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Liban

Des alliés de Damas suspectés dans l’assassinat de Hariri

L'attentat qui a tué le Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005. Les soupçons des enquêteurs se portent sur les milieux proches de la Syrie et du président libanais.(Photo : AFP)
L'attentat qui a tué le Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005. Les soupçons des enquêteurs se portent sur les milieux proches de la Syrie et du président libanais.
(Photo : AFP)
L’enquête sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri a connu un développement spectaculaire avec l’interrogatoire comme suspects des anciens chefs des services de sécurité et d’un ex-député. Les arrestations ont touché les milieux alliés de la Syrie et l’entourage du chef de l’Etat.

De notre correspondant à Beyrouth

Deux mois et demi après le début de ses travaux, la Commission internationale d’enquête sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février dernier, a nommément désigné cinq personnes soupçonnées d’être impliquées dans l’attentat. Répondant à la demande de la Commission, des patrouilles de la police libanaise accompagnées d’enquêteurs internationaux ont arrêté l'ancien directeur de la Sûreté générale, le général Jamil el-Sayed, l'ancien directeur des Forces de sécurité intérieure (FSI, gendarmerie), le brigadier Ali el-Hage, et l'ancien directeur des Renseignements militaires, le général Raymond Azar, qui avaient été contraints de démissionner sous la pression populaire quelques semaines après l’attentat. Leurs domiciles ont été perquisitionnés avant qu’ils ne soient emmenés au siège de la Commission dans la région isolée de Monteverde, à l’est de Beyrouth, pour y être interrogés.

Le chef de la Garde présidentielle, le général Moustapha Hamdane, toujours en poste, s’y est présenté de son propre chef. Nommé en 1998 à la tête de la Garde par le président Emile Lahoud, le général Hamdane avait été déjà interrogé en tant que «suspect» par la Commission. Il avait refusé de démissionner de son poste après cet interrogatoire. L’ex-député Nasser Kandil, un proche de la Syrie, se trouvait à Damas lorsque la police a débarqué chez lui. Dans une déclaration à la presse sur le chemin du retour, à la frontière libano-syrienne, il a déclaré qu’il était disposé à répondre aux questions des enquêteurs parce qu’il n’avait «rien à (se) reprocher». Selon des sources bien informées, deux officiers de la Garde présidentielle et des FSI ainsi que l’un des frères de Moustapha Hamdane ont également été arrêtés.

L’armée déployée à titre préventif

Quelques heures après ces interpellations effectuées avec l’approbation du parquet libanais qui a émis des mandats d’amener, le chef de la Commission internationale, le magistrat allemand Detlev Mehlis, a rencontré le Premier ministre Fouad Siniora et le ministre de la Justice Charles Rizk. Le chef du gouvernement a ensuite réuni le commandant de l’armée et les responsables des services de sécurité pour leur demander de «prendre les mesures nécessaires afin de préserver l’ordre public». Des unités de l’armée ont été déployées à Beyrouth et dans les grandes villes à titre préventif.

Ce coup de théâtre intervient cinq jours après l’examen par le Conseil de sécurité du rapport préliminaire de Mehlis dans lequel il reproche à Damas son manque de coopération avec la Commission d’enquête. Montrée du doigt par la communauté internationale, la Syrie avait annoncé, par la bouche de son président Bachar el-Assad, qu’elle était disposée à apporter son aide à Mehlis. La Commission a par la suite rencontré à Genève des officiers syriens des renseignements qui se trouvaient en poste à Beyrouth au moment de l'attentat qui a coûté la vie à Hariri. Ils s’ajoutent aux 240 témoins entendus par les 150 experts internationaux.

Réfugiés à Paris

A la veille des interpellations de mardi, les rumeurs les plus folles couraient à Beyrouth et un climat de crainte et de peur régnait sur le pays. Visiblement informées que quelque chose se préparait, plusieurs personnalités libanaises anti-syriennes ont commencé à quitter le Liban pour Paris dès samedi. C’est ainsi que le chef druze Walid Joumblatt et ses proches lieutenants, les ministres Marwan Hamadé et Ghazi Aridi, le député Gébrane Tuéni et plusieurs journalistes, sont allés rejoindre Saad Hariri, fils et héritier politique de Rafic Hariri, qui se trouve dans la capitale française depuis un certain temps. M. Tuéni a révélé que des membres de la Commission d’enquête l’avaient informé que son nom figurait en tête d’une liste de personnalités qui pourraient être assassinées. De même, le haut représentant de la politique extérieure européenne Javier Solana et le représentant de Kofi Annan, Terje Roed Larsen, ont reporté une visite prévue à Beyrouth.

L’interrogatoire des suspects s’est poursuivi tout la journée de mardi dans le plus grand secret. Mais selon des sources bien informées, les enquêteurs tentent de savoir qui a ordonné le nettoyage de la scène du crime quelques heures après l’attentat et dans quel but. Ils essayent aussi de déterminer si les faits et gestes de Rafic Hariri faisaient l’objet d’une surveillance rapprochée peu avant son assassinat. Des confrontations ont par ailleurs été organisées entre plusieurs suspects.

Selon la loi libanaise, au terme de la garde à vue de 48 heures renouvelable une fois, les suspects doivent être libérés ou incarcérés sur la base d’un mandat d’arrêt émis par un juge d’instruction. Mais quel que soit l’épilogue, cette affaire a montré que les enquêteurs internationaux cherchent les coupables du crime du 14 février parmi les alliés de la Syrie au Liban et dans l’entourage du président Emile Lahoud.


par Paul  Khalifeh

Article publié le 31/08/2005 Dernière mise à jour le 31/08/2005 à 08:46 TU