Darfour
Les soldats de la paix africains à court d’argent
(Photo: AFP)
Fin juillet, les finances de la mission de l'Union africaine au Darfour accusaient un déficit de 200 millions de dollars. Le couteau sous la gorge, l'Union africaine a été contrainte de faire des économies drastiques, notamment sur les rémunérations des membres de la mission. Les baisses de salaires envisagées ont suscité un certain émoi parmi les troupes, venues des quatre coins du continent pour tenter de faire respecter, dans des conditions souvent extrêmes, un cessez-le-feu largement théorique au Darfour.
La mission de l’Union africaine a commencé à se déployer au cours de l’été 2004 dans un région dévastée par un conflit opposant des rebelles armés aux milices «Djandjaweeds», soutenues par le gouvernement de Khartoum. L’objectif de départ est de surveiller, avec quelques centaines d’hommes, le fragile cessez-le-feu négocié en avril 2004 à N’Djamena. Mais face à l’ampleur de la crise du Darfour, qui a fait entre 180 000 et 300 000 morts et provoqué le déplacement de plus de 2,6 millions de personnes, l’Union africaine a revu ses ambitions à la hausse. Les effectifs de la mission doivent être portés à 7 700 hommes d’ici fin septembre 2005. Ce changement d’échelle pose des problèmes d’intendance, à l’origine des difficultés financières de la mission.
Des négociations très âpres
Au mécontentement qu’a suscité l’annonce brutale de baisses de rémunération, s'est ajoutée une frustration liée au décalage de traitement entre le simple soldat, qui reçoit un peu plus de 10 dollars par jour, et l'observateur militaire, rémunéré 120 dollars (somme avec laquelle il doit se loger et se nourrir). A l'issue d'âpres négociations entre l’Union africaine, les bailleurs de fonds et les pays africains contributeurs de troupes (au premier rang desquels le Nigeria et le Rwanda, puis l’Afrique du Sud et le Sénégal), la solde de la troupe a finalement à peine bougé. En revanche, le salaire des observateurs a diminué d'un tiers, à 90 dollars. Il s’aligne ainsi sur le barème en vigueur dans les missions de l’ONU. L’Union européenne, principal bailleur de fonds de l’Union africaine au Darfour, s’était d’ailleurs étonnée de l’importance de certaines rémunérations à l’UA.
Baba Gana Kingibé, chef de la mission de l’Union africaine au Soudan et ancien ministre des Affaires étrangères du Nigeria, assure que l’incident, lié à des difficultés temporaires d’ajustement, est désormais clos. Ce cafouillage est malgré tout du plus mauvais effet pour l’Union africaine, qui joue gros au Darfour, dont elle veut faire le symbole de la capacité de l’Afrique à résoudre elle-même les problèmes du continent. Ce sont également sous ses auspices que doivent reprendre, le 15 septembre à Abuja, au Nigeria, les négociations entre les belligérants du Darfour. La communauté internationale (l’ONU, l’Union européenne, les Etats-Unis, et même tout récemment l’OTAN) a mis tout son poids pour soutenir l’UA dans cette mission à haut risque. C’est maintenant à l’organisation panafricaine d’apporter la démonstration qu’elle peut être à la hauteur des espoirs qu’on a mis en elle.
par Sylvain Biville
Article publié le 27/08/2005 Dernière mise à jour le 27/08/2005 à 11:20 TU