscient du problème, le gouvernement indonésien essaie de trouver des accords avec les pays occidentaux demandeurs pour détecter le bois illégal dans les circuits commerciaux. L’Indonésie vend du contreplaqué, du bois de construction et des produits papetiers à une centaine de pays. Elle cherche à limiter les exportations de bois brut pour vendre des produits transformés à plus grande valeur ajoutée.


par Colette  Thomas

Article publié le 12/08/2005 Dernière mise à jour le 12/08/2005 à 16:48 TU