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Sri Lanka

Esala Perahera de Kandy : la fête et la piété

Le Maligawa Tusker porte la dent de Bouddha, la sainte relique. Aucune de ses pattes ne foulera le sol directement. Un tapis blanc est déroulé sous ses pas.(Photo: Mouhssine Ennaimi)
Le Maligawa Tusker porte la dent de Bouddha, la sainte relique. Aucune de ses pattes ne foulera le sol directement. Un tapis blanc est déroulé sous ses pas.
(Photo: Mouhssine Ennaimi)
La plus grande procession du Sri Lanka vient de s’achever. La cérémonie était entourée d’un imposant dispositif de sécurité. Comme chaque année des centaines de milliers de Sri Lankais sont venus rendre hommage au bien le plus précieux et le plus vénéré des bouddhistes: la dent de Bouddha.
De notre envoyé spécial à Kandy

Les retardataires doivent se contenter de quelques centimètres carrés pour voyager. Tous les bus, trains, et transports publics à destination de Kandy sont archi-complets. Comme chaque année des dizaines de milliers de personnes convergent vers l'ancienne capitale du Sri Lanka pour assister à la plus importante et la plus fastueuse procession de l'île. Shiromi, 21 ans, a bravé 4 heures de bus depuis Dambulla avec son bébé de 7 mois dans les bras. «Il y avait un monde fou mais je ne voulais pas rater la procession. C'est magnifique de voir ce défilé.» A 64 ans, Wilbert est également un fidèle. «Depuis 50 ans je viens voir la parade. C'est la plus belle fête du pays et même d'Asie ! Le spectacle est merveilleux.» Au total, près de 500 000 personnes sont présentes. La plupart sont assises à même le trottoir, derrière les barrières municipales.

La présence policière et militaire est omniprésente. Plus de 7 000 policiers sont déployés pour l'occasion et la ville est quasiment bouclée. Fouilles corporelles, contrôle des sacs, rien n'est laissé au hasard. Pour preuve, quelques minutes avant la parade, une unité spéciale effectue des contrôles aléatoires. Depuis l'assassinat du chef de la diplomatie le 13 août dernier, le pays est en état d'urgence et la menace d'attentat est présente dans tous les esprits. L'état d'urgence impose un dispositif militaire et policier quasi sans précédent. Policiers et militaires travaillent en coordination totale. Durant toute la procession, les autorités scrutent le public. Toutefois, les spectateurs restent compréhensifs et se plient aux fouilles et aux ordres des autorités. Tambours, flûtes, chants et danses font presque oublier la présence policière.

Une cérémonie vieille de 2 000 ans

Mi-cérémonie, mi-spectacle, L'Esala Perahera a lieu lors de la pleine lune de juillet-août. Durant 10 jours, ou plutôt 10 nuits, consécutives les quatre temples des dieux protecteurs de l'île (Natha, Vishnu, Kataragama et Pattini) ainsi que le temple de la Dent organisent des parades dans les rues de la ville. Le soir de la pleine lune, Esala, est le plus important. Toutes les parades culminent en beauté. Une des processions défile en hommage à la relique la plus précieuse du Sri Lanka : la dent de Bouddha. Plus précisément sa canine. Selon la légende, elle aurait été apportée d'Inde au Sri Lanka au IVe siècle. Une princesse l'aurait dissimulée dans ses cheveux. Le souverain Meghawannna initie une célébration annuelle en l'honneur de la sainte relique. La procession aurait donc près de 2 000 ans. Depuis, la dent de Bouddha est devenu un symbole de pouvoir. Pour les monarques, être en possession de la canine ouvre le droit au trône.

Lors des invasions portugaise, hollandaise et britannique, la dent est déplacée de ville en ville afin d'éviter qu'elle ne tombe dans des mains étrangères. A Kandy, dans la nouvelle capitale cinghalaise, au XVIIIème siècle, le roi Rajasinghe replace la dent de Bouddha au centre de la procession. La Dalada Maligawa devient la procession la plus importante. Les porteurs de fouets ouvrent la voie. Les claquements glacent le sang du public. Les pièces pleuvent aux pieds des ramasseurs d'offrandes. Vient ensuite un éléphant qui porte le drapeau bouddhiste. Puis, en costume traditionnel, près de mille artistes kandyens dansent, sautent, virevoltent sous les yeux (et les oreilles) émerveillés du public. Au sons des tambours et des flûtes, certains éléphants font même quelques pas de danse. La parade est éclairée par des porteurs de torches. Manosh, commerçant, est fasciné par le spectacle. «La Perahera est la vitrine des arts et de la culture traditionnels du Sri Lanka. C'est magnifique de voir tous ces danseurs, jongleurs, chanteurs perpétuer nos traditions 

Les éléphants, rois de la fête

De toute évidence les éléphants sont les rois de la fête. Plus d'une centaine de pachydermes défilent pendant près de 5 heures. Recouverts de longues robes de velours taillées sur mesure, ils sont habillés de la trompe aux pattes. Leurs costumes sont brodés de fils d'or et leurs défenses sont recouvertes de cuivre doré. Quant au Maligawa Tusker (l'éléphant aux imposantes défenses de la parade du Dalada Maligawa), il est chargé de porter la sainte relique. Il a droit à tous les honneurs. Aucune de ses pattes ne foulera le sol directement. Un tapis blanc est déroulé sous ses pas. Le haut dignitaire du Temple de la Dent, Diyawadana Nilame, suit le cortège en costume médiéval traditionnel.

La parade n'est pas uniquement un spectacle folklorique. La dent de Bouddha est vénérée par les bouddhistes du monde entier. «Cette procession a pour objectif de rendre hommage au saint Bouddha. Nous tenons à lui témoigner notre reconnaissance pour son enseignement», explique Sinha, 32 ans, moine bouddhiste. Il ajoute : «Nous suivons ses pas. Cette procession est une profonde marque de respect pour le saint Bouddha et sa philosophie.»

Malgré les mesures de sécurité drastiques, seule une réplique de la dent est exhibée. L'original, bien trop précieux, n'est dévoilé aux fidèles que tous les sept ou dix ans.


par Mouhssine  Ennaimi

Article publié le 27/08/2005 Dernière mise à jour le 27/08/2005 à 12:52 TU